Shemar Moore (Esprits criminels)
Pendant dix ans, Shemar Moore a interprété Malcolm Winters dans Les Feux de l'amour ; soit un rôle de beau gosse charmeur qui sied parfaitement à la « cool attitude » du comédien. Aujourd'hui, il est l'agent spécial du FBI Derek Morgan dans l'un des nouveaux cartons télévisés apparu l'an passé sur la chaîne américaine CBS : Esprits criminels, une série particulièrement sombre qui permet à l'acteur de porter un regard à la fois lucide et distancié sur la société dans laquelle nous vivons.
Est-ce vrai que vous parlez danois ?
J'ai souvent le droit à cette question qui génère pas mal de
malentendus à ce sujet. Je suis né en 1970 en Californie, à Oakland qui
se situe dans les environs de la baie de San Francisco, d'une mère
caucasienne originaire de Boston dans le Massachusetts et d'un père
afro-américain originaire d'Alabama dont la famille a ensuite déménagé
à Oakland. C'est là que mes parents se sont rencontrés. Ma mère
enseignait les mathématiques et l'anglais à l'université de Berkeley.
En raison du racisme omniprésent à l'époque, elle n'a pas souhaité
m'élever dans un tel climat social et nous avons donc déménagé au
Danemark où elle s'est vue proposer un poste. Nous y avons vécu pendant
trois ans et demi. Donc, techniquement, ma première langue est le
danois, que ma mère parle couramment. Puis, elle s'est vue offrir un
poste plus intéressant à Bahrai (dans les Émirats Arabes, NDR).
J'entendais donc à la fois parler le danois au quotidien tout en
commençant à communiquer avec ma mère dans un anglais très
approximatif. Elle m'a alors inscrit dans un établissement scolaire
britannique privé. Je rentrais donc de l'école le soir en appliquant
les leçons du jour, du style (il imite l'accent britannique) : «
Mummy, may I have some tea please ? ». Enfin, lorsque j'ai eu six ans
et demi / sept ans, nous sommes retournés vivre aux États-Unis.
Vous avez donc quelques rudiments de danois et d'arabe ?
Pas vraiment. Le peu que je connaissais en danois me servait à réclamer à manger lorsque j'avais trois ans (rires).
Quant à l'arabe, je n'ai jamais été amené à le pratiquer car je passais
mon temps soit dans cette école privée, soit à la maison où ma mère
avait engagé une nourrisse pakistanaise car mes parents se sont séparés
peu après ma naissance. Et en revenant aux États-Unis, j'ai très
rapidement oublié le peu de danois que je connaissais.
Parlons à présent d'Esprits criminels. Pourquoi avoir accepté de prendre part à une nouvelle série procédurière ?
Lorsque j'ai pris part au pilote, je n'avais pas une vision d'ensemble
de ce qu'allait donner la série et, pour être tout à fait honnête, je
n'imaginais pas que le show rencontrerait un tel succès (la série a été suivie par 12,8 millions de téléspectateurs en moyenne aux États-Unis au cours de la saison 2005/2006), surtout au milieu de la quantité de séries procédurières qui existent déjà : les trois CSI, les trois Law & Order, FBI : Portés disparus
À présent que nous allons débuter le tournage de la deuxième saison, je
crois comprendre un peu mieux ce qui fascine autant les téléspectateurs
: le fait que notre show soit bien plus sombre que les autres. Si je
devais le décrire, je dirais qu'il s'agit d'un croisement entre Le Silence des agneaux et Seven. Dans Les Experts,
un crime est commis et les enquêteurs collectent les indices un par un
jusqu'à reconstituer la scène et pouvoir ainsi remonter jusqu'au
meurtrier. Dans Esprits criminels,
le postulat de départ est le même mais, au lieu de rester « collés »
dans le sang et les viscères, nous utilisons les indices pour dresser
le profil psychologique du tueur, parfois jusqu'à un traumatisme de son
enfance, ainsi que son mode operante. L'approche est donc
beaucoup plus effrayante car nous n'avons pas à faire à des stéréotypes
de tueurs balafrés tout de noir vêtus mais à des personnes que vous
pourriez côtoyer au quotidien sans même le savoir. Les gens qui suivent
le show finiraient presque par suspecter leurs propres voisins (rires).
On nage en pleine paranoïa là ?
Absolument (rires).
Nous vivons dans une société édictée par des règles de conduites
morales telles qu'aller à l'école, ne pas se droguer, respecter son
prochain
Pour autant, ce côté obscur de la nature humaine fascine les
gens car il existe bel et bien. D'ailleurs, les différents épisodes de
la série sont basés sur des faits réels. Bien sûr, les scénarios sont
arrangés pour les besoins de la fiction mais ils sont inspirés de
véritables histoires.
Vos personnages sont-ils eux aussi inspirés de véritables profilers du FBI ?
Il n'y a pas de vrai Derek Morgan ou de Jason Gideon (le personnage interprété par Mandy Patinkin, NDR)
mais les créateurs du show ont rencontré de véritables profilers en vue
d'extrapoler les personnages à partir des caractéristiques de plusieurs
agents. Je crois savoir que le seul qui soit vaguement inspiré de l'un
d'eux est celui interprété par Mandy Patinkin.
De plus, lorsque nous avons besoin de références, nous faisons appel à
de véritables agents de Quantico. Rares sont les épisodes tournés sans
la présence de l'un d'entre eux sur le plateau.
Racontez-nous ce que ça fait de travailler aux côtés d'un acteur de la trempe de Mandy Patinkin ?
Mandy est un passionné, il a le cur sur la main. C'est également un
perfectionniste qui ne se contente pas d'échanger des regards et des
dialogues tels qu'écrits dans le script, il veut que vous ressentiez
avec lui l'univers dans lequel se déroule la série. Mais par-delà ce
professionnalisme, Mandy est aussi quelqu'un de très fun, qui raconte
pas mal de blagues. C'est également un excellent chanteur. Il pousse
parfois la chansonnette le matin dans sa caravane (Mandy Patinkin a déjà donné de nombreuses représentations à Broadway, NDR).
Il me considère désormais comme son fils et c'est avec lui que je
tourne mes scènes les plus excitantes car je suis comme à l'école à ses
côtés, en apprentissage permanent. Il y a aussi de nombreuses séquences
où j'appelle le personnage de Garcia (interprétée par Kirsten Vangsness, NDR), la geeks en informatique du groupe qui n'arrête pas de me donner des tas de surnoms du style : sucre d'orge, petit cur
(rires). Ces scènes permettent d'alléger quelque peu le climat oppressant de la série.
Comment décririez-vous votre personnage ?
Dans la première saison, Derek est quelqu'un de très agressif. Il veut
obtenir des réponses sur le champ et ne cesse de confronter les autres
membres de l'équipe, notamment Gideon qui a été ébranlé par une affaire
à Boston six mois plus tôt ayant coûté la vie à six agents. Pour cette
raison, et bien qu'il le respecte, au tout début de la série Derek n'a
plus totalement confiance en Gideon qu'il considère comme encore
fragilisé par cette affaire. Mandy joue d'ailleurs à la perfection
cette ambivalence du personnage, toujours sur le fil du rasoir. Derek
n'en est pas moins quelqu'un de très intelligent avec des compétences
en informatique. C'est pour cette raison qu'il appelle souvent la geeks
de service et qu'il se balade en permanence avec deux téléphones : le
premier sert pour le boulot et le second pour appeler les gonzesses (rires).
Dans ma vie de tous les jours, je suis moi-même un charmeur mais je
suis beaucoup plus drôle et déjanté que mon personnage qui côtoie cet
univers sordide au quotidien et qui va peu à peu prendre soin de Reid,
le petit Einstein du groupe qui n'a jamais tiré au pistolet de toute sa
vie. Son interprète, Matthew Gray Gubler, est quelqu'un de très fluet
que j'ai eu naturellement tendance à protéger tel un petit frère. Ces
relations en coulisses entre Matthew et moi, Mady et moi, ont commencé
à transparaître à l'écran alors qu'elles n'étaient pas du tout
planifiées au départ. Dans la deuxième saison, les scénaristes
devraient ainsi inclure davantage d'éléments de la vie personnelle de
chacun : pourquoi font-ils un métier aussi sordide, de quoi ont-ils
peur
? Avant le tournage du pilote, les scénaristes m'ont dit que mon
personnage pourrait être le fruit de parents alcooliques. J'ai donc
hâte de connaître les répercussions qu'un tel passé va pouvoir
entraîner.
La série a par ailleurs été l'une des toutes premières à être renouvelée pour une deuxième saison en mars dernier (cf. news).
Le show a également été l'un des premiers à être prolongé pour une saison complète à la rentrée 2005 (cf. news).
Et peu de temps après, on nous annonçait déjà officieusement qu'une
deuxième saison allait être commandée. D'ailleurs, en raison du succès
de la série, il serait question de tourner 24 épisodes pour la deuxième
saison et non 22 comme pour la première.
Quand doit débuter le tournage de cette deuxième saison ?
Le 10 juillet.
Si tôt (les diffusions des séries TV ne débutent généralement pas avant la deuxième quinzaine de septembre aux États-Unis, NDR) ?
Oui car la chaîne aime bien avoir six ou sept épisodes d'avance.
D'autant qu'il ne les diffuse pas obligatoirement dans l'ordre dans
lequel ils sont tournés. C'est d'ailleurs l'un des gros avantages de
notre show par rapport à des séries telles que Lost ou 24.
Si vous manquez un épisode, vous pouvez toujours comprendre, vous
n'êtes pas complètement perdus, même si, une fois encore, la deuxième
saison permettra d'en découvrir chaque fois un peu plus sur les
personnages.
Comment expliquez-vous la fascination du public pour un univers aussi sordide ?
Comme je l'évoquais déjà tout à l'heure, en dépit des règles qui
régissent notre société, l'Homme possède cet instinct animal de survie,
de tueur. Je ne dis pas que nous sommes tous des cambrioleurs ou des «
Jack l'éventreur » en devenir mais que, dans certaines circonstances,
cet instinct est prêt à ressurgir. Comment réagiriez-vous si l'on s'en
prenait par exemple à votre femme, votre fille ou bien à vos parents ?
Nous ne sommes pas tout noir ou tout blanc. Chacun a ses problèmes. Et
je crois que c'est cela qui fascine le public : comprendre pourquoi et
comment certains en viennent à franchir cette « ligne » pour devenir
des violeurs, des tueurs
.
Vous dormez toujours aussi bien qu'avant depuis que vous avez pris part à cette série ?
Vous savez quoi : j'ai toujours parlé en dormant. Je ne ronfle pas mais
je parle. Et depuis que je tourne cette série, j'ai découvert que mes
rêves étaient plus agités qu'avant. D'après ce que ma copine m'en a
dit, je parle à longueur de nuits, à tel point que je l'empêche de
dormir et qu'elle est obligée d'aller dormir dans la pièce d'à côté (rires).
Propos recueillis au cours du 46ème festival de télévision de Monte-Carlo en juin 2006.
Autoportrait de Shemar Moore.
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