Cannes 2022 : on a vu Trois mille ans à t'attendre, le voyage métaphysique dingue de George Miller

Alexandre Janowiak | 21 mai 2022
Alexandre Janowiak | 21 mai 2022

Après une année 2021 exceptionnelle en juillet, Cannes retrouve le mois de mai pour son édition 2022 et sa sélection riche d'une centaine de films plus ou moins attendus. Après son ouverture zombiesque avec Coupez !, le festival bat donc son plein et dévoile un peu plus ses joyaux (ou non) chaque jour. L'heure pour nous de vous livrer notre avis à chaud sur Trois mille ans à t'attendre, le nouveau film de George Miller, sept ans après Mad Max : Fury Road.

 

 

De quoi ça parle ? Alithea est une narratologue et étudie les différentes histoires culturelles à travers le monde entier. Lors d'un voyage à Istanbul, elle achète un flacon dans un bazar et découvre qu'il renferme un Djinn (un Génie). Ce dernier lui propose alors d'exaucer trois voeux, mais Alithea compte bien en savoir plus sur le Djinn avant de se risquer à les formuler.

C’était comment ? Trois mille ans à t'attendre fait indiscutablement partie de ces films qui semblent mineurs au premier visionnage, avec seulement ses deux personnages principaux, Alithea et le Djinn - formidablement incarnés par Tilda Swinton et Idris Elba -, et leur discussion dans une simple chambre d'hôtel. Pourtant, dès les premières secondes, la voix-off d'Alithea et ce plan sur un avion en plein vol, George Miller envoie un message clair : un grand voyage nous attend.

Car Trois mille ans à t'attendre se déroule précisément sur trois mille ans, temporalité immense en rapport avec la vie du Djinn, et les histoires qu'il va nous raconter tout au long de son échange avec Alithea. Ainsi, après avoir présenté quelque peu son héroïne Alithea et la manière dont elle voit le monde (les mythes d'antan sont expliqués par les sciences d'aujourd'hui, quand leurs monstres sont vus comme des métaphores), le long-métrage plonge littéralement dans les récits et souvenirs du Djinn.

 

Trois mille ans à t'attendre : Photo Tilda Swinton, Idris ElbaUn duo merveilleux

 

George Miller transforme alors cette petite introduction en une sorte de conte des Mille et une nuitsoù le Djinn d'Idris Elba nous transporte au temps de la Reine de Saba, du Roi Salomon, des guerres turco-persanes ou de l'ingéniosité du 19e siècle. En passant par toutes ses époques, George Miller s'offre un terrain de jeu fourmillant, célébrant le pouvoir de la narration, de la fiction et de l'imagination. Sur le papier, l'idée a quelque chose d'assez niais ou innocent, mais George Miller parvient sans aucune difficulté à sublimer ces récits grâce à une audace formelle absolument hypnotisante.

Le cinéaste australien a en effet une capacité saisissante à jongler entre, d'un côté, des séquences d'une ampleur impressionnante (quelques flashbacks guerriers proches de 300, des idées purement mythologiques et monstrueuses, des teintes féériques...) permettant de rendre plus vivant que jamais les souvenirs et aventures du Djinn et, de l'autre, un huis clos beaucoup plus intime et intérieur. Une variation des genres, des styles, des époques, dont naissent le charme et la beauté du métrage (le ocre splendide des flashbacks ottoman), émaillé de quelques transitions d'une élégance (et fluidité) surprenante. 

 

Trois mille ans à t'attendre : photoUn sublime travail sur les couleurs

 

Trois mille ans à t'attendre déploie alors toute la puissance des histoires, seul vecteur capable de relier à la fois passé, présent et futur, tout en confrontant les fantasmes à la réalité (et inversement) pour mieux s'affranchir des barrières. Les histoires sont peut-être les seules qui restent à tout jamais dans les coeurs et les esprits, et parviennent à transcender les âmes et destinées.

Ainsi les contes magiques du Djinn se transforment en véritable voyage métaphysique et deviennent peu à peu le terreau de réflexions fascinantes sur l'existence humaine, les mystères de certaines émotions, notamment de l'amour (un élément primordial dans le récit), et la beauté de la mortalité et donc de la condition humaine en quelque sorte.

Accepter sa propre mortalité n'est-il pas le meilleur moyen de trouver les clés du bonheur ? Pour un Djinn, se confronter aux désirs humains n'est-il pas la seule solution pour éviter les erreurs du passé et mieux profiter de sa vie éternelle ? Et finalement, en s'acharnant à négliger ce qui l'entoure, l'Homme n'est-il pas en train de détruire sa propre félicité alors que tout se trouve sous ses yeux ?

 

Trois mille ans à t'attendre : photoDes monstres

 

Dans la continuité de Mad Max : Fury Road, George Miller continue d'ailleurs de se questionner sur l'environnement (tout autant que de la place des femmes au sein de la société grâce à des personnages féminins savamment écrits), et ce même si Trois mille ans à t'attendre est son opposé absolu en termes de rythme et d'action.

Preuve une nouvelle fois de la vigueur du cinéaste, capable de toucher à une nouvelle forme de cinéma tout en continuant à construire sa propre histoire en conteur de génie. En résulte, une grande balade poétique, humaniste et apaisante (surtout dans son troisième acte) sur le temps qui passe et un très beau film qui reste en mémoire, de ceux qu'on aurait voulu ne jamais voir se terminer. 

Et ça sort quand ? Le 24 août en France, et vous rêvez déjà d'y être sans le savoir.

Tout savoir sur Trois mille ans à t'attendre

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commentaires
GOOD
07/06/2022 à 13:31

Un des rares film interessant

Mou du jaydin
22/05/2022 à 20:13

Vue à Cannes, très bon film, original, Elba est formidable, et Tilda incroyable, même si elle apparaît moins à l'écran que je ne le pensais.

Pas un film grand public, mais il n'est pas prévu qu'il soit exploiter ainsi.

Oliviou
22/05/2022 à 20:11

Une bande-annonce qui me donne envie d'aller au cinéma plutôt que d'attendre que ça arrive sur le petit écran, en ce moment c'est rare ! Rien que pour ça, merci George Miller.

Rick-ornichon
22/05/2022 à 18:41

Déjà visuellement, c'est tellement inspiré de la filmo de Tarsem Singh et des trips de Terry Gilliam, c'était amplement suffisant pour me fixer rdv le 24 août. Mais alors ce retour critique, c'est du rêve !!!

alshamanaac
22/05/2022 à 14:56

Ca a l'air bien cool !

La musique du trailer c'est les Suuns - "2020"... Elle a été utilisée récemment dans la série Outer Range (épisode 5)

Kyle Reese
22/05/2022 à 13:33

@ Bilbo

Ça risque d’être un bide par ce que « les gens » veulent surtout du mal déjà vu, du simple, pas de l’original.
La curiosité ils la gardent peut être pour les streaming et la TV quand ils ont déjà vu le reste.

Rayan
22/05/2022 à 11:39

J'adore Miller, je serais au ciné pour voir son nouveau chef d'œuvre

@Bilbo

Tout ce que Miller aura à faire c'est de ne pas s'en prendre à Marvel et son film marchera, faut pas faire comme les autres debiles

Bilbo
22/05/2022 à 09:13

Ça sent surtout le gros bide ! Les gens vont pas voir un film de Miller parce que c'est lui, ils savent même pas qui c'est !

rientintinchti
21/05/2022 à 15:35

ça à l'air intéressant. C'est vrai que ça fait penser à Terry Gilliam et notamment à son excellent baron de munchausen

Kyle Reese
21/05/2022 à 15:33

Un coté Terry Gilliam ce film non ?
Très intriguant en tout cas.

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