Marvel : après Scarlett Johansson, la colère des auteurs de comics honteusement sous-payés

Salim Belghache | 13 août 2021 - MAJ : 14/08/2021 16:42
Salim Belghache | 13 août 2021 - MAJ : 14/08/2021 16:42

Véritable pierre angulaire du cinéma mondial, Marvel est dominant sur le marché et engrange de gros bénéfices dont elle ne fait pas profiter ses auteurs.

Avec 24 films, Marvel a empoché plus de 20 milliards de dollars et Avengers : Endgame ira même jusqu’à chatouiller la première place du classement du plus gros succès de l’histoire du cinéma, avant que James Cameron ressorte Avatar en Chine et reprenne ainsi le trône. Sauf que si les films et les séries du Marvel Cinematic Universe ont apporté une renommée internationale, en coulisses, tout n'est pas rose.

Derrière tout cet emballement et cet argent récolté se cachent des choix assez embarrassants de la part de Marvel et Disney. Ainsi, Scarlett Johansson est en train de poursuivre le studio à cause d’un contrat rompu à la sortie de Black Widowillustrant en partie les entourloupes dont est capable la major. Cette perte estimée à 50 millions de dollars pour la comédienne est suffisamment importante pour que l’industrie se pose des questions sur son devoir moral de respecter l’intégrité de ses employés et les garanties qu’elle offre.

Et vous serez encore plus étonnés d’apprendre ce que les oreilles de Mickey et Marvel font subir aux auteurs de comics à l’origine de leurs œuvres audiovisuelles. Car s’il semble logique de voir les auteurs et les dessinateurs de comics comme des pièces essentielles du puzzle, pour Marvel ce n’est pas le cas, du moins d’un point de vue financier. 

 

 

photo, Scarlett Johansson"Je n'ai même plus assez d'argent pour me fringuer."

 

En effet, le journal The Guardian a rendu compte dans un article très détaillé des retours d’auteurs sur leurs gains financiers lorsque Marvel s'est inspiré de leurs créations pour les intrigues de film. Alors que l’on pouvait s’attendre à une grande valorisation pécuniaire, Marvel a rémunéré les auteurs à hauteur de 5000 dollars pour l’utilisation de leurs personnages et récits avant de leur filer en cadeau une place à une avant-première du film en question.

Une somme ridicule vu les sommes astronomiques amassées par le studio avec ses énormes bénéfices des productions. Et The Guardian n’a pas donné un chiffre au hasard puisque trois sources différentes ont avancé ce tarif amplement ridicule. Si certains ont même avoué n’avoir touché aucun dollar, un auteur en particulier a dévoilé le détail de son contrat :

« On m’a proposé un contrat pour les “personnages spéciaux”, qui était vraiment, vraiment terrible, mais c’était ça ou rien. Mais au lieu de respecter cet accord, ils envoient simplement un message de remerciement du style “voici un peu de fric de que l’on te doit !” et la somme est de 5000 dollars. Et vous, vous vous dites que le film, lui, a fait un milliard de dollars au box-office. »

 

photo, Robert Downey Jr.Quand les boss de Marvel empochent le gros lot

 

Encore plus fort, dans le cas de Ed Brubaker, l'auteur qui a ressuscité Bucky Barnes dit Le soldat de l’hiver, a reconnu avoir été mieux payé pour sa petite apparition dans Captain America : Le Soldat de l'hiver que pour son apport créatif à la saga. Anecdote tout aussi rocambolesque, Brubaker et son camarade dessinateur Steve Epting ont été refusés à la première projection de Captain America : Le soldat de l’hiver et les deux hommes ont dû contacter Sebastian Stan afin qu’ils les fassent rentrer, puisqu'ils n'étaient pas sur la liste des invités (alors qu'ils étaient conviés). Une situation gênante et extrêmement honteuse pour le studio.

À l’inverse, Jim Starlin, le créateur de Thanos, a négocié un meilleur contrat, après s’être plaint d’avoir été sous-payé pendant que Marvel faisait de Thanos le grand méchant des premières phases du MCU. Il a finalement obtenu gain de cause, mais d’autres créateurs restent encore dans une situation précaire, sans oser taper du poing sur la table.

 

photo, Anthony Mackie, Sebastian Stan"Ils sont où nos auteurs ?"

 

Certes, des scénaristes arrivent à se mettre d’accord avec Marvel sur un contrat de “personnages spéciaux”, qui leur fait profiter d’une partie des profits, mais ce type de contrat est rare et n’honore que les personnages, pas les intrigues.

Plus largement, ce type d’accord d’entreprise miteux traduit une problématique plus générale : les auteurs ne sont pas propriétaires de leurs œuvres. En effet, tous les contenus appartiennent aux maisons d’édition qui jouissent de ce pouvoir pour imposer leurs conditions. Et comme on l’a fait remarquer plus haut, il est possible pour ces sociétés de faillir et de revaloriser la rémunération des artistes qui sont essentiels pour elles.

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commentaires
GuyLuxor
15/08/2021 à 02:33

Ben, comprends pas!
ça a tout le temps été comme ça avec Marvel! Les auteurs doivent le savoir depuis longtemps!
Au début des années 80, Frank Miller s'est barré de Marvel (Daredevil) pour avoir plus de libertés et de pépètes via DC (TDKR).
Au début des années 90, Jim Lee, Liefeld, McFarlane and co se sont tous barrés de Marvel pour fonder Image! Gagner plus tout en gardant le contrôle de leurs créations.
C'est pas nouveau avec Marvel.
Comme tjs, il y a de l'hypocrisie des 2 côtés.

Moi
14/08/2021 à 20:49

Malheureusement pour les auteurs qui ont déjà produit des oeuvres, c'est trop tard puisque les personnes/histoires appartiennent à l'éditeur. C'est un peu immoral (quoique dans les comics, seul l'éditeur prend des risques sur l'image des personnages (décisions narratives de l'auteur) et financier) mais il est trop tard pour eux. La problématique est plutôt pour les auteurs des nouvelles histoires (depuis 2012 et la confirmation du succès du MCU), est-ce qu'ils négocient dans leur contrat des droits spéciaux en cas d'adoption de leur histoire dans un film ?

Kyle Reese
14/08/2021 à 19:29

@ Chris11

Ok je comprend ton point. Mais quand il s’agit de persos crées originaux ex Power Girl même si elle ressemble à Super girl par certains coté, l’auteur l’a créé avec ses caractéristiques son background sa personnalité, son costume, ses formes, ses pouvoirs. C’est comme si on disait à Alan Moore ton Hiboux ressemble trop à Batman. Ok ne paye pas pour ta création.

Pour le reste niveau adaptation, quand des dialogues entier et trame d’histoire sont repris tels quels sans payer le créateur s’est limite.
Mais effectivement le droit américain est différent du droit français. D’ailleurs le ou les scénaristes qui adaptent un roman pour un film, touchent-ils des droits pour leur adaptation ou du moins ils sont mieux payé que les auteurs de comics. Les éditeurs distributeurs qui écrasent tout et partagent peu c’est un gros problème surtout quand il y a concentration des pouvoirs.

Matrix R
14/08/2021 à 18:03

Je sens une cabale contre Marvel

Edge
14/08/2021 à 18:00

Petit rappel : Si Stan Lee est aussi connu, c'est certes en partie parce qu'il a fait partie des piliers de Marvel, mais aussi parce que la boîte a décidé qu'il leur fallait un visage public, et que c'est tombé sur lui. L'histoire est trouvable facilement dans les bouquins sur l'époque. D'un point de vue créatif, il a certes contribué, mais bien moins que d'autres auteurs.

Chris11
14/08/2021 à 17:32

"Comme ils ne sont pas identifiables par le spectateur lambda, les studios se passent de leur avis, et de leur payer autre chose qu'un bakchiche."

Je vais pousser le role de l'avocat du diable jusqu'au bout : pourquoi Stan Lee est reconnu, lui? Pourquoi les autres non? Si ils ne sont pas identifiables par le spectateur lambda, c'est peut-être pour une bonne raison? Peut-être parce qu'ils sont des dizaines, que leurs scénario n'ont rien de dingue et que leur "talent individuel" est parfaitement anonyme et remplaçable? (j'en ai lu des comics Marvel, et notamment le cycle les infintiy stones et civil war, franchement ça casse pas des briques et la connexion avec les films est assez ténue).
Ya un mec qui a inventé les pierres de l'infini? Oui, et? Dire que le mec qui a inventé ça en comics est directement lié à Infinity War revient à dire que l'inventeur des Converse doit tout au mec qui a inventé le principe des chaussures. Ya un lien, oui ; mais une causalité directe de succès indéniable, non. Tu enlèves Feige du MCU, ya pas de MCU ; tu enlèves le mec qui a créé les infinity stones, ya un MCU, il sera différent, mais yen aura un.

Birdy %
14/08/2021 à 16:41

@ Chris 11 et Trex :
Petit copier coller de la définition du droit d'auteur en France :


"Le droit d’auteur confère au créateur d’une œuvre deux types de prérogatives :

1. Des droits patrimoniaux liés à l’œuvre qui permettent à l’auteur de décider des conditions d’exploitation de celle-ci et de percevoir une rémunération en contrepartie. En France, leur durée est de 70 ans après la mort de l’auteur.

2. Un droit moral lié à la personnalité de l’auteur et qui lui confère le droit de s’opposer à la divulgation de son œuvre sans son consentement, d’en demander le retrait, d’en revendiquer la paternité, et plus généralement le droit au respect de son œuvre."

(re-moi)
Petit exemple qui en dit long : quand les droits d'auteur de la Guerre des Boutons tombent dans le domaine public, 70 ans après la création du livre, 2 films font la course pour sortir leur version le plus vite possible et ne pas être le 2ème.
Mais impossible pour eux de reprendre la fameuse signature du petit gibus "si j'aurais su j'aurais pas venu" car cette dernière n'est pas libre de droit : elle ne vient pas du livre, mais fut inventée pour le film de 1962 (phrase libre en 2032 donc). Chaque adaptation du donc inventer sa propre punchline pour remplacer cette phrase culte.

Je vous laisse donc imaginer ce que l'utilisation d'un personnage de comics inventé (certes dans un univers déjà existant) devrait rapporter à son auteur ici.
Aux EU, visiblement, c'est cadeau, et si t'as de la chance, tu pourras venir à l'avant première.
Ne vous leurrez pas, si Stan Lee est cité, remercié, apparait dans chaque film, c'est parce qu'il est une marque reconnue, une caution artistique indéniable. Et contractuellement, il vend lui même sa propre image pour assurer au public que le produit est fidèle à l'oeuvre.
Si les noms des auteurs de comics, ou persos, ou d'arc narratifs, ou de la batmobile, étaient eux aussi bankables, ils seraient écrits en énorme, moyennant royalties et droits d'image.
Comme ils ne sont pas identifiables par le spectateur lambda, les studios se passent de leur avis, et de leur payer autre chose qu'un bakchiche.

Birdy %
14/08/2021 à 16:21

Ceux qui sont à la base du produit, qui le créent, sont toujours les plus mal payés sur ce qu'il rapporte au final. Ecrivains, scénaristes, chanteurs(compo/interprètes), cultivateurs, artisans...
C'est souvent le distributeur qui s'en met le plus dans le porte feuille parce qu'il a le pouvoir sur le marché.
Les choses sont très différentes avec Netflix et Disney, car ils sont pour la 1ère fois possesseurs des droits de la licence, à l'initiative de son adaptation, producteur, ET distributeur.
Bonne chance au monde audiovisuel pour maintenir un semblant d'équilibre et d'équité, pour le moment encore protégé par le code du travail, les conventions collectives, et des accords entre parties souvent encadrées par l'état (obligation d'investissement à hauteur d'un % du chiffre d'affaire, exception culturelle, réinvestissement dans le cinéma du pays d'accueil, autorisation de diffusion des films à la TV ou sur écrans...).

Le "combat" commence, mais sera sans doute très bref.

Rayan
14/08/2021 à 16:04

Les auteurs de comics mal payés ??

En voilà une nouvelle, ça on le sait depuis toujours, ils sont payés comme des mer*es

Kyle Reese
14/08/2021 à 16:03

Évidement les auteurs dessinateurs sont rémunérés pour leur job et j’imagine doivent céder leur droit de création à la maison d’édition qui leur a commandé le travail si c’est dans les contrats. Maintenant cela n’empêche pas un minimum de considération à défaut d’un bonus. Mais effectivement si ces boites ne font pas dans la philanthropie il y a quelque chose d’indécent dans les rapports de forces entre auteurs et Marvel/DC Disney/Warner.
Il faudrait qu’ils se regroupent, se syndicalisent et comme les scénaristes fassent grèvent pour gagner plus de droits, ce n’est pas donné à tout le monde d’être indépendant et de publié avec ses moyens pour garder ses droits. Ça me rappelle le commentaire de qqun ici au sujet des auteurs de mangas qui bossent comme des dingues pour des clopinettes. Et pourtant les mangas ont du succès, les BD et comics ont du succès mais le partage semble être très inéquitable.

« Power is not shared, power is taken » Moby.

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