Michael Cimino

Patrick Antona | 13 juillet 2006
Patrick Antona | 13 juillet 2006

La venue de Michael Cimino à Paris à l'occasion d'un hommage que lui rendait le Festival Paris Cinéma et Carlotta Films était un événement en soi que la jeune rédaction d'Écran Large ne pouvait laisser passer. Excités à l'idée de discuter avec le maître durant 45 minutes, nous avions préparé une multitude de questions. Malheureusement, la rencontre n'a duré finalement qu'un petit quart d'heure. Forcement frustrant mais l'homme, d'une gentilesse peu commune, est un tel mythe, ses quelques réponses suffisent largement à rendre cet entretien incontournable pour tout cinéphile de bon goût.

 

Vous êtes en France pour la reprise de trois de vos films parmi les plus importants. Quel est votre sentiment sur le fait que pour beaucoup de cinéphiles, ces films font partie du panthéon du cinéma américain ?
Que vous me disiez cela j'en ai le souffle coupé. Je suis très honoré mais je ne sais pas si cela est vrai.

 

Quel film a donné envie de faire du cinéma ?
Franchement je ne me rappelle pas d'un film qui ait joué le rôle de révélateur. Quand j'étais enfant, j'allais peu au cinéma. Comme je me destinais à l'architecture, j'étais plus sensible aux talents des peintres ou des sculpteurs. Je passais plus de temps à dessiner ou à peindre que dans les salles de cinéma. Faire des films est quelque chose de tout à fait accidentel.

 

Et comment quelqu'un qui n'est pas un vrai amateur de cinéma se retrouve à réaliser un premier film avec Clint Eastwood en tant que vedette (Le Canardeur en 1974) ?
Mais tout ceci n'est que le résultat du hasard ! Clint, qui est un ami, avait envie d'un regard neuf. Et c'est en totale confiance qu'il m'a confié, moi un débutant, les clés pour faire ce film. Il a tellement été enthousiaste vis à vis du résultat qu'il a voulu me faire signer un contrat pour trois films. Mais je ne n'étais pas intéressé par le monde du cinéma. L'idée de m'attaquer à La Porte du paradis (à l'époque The Johnson county wars) a commencé à me tarauder. J'étais jeune à l'époque et le fait de m'attacher à une personne aussi forte que Clint avait de quoi me faire peur. Je voulais tailler ma route tout seul, en fait.

 

 

C'est pour cela que dans votre roman/biographie Conversations en miroir & A hundred oceans, vous utilisez le terme de « Mythe » à son égard ?
Clint est actuellement en Amérique, le plus grand mythe existant. Il est tellement grand, on est obligé de lever les yeux quand il se trouve devant vous. Il est à l'image de ces personnages qui marquent les esprits, tels que John Wayne ou Steve McQueen.

 

Concernant Steve McQueen, est-il vrai qu'il avait été envisagé pour le rôle de James Averill dans La Porte du paradis ?
Oui, c'est exact. C'était aussi un de mes amis et un grand homme. Mais tout ce qui se rattache à La Porte du paradis, de vrai ou de faux, a pris une dimension quasi-mythique. On raconte tellement d'histoires sur ce film qu'il est désormais délicat d'en tirer le vrai du faux.

 

L'envie ou l'opportunité de travailler avec Eastwood n'est jamais revenue par la suite ?
Non, nous avons pris des chemins artistiques divergents mais il reste un de mes meilleurs amis. Et il n'est pas impossible que je retravaille avec lui dans l'avenir.

 

Vos personnages sont toujours des solitaires qui évoluent au contact d'une communauté immigrée (Voyage au bout de l'enfer, La Porte du paradis, L'Année du Dragon). Pourquoi cette récurrence dans votre cinéma ?
Parce que c'est ce que je ressens à mon égard, je suis aussi un grand solitaire. L'Amérique est toujours marquée par ces immigrés, tous ces peuples qui l'ont constitués. Vous voyagez dans n'importe quel État américain et vous pouvez tomber sur une ville où ne résident que des allemands ou alors ce sont des russes. C'est un des grands paradoxes de mon pays.

 

C'est parce que Coppola et Scorsese trustaient la sociologie sur les italo-américains que vous vous êtes occupés des autres immigrés ?
Non, absolument pas. Il n'y a aucun calcul de ma part lorsque je me suis attaqué aux sujets des films tels que Voyage au bout de l'enfer (russes orthodoxes) ou L'Année du Dragon (chinois). Mon travail n'a rien à voir avec les metteurs en scène que vous citez. À l'époque, on avait cru discerner une forme de compétition entre Coppola et moi mais Voyage au bout de l'enfer n'a jamais été un film sur le Vietnam. C'était un film sur un groupe d'amis qui est marqué par la guerre, mais cela aurait pu être n'importe quelle autre guerre.

 

Pour revenir à La Porte du paradis, vous avez dit « Un film n'est politique que par accident. L'idéologie d'un film vient toujours seconder l'histoire mais elle ne lui emboîte jamais le pas ». Pourtant le thème sous-jacent de La Porte du paradis est ouvertement politique, avec cette juxtaposition de la conquête de l'Ouest et de la lutte des classes?
Mais ceci est votre propre interprétation. La force de ce film ne doit pas se limiter uniquement à ce message. Si 25 ans après on en parle toujours, que les gens en France reviennent voir le film, c'est parce que le sujet était fort et que les acteurs y étaient merveilleux. Après chacun y voit ce qu'il veut : un simple western ou un film politique.

 

D'où est venu le choix de prendre Isabelle Huppert comme héroïne ?
C'est un magnifique accident que ma rencontre avec Isabelle, mais nous n'avons pas le temps matériel d'en parler (rires). Cela pourrait être le sujet d'un film à lui tout seul (on pourra cependant lire la retranscription de la Master class que Cimino donna le lendemain dans laquelle il s'étend assez longuement sur la façon dont Isabelle Huppert a rejoint le casting de La Porte du paradis, ndlr).

 

Ultime question, reviendrez-vous au cinéma ?
Oui, je suis en train de travailler sur un projet très sérieux, prévu pour 2006 ( il s'agit de l'adaptation de La Condition humaine de Malraux, ndlr), avec la productrice Joann Carelli (déjà productrice sur La Porte du paradis mais aussi Le Sicilien et Voyage au bout de l'enfer).

Tout savoir sur La Porte du paradis

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