Catherine Hardwicke (Thirteen)

Didier Verdurand | 1 mars 2005
Didier Verdurand | 1 mars 2005

Prix du Jury à Deauville en 2004, auréolé d'une bonne réputation depuis le Sundance, le festival des films indépendants dont Robert Redford est le créateur, Thirteen débute une belle carrière aux États-Unis pour un film aussi rebrousse-poil. La réalisatrice de ce premier film très remarqué, Catherine Hardwicke, revient sur son chemin parcouru au côté de la coscénariste, Nikki Reed, âgée à l'époque de 13 ans.

Comment s'est passée la première projection de Thirteen au Sundance Film Festival, en janvier ?
Nous avions travaillé sur le montage final jusqu'au dernier moment, même les soirs de Noël et du 31 décembre ! Sur place, la tension est restée très forte, c'est une folle ambiance. Finalement, nous étions prêts pour la projection, et nous nous sommes retrouvées dans la salle, Nikki et moi-même, hyper stressées, en nous serrant la main jusqu'à nous faire mal ! Ce fut une délivrance de nous rendre compte que le film était favorablement accueilli et applaudi ! Le Prix de la mise en scène fut la cerise sur le gâteau.

Votre prix vous assurait de trouver un distributeur !
Avant même de le recevoir, juste après cette fameuse première projection, le téléphone n'a cessé de sonner, et Fox Searchlight nous avait déjà acheté les droits. Ici à Deauville, je suis beaucoup plus relax, le film est déjà vendu, mais je suis curieuse de voir comment le public français va l'accueillir (au moment de l'interview, le film n'avait pas encore reçu son prix, NDLR).


Il est difficile de ne pas penser à Larry Clark en voyant Thirteen.
J'ai vu et aimé Kids en 1995. Il y a cependant une grande différence entre ces deux films : c'est l'absence notable de parents ou d'autres membres de la famille dans celui de Larry Clark. Le mien ne parle pas que de la jeunesse mais aussi de ses rapports avec les adultes. Il est dommage qu'en huit ans, si peu de films réalistes sur la jeunesse aient pu se faire. Il y a trop de films mielleux de Disney chaque année.

Votre première rencontre avec Nikki ?
Je sortais à une époque avec son père, quand elle avait 5 ans, et j'ai toujours gardé le contact avec elle. Ses parents avaient divorcé 3 ans auparavant, et j'étais en quelque sorte sa belle-mère ou sa grande sœur, j'ai beaucoup d'affection pour elle, et on s'est toujours bien amusées ensemble, même après ma séparation d'avec son père, j'étais toujours présente. Quand elle a eu 13 ans, elle s'est métamorphosée, est devenue une très jolie jeune fille, mais elle développait une certaine rage contre la société. La seule chose qui lui importait, c'était plaire aux garçons et être avec ses copines. Elle passait des heures à se maquiller, à se faire belle… Pour l'ouvrir sur le monde, j'ai eu l'idée de l'initier à l'art à travers le cinéma, et en l'emmenant dans des musées. Jouer la comédie l'a rapidement attirée, mais pour se trouver un rôle, l'idéal était de se l'écrire soi-même, comme l'ont déjà fait Stallone ou Billy Bob Thornton ! Nous nous sommes très vite dirigées vers un scénario qui reflèterait son quotidien, loin du style American Pie !

Comment avez-vous écrit ensemble le scénario ?
Pendant deux mois, il y a eu un temps d'observation. Je travaillais sur un autre film en tant que chef décoratrice, mais je prenais des notes sur son comportement et sur celui de son entourage. Six jours avant la rentrée des classes, j'étais totalement libre, et je l'ai fait venir chez moi. J'écrivais des scènes, nous les interprétions puis nous procédions aux changements qui nous semblaient nécessaires. Nikki est une comédienne-née, et c'est dans ce domaine qu'elle va persévérer, pas dans l'écriture de scénarios.


Nikki et Evan Rachel Wood semblent si complices !
Elles se sont rencontrées chez moi et j'ai tout de suite senti une alchimie évidente dès les premiers instants, c'était spectaculaire ! Elles ont répété une scène, et il me paraissait évident que je ne devais pas chercher plus loin sa partenaire à l'écran.

Cela rend les choses plus faciles d'avoir Holly Hunter, oscarisée pour La Leçon de piano ?
Nous n'avions pas d'argent, nous ne pouvions pas lui proposer de chauffeur, mais Holly a été généreuse et dévouée. Cependant, elle est aussi exigeante en terme de qualité, et croyez-moi qu'il fallait que je sois bonne ! (Rires.) Elle a été mon premier choix et je lui suis tant reconnaissante d'avoir accepté…

Quel est le budget ?
Entre 1,5 et 2 millions de dollars.

Le succès de votre film dans le circuit indépendant américain va-t-il vous aider à enchaîner sur un autre film ?
J'espère, mais je pensais que cela serait plus facile ! Il faut toujours se battre pour un projet, et c'est ce que je fais actuellement. J'ai un scénario mais il me manque le financement ! C'est sur le milieu du marketing, et Nikki pourrait y avoir un petit rôle.


Avant d'être réalisatrice, vous étiez chef décoratrice. De bons souvenirs ?
Oh oui ! J'avais fait des études d'architecte avant de rentrer à l'UCLA (prestigieuse école de cinéma, NDLR) et après avoir réalisé des courts-métrages, on m'a proposé de m'occuper des décors de films. J'ai eu des expériences passionnantes, comme dans Les Rois du désert, où je devais recréer l'Irak en Arizona ! J'ai vécu de grands moments avec Costa Gavras sur Mad City, ou encore Cameron Crowe sur Vanilla Sky. Mais entre chaque boulot, je travaillais sur des scénarios, j'ai toujours voulu réaliser des longs-métrages.

Vous n'avez pas eu de mal à utiliser des noms de marque ? Je pense notamment à un magasin Skechers, où les héroïnes vont acheter des paires de chaussures avec de l'argent volé !
Nous ne leur avons pas tout dit en leur demandant l'autorisation de tournage ! Nous leur avons juste expliqué que nous voulions tourner une scène avec des ados qui achetaient des chaussures, c'est tout ! Je ne sais pas ce qu'ils ont pensé du résultat, je n'ai eu aucune nouvelle !

Quelques mots sur votre chef opérateur ?
Elliot Davis est un véritable artiste, ce n'est pas un hasard s'il a travaillé à quatre reprises avec Steven Soderbergh. Je l'ai rencontré sur le tournage de Sam, je suis Sam et il m'avait impressionné. Dans Thirteen, il a fait un travail remarquable, sans moyens, avec seulement trois techniciens pour l'aider. C'est inhabituel pour quelqu'un d'habitué aux gros budgets, mais il croyait en notre projet, il était vraiment impliqué. D'ailleurs, c'est amusant, il s'est aussi occupé de la lumière de Legally Blonde 2, présenté à Deauville ! Il alterne les films hollywoodiens classiques et les films d'auteur, moins accessibles.

Si on vous propose 1 million de dollars pour réaliser American Pie 4, vous acceptez ?
(Rires.) Non, certainement pas, ce n'est pas compatible avec ce que je ressens !

Propos recueillis par Didier Verdurand en septembre 2003.

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Aucun commentaire.