Master Class Angel-A

Ilan Ferry | 6 janvier 2006
Ilan Ferry | 6 janvier 2006

Accompagné de son acteur principal Jamel Debbouze, Luc Besson s'est prêté à l'exercice de la Master Class ce mardi 27 décembre, afin de promouvoir Angel-A, son neuvième long métrage. Un événement préparé par Europacorp en amont avec la Fnac des Champs Elysées via une mise en place importante et des consignes de sécurité parfois extrêmes (au point que cet article n'a failli pas voir le jour puisqu'aucun enregistrement audio ou vidéo ne fut autorisé) à la mesure du nombre plus que conséquent de personnes invitées, confirmant ainsi le statut de nabab de l'auteur / réalisateur. Entre deux congratulations (« Jamel t'es le meilleur, Monsieur Besson vous êtes le meilleur réalisateur français.... » sont quelques unes des phrases revenues de manière récurrente au cours de cette Master Class), Luc Besson dispensa quelques cours de cinéma gratuits tandis que Jamel Debbouze répondait aux questions d'un public enthousiaste avec une sincérité désarmante.

Le projet Angel-A est quelque chose que vous mûrissiez depuis de nombreuses années déjà…
Luc Besson : Il y a une dizaine d'années j'ai commencé à écrire la structure, les personnages, mais je n'avais pas encore écrit les dialogues et je n'y arrivais pas parce que j'étais trop jeune.

Jamel Debbouze : Il savait pas écrire à l'époque !

Luc Besson : Puis, en mûrissant et après avoir pris quelques baffes dans la gueule, c'est venu beaucoup plus facilement (rires).

Pourquoi avoir tourné le film en noir et blanc ?
Jamel Debbouze : Le budget !

Luc Besson : J'ai toujours vu ce film en noir et blanc. Je voulais qu'il soit à la fois ancré dans le réel et un peu décalé. J'avais pour cela plusieurs éléments à ma disposition : le noir et blanc, le cadrage, la musique, chaque élément décalant légèrement le film. Pour les étudiants en cinéma je vous conseille de toujours faire la liste des éléments qui sont à votre portée pour faire passer quelque chose, même si c'est aussi aléatoire qu'un rêve ou un sentiment.

 


Pourquoi ne pas avoir fait appel à Eric Serra pour la musique d'Angel-A ?
Luc Besson : Pour plusieurs raisons : tout d'abord Eric Serra est en train de travailler sur Arthur (NDLR / adaptation de la série de livres écrits par Luc Besson), de plus, ayant décidé d'aller un peu ailleurs dans mon cinéma, j'ai trouvé intéressant de faire appel à des gens qui venaient d'horizons différents et qui ne connaissent pas forcément mon travail. C'est ainsi que j'ai découvert la compositrice Anja Garbarek dont la musique m'a aidé pour écrire le film.

 

Qu'est ce qui vous a motivé à choisir Jamel pour le rôle principal ?
Luc Besson : Avant tout, j'avais envie de travailler avec lui et je pense que malgré le nombre de grands acteurs en France, c'était le seul capable de jouer ce rôle. Derrière son coté pitre, on sent qu'il a quelque chose à dire et je voulais me mettre à sa disposition pour qu'il puisse l'exprimer.

Peut-on faire un parallèle entre vous et votre personnage ?
Jamel Debbouze : J'ai été par moments déstabilisé par ce que j'étais en train de jouer car mon personnage est quelqu'un qui ne s'aime pas et va commencer à s'apprécier au contact d'Angela. De plus, sans vouloir être misérabiliste, j'ai grandi dans un lieu où on ne s'intéressait pas tellement à nous et tout au long de ma vie j'ai eu la chance de rencontrer des gens qui m'ont appris à m'aimer en pointant du doigt mes qualités. Il n'y a que les grandes expériences qui vous bousculent et ce film en fait partie à un point tel que j'ai encore un peu d'André Moussa en moi car c'est quelqu'un qui m'a beaucoup touché.

Comment s'est passée la transition entre les rôles comiques que vous jouez habituellement et celui-ci, plus dramatique ? Allez vous alterner entre ces deux registres ?
Jamel Debbouze : Quand j'ai lu le scénario, la scène du miroir me semblait insurmontable, car il s'agissait de faire passer une réelle émotion et ça m'a fait très peur. Mais Luc m'a mit en confiance et a eu l'intelligence de tourner la scène à la toute fin afin de me laisser le temps de comprendre le personnage. De plus, j'ai la chance de pouvoir choisir mes projets. Quand Luc m'a proposé de travailler avec lui, j'ai tout de suite dit oui parce que j'en avais envie. C'est comme ça que je fonctionne, qu'il s'agisse de comédie ou non.

Luc Besson : Je voudrais juste faire une remarque pour les étudiants en cinéma : sur un tournage, la clé d'un film c'est votre rapport avec les acteurs, la technique est secondaire, elle doit venir après. Cette scène a été tournée en une prise et fait partie de ces rares moments de grâce dans la vie d'un réalisateur.

 


Luc Besson, quels sont vos projets ?
Luc Besson : Je travaille depuis plus de quatre ans sur un film d'animation qui s'appelle Arthur et les minimoys. C'est un projet très important qui a coûté 70 millions d'euros. Nous sommes une équipe de 120 personnes à travailler dessus et j'en suis très fier. Le film sort le 13 décembre 2006.

 

Avez-vous cherché à innover par rapport à la vision de Paris d'Amélie Poulain ?
Luc Besson : Se comparer à ce qui a été fait c'est déjà s'écarter du chemin. Quand Picasso peint une pomme, il ne se demande si ça a été fait avant, car il sait que personne ne la peindra comme lui. La question de l'artiste c'est sa vision et son interprétation des choses. On dit qu'en matière de scénarios il n y a que trois histoires : Roméo et Juliette, la guerre de Troie et Hamlet, et quelque que soit ce que vous écrirez, vous retomberez toujours sur un de ces trois thèmes.

 


Avez-vous pu improviser ?
Jamel Debbouze : Le tournage a été très rapide. De plus Luc avait le film en tête depuis le début et c'est difficile de parler avec quelqu'un qui sait exactement ce qu'il veut, donc il n'y avait pratiquement pas de place pour l'improvisation.

 

Luc Besson : Je m'adresse à nouveau aux jeunes cinéastes : c'est bien d'être prêt mais il faut aussi savoir être ouvert. En tant que réalisateur, vous n'êtes que le gardien de votre histoire, il faut savoir garder une certaine souplesse.

Qu'est ce que ce film a changé pour vous ?
Jamel Debbouze : C'est difficile de répondre à cette question car ce que ce film a changé pour moi n'est pas explicable… Angel-A a su mettre des mots sur des situations que j'ai vécu car j'ai été André Moussa et il ne faut pas se leurrer, nous avons tous eu des périodes comme ça où on se regardait dans une glace pour se motiver sans que ça fonctionne et c'est dans ces moments de faiblesses qu'on s'apprécie le moins. À la base je suis un jeune de banlieue, pas très grand ni gros, j'ai un bras dans la poche, sur le papier j'intéresse personne, je ne me suis jamais projeté dans l'avenir en me disant que ça marcherait pour moi, j'ai tout simplement foncé. Je pense que ce film m'a apporté un peu plus de maturité, voire un certain recul.

Photos prises par Alexandre Papaïs
Rencontre retranscrite pour ÉcranLarge par Ilan Ferry

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