Autant en emporte le vent : bientôt un avertissement pour son contenu raciste, sur HBO Max

Mathias Penguilly | 10 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathias Penguilly | 10 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

À ce jour, le film est encore considéré comme le plus gros succès commercial de l'histoire du cinéma.

Bien avant Avengers : Endgame, Avatar ou encore Titanicil y a eu Autant en emporte le vent, une longue fresque de 4 heures, située en Géorgie, dans le Vieux-Sud des États-Unis, en pleine guerre de Sécession. À sa sortie en 1939, le film a rapporté presque 400 millions de dollars, ce qui en fait aujourd'hui encore le plus grand succès de l'histoire du cinéma (en prenant en compte le prix du ticket à l'époque, le contexte socio-économique ainsi que l'inflation). Lors de la douzième cérémonie des Oscars, le film obtiendra d'ailleurs huit statuettes sur treize nominations (dont le premier pour une actrice afro-américaine) : un triomphe absolu.

Adaptée du roman de Margaret Mitchell, une des premières femmes journalistes d'Atlanta, l'intrigue raconte les histoires amoureuses de Scarlett O'Hara, une jeune notable géorgienne. Lors de sa diffusion à l'aube de la Seconde Guerre mondiale, la force de caractère et l'intelligence de Scarlett en ont fait un des premiers grands rôles féminins et ont consacré la Britannique Vivien Leigh, icône de l'âge d'or du cinéma hollywoodien.

Malgré tout, le film est accusé de véhiculer certains préjugés raciaux et c'est pour cette raison que le film est revenu dans l'actualité ce mercredi.

 

photo, Clark Gable, Vivien LeighScarlett O'Hara, une icône féministe, mais raciste ?

 

Alors que les États-Unis sont secoués par de nombreuses manifestations sous l'étendard Black Lives Matter, HBO Max a fait le choix de retirer temporairement le film culte de sa bibliothèque, en attendant qu'une "contextualisation" y soit apposée. Dans un communiqué de presse, ses responsables affirment ainsi :

"Autant en emporte le vent est le produit de son époque et dépeint certains stéréotypes raciaux qui malheureusement étaient communs en Amérique à cette époque. Ces représentations racistes étaient mauvaises alors et elles le sont toujours aujourd'hui. Nous avons donc estimé que garder le film dans notre collection sans explication ou dénonciation de ces représentations serait irresponsable.

Ces représentations sont contraires aux valeurs de WarnerMedia, c'est pourquoi lorsque le film sera de retour sur HBO Max, il le sera accompagné d'une discussion sur son contexte historique et une condamnation de ces représentations. Il sera cependant présenté dans son intégralité puisque faire autrement équivaudrait à faire croire que ces préjugés n'ont jamais existé. Si nous voulons créer un futur plus juste, équitable et inclusif, nous devons d'abord comprendre et accepter notre histoire."

La décision d'HBO intervient aujourd'hui dans un contexte très particulier et ne devrait donc pas compromettre une diffusion ultérieure et non-censurée du film de Victor Fleming.

 

photo, Hattie McDanielHattie McDaniel pavant la voie de la justice

 

Les critiques à l'encontre du film ont souvent été adressées à l'encontre des personnages afro-américains, cantonnés à des rôles stéréotypés, unidimensionnels de servants ou d'esclaves. Le film a ceci d'ambivalent qu'il est inscrit dans un contexte de profonde inégalité systémique aux États-Unis, mais qu'il a aussi permis d'avancer la cause des noirs à Hollywood.

En effet, pour le film, Hattie McDaniel a obtenu l'Oscar de meilleure actrice dans un second rôle, le tout premier Oscar pour une actrice noire. Son rôle de Mammy, une ancienne esclave de la famille O'Hara restée à leurs côtés à la fin de la guerre, est aujourd'hui encore très controversé, car il relativise l'esclavagisme américain, et en donne une vision positive.

 

photo, Vivien Leigh, Hattie McDanielHattie McDaniel, éternelle domestique de l'âge d'or hollywoodien

 

La décision d'HBO Max intervient deux jours après la publication d'un édito de John Ridley, le scénariste oscarisé de 12 Years a Slave, dans le Los Angeles Times. Après avoir félicité WarnerMedia pour le lancement de sa nouvelle plateforme (même s'il n'y a pas vraiment de quoi !), il demande ainsi à la plateforme de retirer provisoirement le film de son catalogue :

"[Autant en emporte le vent] n'échoue pas seulement au regard de la représentation. C'est un film qui glorifie le Vieux-Sud d'avant la Guerre de Sécession. C'est un film qui, quand il n'ignore pas les horreurs de l'esclavage, perpétue certains des stéréotypes les plus douloureux à l'encontre des noirs. C'est un film qui donne de la légitimité à la notion que le mouvement sécessionniste était quelque chose de meilleur, de plus noble que ce qu'il était vraiment - une insurrection pour se garder le "droit" de posséder, vendre et acheter des êtres humains".

"Soyons clair : je ne crois pas à la censure. Je ne pense pas que le film doive être rangé dans un coffre-fort à Burbank. Je demande simplement, que le film soit à nouveau diffusé sur HBO Max, après un certain temps, et aux côtés d'autres films qui donneront une vision plus large et complète de ce que l'esclavage et la Confédération étaient vraiment. Ou peut-être, sa diffusion pourrait être accompagnée d'une discussion à propos de la manière dont sont racontées les histoires et sur l'importance d'avoir plusieurs voix, avec des perceptions différentes, plutôt que simplement celles qui vont dans le sens de l'opinion et de la culture majoritaires."

 

Photo Steve McQueen, Chiwetel EjioforSteve McQueen et Chiwetel Ejiofor sur le plateau de 12 Years a Slave

 

Évidemment, cette décision très publique de la nouvelle plateforme de streaming a provoqué beaucoup de débats outre-Atlantique, non sans rappeler ceux qui entouraient le film Disney : Mélodie du sud. Ce dernier ne connaîtra jamais de diffusion DVD, après avoir été accusé de transmettre des préjugés racistes (une fois encore les relations maître-esclave semblent tendres et amicales, ce qui est loin de la réalité de l'esclavage) ainsi qu'une vision idyllique du système des plantations aux États-Unis.

L'histoire d'Hollywood semble se répéter inlassablement et cela risque de continuer tant que la société américaine n'affrontera pas réellement ses démons. D'autres célèbres films Disney ont d'ailleurs une vision du monde très démodée, ce qui a notamment poussé Disney+ à placer un carton d'avertissement avant le visionnage de certains de ses films d'animation.

Si le sujet vous intrigue et que vous voulez en découvrir plus sur la première actrice noire oscarisée, on ne saurait trop vous conseiller les derniers épisodes d'Hollywood la nouvelle mini-série de Ryan Murphy, diffusée sur Netflix. L'histoire d'Hattie McDaniel y est assez bien racontée et la performance de Queen Latifah est très touchante par ailleurs. Notre critique est par ici.

MAJ : L'article a été mis à jour le 10/06/2020 à 18:30 pour faire figurer des extraits de l'édito de John Ridley.

 

photo, Queen LatifahQueen Latifah incarnant Hattie McDaniel dans Hollywood

Tout savoir sur Autant en emporte le vent

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commentaires
Fragile_dangeureux
02/08/2023 à 11:48

Chere racistes dans les commentaires,
Vous êtes racistes. POINT

Rebelle33
13/06/2020 à 09:45

Voilà ce qui arrive quand, sous la pression racialiste qui traverse la planète, on en vient à avoir peur de passer pour un raciste...Car, c'est de cela dont il s'agit : LA TROUILLE D'APPARAITRE
RACISTE!!!Et l'on assiste alors à la surenchère de démonstrations dans la sphère de 'anti-racisme!!
A ce petit jeu, on va finir par interdire la diffusion de films, d'oeuvre s littéraires, de peintures même que l'on va soupçonner de racisme!!!
On est en plein délire!!!!

Ethan
13/06/2020 à 07:09

MYSTEREK
Je te parle de Autant en emporte le vent, le film dont il est sujet ici!
Le fait de mettre un avertissement est purement idéologique
Les informations de "contextualisation" existent déjà pour ce film et sont transparentes sur les différents supports. Il n'y a qu'à lire les sujets

Opale
12/06/2020 à 17:03

@Suif il n'y a aucun racisme total ici à de rares exceptions de trolls ou débiles. Il faut juste prendre le temps de lire les messages et ne pas agir en militant mais en être humain. Comment peut-on être racistes et cinéphiles, m...rde?! Ce sont des raccourcis faciles et dangereux. La plupart des messages vont dans un sens: cette époque où tout est devenu tellement frileux qu'un film, un chef-d'oeuvre intemporel, se voit "annoncé" d'un panneau pour bien expliquer que les propos du film, attention, c'est pas bien, sont de l'époque et donc non, non, nous HBOMax, ne cautionnons pas. C'est juste un parapluie pour débiles car en cette époque de débiles TOUT est polémique! Donc inutile d'avoir des oeillères et de se réfugier derrière des préjugés hâtifs. "Enorme culpabilité" tu dis, ah bon? Et pourquoi donc? Il faut faire attention parce qu'avec des jugements tels que les tiens tout ce que cela fait c'est donner de l'eau au moulin du RN dont une des figures disait juste hier je crois: "je ne vais pas m'excuser d'être blanche et française..." Moi qui n'ai JAMAIS, voté à droite de ma vie (sauf Chirac contre Le Pen justement), je vais finir par écouter ce que ces gens ont à dire. Et franchement je ne veux pas!! Donc nuance tes propos si cela t'es possible...

MystereK
12/06/2020 à 16:10

ROROV94, j'ai aodré CHEVAUCHEE AVEC LE DIABLE et son maginifque score aussi.

Rorov94
12/06/2020 à 15:57

Juste pour revenir au livre.
MARGARETH MITCHELL ne fait que relater une époque et un contexte qu'elle a bien vécue(et pour cause...)
Mais l'opinion de l'autre moitié de l'Amérique(sud)a aussi souffert et les sudistes salauds et les gentils nordistes c'est de la c....
Surtout chez les civils.
Lincoln à fait changer tout ça et heureusement!
Mais effacer historiquement et culturellement le ressenti d'une populace sous prétexte qu'elle se comportait comme de la m.... en général....trop peu pour moi.
Je conseil aux cinéphiles ouverts:
CHEVAUCHÉE AVEC LE DIABLE de Ang Lee.
Ce film méconnu résume bien la situation de l'époque ainsi que le LINCOLN de Spielberg.

Rorov94
12/06/2020 à 15:45

@mysterk
Bien évidemment,la dernière phrase ne vous est pas adressé.
Elle s'adresse,avec verve et ironie,aux sois disant détenteurs de la bien pensance hollywoodienne...
Car cracher sur GONE WITH THE WILD(le film)c'est cracher sur MADAME HATTIE MC DANIELS,VICTOR FLEMING(qui a faillie perdre le vie de fatigue sur ce tournage et qui était un vrai humaniste comme John Ford),et tout ceux qui ont changé leurs mentalité suite à la vision de cet immense chef d'oeuvre progressiste.
Aucune émeutes raciales,aucun lynchage après être sorti d'une projo'il me semble!
Ce qui n'est pas le cas pour NAISSANCE D'UNE NATION(remember le poignant monologue de MONSIEUR HARRY BELAFONTE dans BLACKLANSMAN)
Ou,plus récemment,la série tv WATCHMEN.
Ce n'est pas un film définitif pour une réconciliation,c'est juste une immense pierre porté à l'édifice avec d'autres:DEVINE QUI VIENS DINER CE SOIR,LES 100 FUSILS,DOLEMITE,LE FLIC DE BEVERLY HILLS,DO THE RIGHT THING,BLACK PANTHER...
Le seul compromis que je tolère est un panneau d'introduction pédagogique.point.
Mais faut pas déc.... ,bientôt le clivage va emmener à une nouvel ségrégation moderne et ont aura tout «gagné» à être chacun dans son coin...

Suif
12/06/2020 à 13:23

C'est la première fois qu'on voit autant de spectateurs, même protégés par l'anonymat d'internet, revendiquer un racisme total, et se rebeller contre une des plus vieilles pratiques du cinéma (le disclaimer) et se scandaliser qu'une oeuvre ancienne soit accompagnée d'une notice contextuelle.
Etrange ce mélange de racisme assumé et pourtant coloré d'une énorme culpabilité.

Opale
12/06/2020 à 12:05

Résultat? Le film casse la baraque sur Amazon. Curiosité, réaction épidermique, rébellion, qui sait? Mais je ne cesse de le dire: à force d'infantiliser les gens, de brosser tout le monde dans le sens du poil, de créer des cases, des communautés, cela ne donne que du clivage, rien d'autre.

MystereK
12/06/2020 à 10:26

ROVOV94 inutile d'utiliser les insultes pour faire passer votre opinion, on peut vous lire sans se faire maltraiter, on ne vous écoutera que mieux.

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