Michael Cimino, réalisateur culte de Voyage au bout de l'enfer, est mort

Christophe Foltzer | 3 juillet 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Christophe Foltzer | 3 juillet 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Quelle leçon tirerons-nous de cette année 2016 qui semble bien partie pour emporter avec elle bon nombre d'artistes que nous vénérons. Michael Cimino est mort et c'est une catastrophe.

Michael Cimino n'est plus. Si la rédaction d'une telle news était inéluctable, on aurait aimé ne pas l'écrire aussi tôt. Et pourtant, la vie nous ramène à sa triste réalité : l'enfant terrible du cinéma hollywoodien s'est éteint hier à l'âge de 77 ans, entouré de sa famille si l'on en croit le tweet de Thierry Frémaux.

Réalisateur phare de tout un pan du cinéma américain d'auteur, il avait fait ses premières armes en tant que scénaristes en écrivant notamment l'excellent Silent Running puis Magnum Force. Passé à la réalisation avec Le Canardeur, Cimino change immédiatement son fusil d'épaule en 1978 en nous offrant l'immense Voyage au bout de l'enfer, premier film traitant frontalement de la guerre du Vietnam, récompensé par 5 Oscars dont celui du meilleur film. Une oeuvre majeure et primordiale, une date dans le cinéma et la naissance d'un très grand réalisateur. 

Photo affiche

La suite semblait couler de source, tant de talent et de maîtrise devait amener d'autres chefs-d'oeuvre. Malheureusement ce n'est pas ce qui s'est passé. Quand Cimino s'attaque à son film suivant, La Porte du Paradis, il ne se doute pas que ce film va lui coûter sa carrière. Tournage interminable, énorme dépassement de budget, durée inacceptable pour le studio (3h40 dans sa version courte!), le film lui échappe et entraine dans sa chute le studio qui l'a financé, United Artist. Un calvaire qui continue au moment de la sortie en salles, puisqu'il ne rencontre pas son public et reste très longtemps comme une épine dans le pied de l'industrie, servant de bouc-émissaire à une croisade contre le cinéma d'auteur dont il serait le terrible représentant. Cimino mettra 5 ans à refaire un film, sous le haut contrôle de son producteur de l'époque, Dino de Laurentis. Beau et crépusculaire, L'année du dragon est un nouvel échec au box-office. Viendra ensuite Le Sicilien et c'est l'Histoire qui se répète : Cimino ne parvient pas à respecter son contrat qui lui impose une durée de 2h et décide, pour y parvenir, de rendre une copie débarrassée de toutes ses scènes d'action.

Photo Cimino

L'issue de sa carrière est plus qu'incertaine lorsqu'il enchaine avec La maison des otages en 1990, puis Sunchaser en 1996, son dernier film, présenté au Festival de Cannes, qui ne trouve lui non plus pas son public. A travers Michael Cimino, c'est une certaine vision du cinéma qui s'exprime, intransigeante, mégalomane, intelligente et porteuse d'un grand message. Un discours qu'Hollywood n'a semble-t-il jamais été prêt à accepter et à mettre en avant, surtout à une époque où le Nouvel Hollywood vit ses dernières heures et où le cinéma pop-corn s'impose partout dans le monde. Cimino a payé le prix de son originalité et de son engagement philosophique et artistique. Sacrifié par le système, il est montré sur la place publique comme le représentant de tout ce  que l'industrie du cinéma ne veut plus.

Si une grande tristesse nous étreint aujourd'hui, on se console en se disant qu'au final, Cimino a réussi son pari : Voyage au bout de l'enfer et La Porte du Paradis sont aujourd'hui réhabilités et lui offrent, avec beaucoup de retard, son immortalité.

See you in space, Cowboy.

Photo Cimino

Tout savoir sur Voyage au bout de l'enfer

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commentaires
Starfox
04/07/2016 à 09:29

C'est triste.

Un immense réalisateur.

champy
03/07/2016 à 17:09

"En 2001, la France, où il aimait résider, avait remis à michael cimino la médaille de chevalier des arts et des lettres, décoration, qui disait-il, le touchait plus que toutes les autres."(lu ce matin dans Le Monde). Malgré son mode de vie devenue très extravagant à partir des années 90(comme beaucoup d'autres à l'instar de mickey rourke qui heureusement a pu se ressaisir...), il a marqué l'histoire du cinéma avec peu de films(je n'ai vu l'année du dragon que récemment pourtant j'ai bien aimé) et a quand même chopé un oscar du meilleur réal . Repose en paix l'artiste incompris !

LaTeub
03/07/2016 à 15:15

L'Année du Dragon, quel film!! J'avais découvert ça au ciné à l'époque... J'ai découvert ses anciens films en VHS... Une certaine idée du cinéma, exigeant, dérangeant, parfois inconfortable, bref, tout ce que le cinéma d'aujourd'hui, lisse et aseptisé (à 98% disons) n'est plus!
R.I.P Monsieur.

Dirty Harry
03/07/2016 à 11:28

Un très joli réalisateur, ayant un sens du récit comme les maitres, proche de ses personnages et sachant donner de l'ampleur aux décors. Un très beau sens de l'inscriptions d'un personnage dans le cadre, ses films étant toujours très bien photographiés (par le regretté Vilmos). Toujours triste de voir un si beau talent disparaitre (plutôt néo-classicisme pour sa catégorie et son style) surtout qu'il n'a jamais retrouvé le feu sacré de ses débuts : sa déréliction pour le métier, sa mise au banc de producteurs frileux et sa descente dans les vices d'Hollywood (la chirurgie abusive, les drogues et les filles) l'ont petit à petit brulé à petit feu (lu son livre récemment, comme beaucoup de grands artistes sa vie est un chaos à ciel ouvert). Clint Eastwood l'avait remarqué et ce n'est pas pour rien au vu de certaines de leurs thématiques communes. Espérons que la Porte du Paradis lui soit clémente cette fois-ci...RIP

Ded
03/07/2016 à 10:37

Une telle avalanche nécrologique a de quoi tarir toute inspiration. Pour faire grâce des banalités d'usage, je verserai simplement des larmes amères de cinéphile en laissant pudiquement la véritable peine à ses proches...

rigolax
03/07/2016 à 10:05

On dira que c'est l'émotion hein écran large ? Je parle des désormais traditionnelles fautes de frappe.....
RIP Mr Cimino..
.

Satan plus rien du tout
03/07/2016 à 09:50

Michael Cimino, Elie Wiesel, Michel Rocard, le même jour, ça fait mal à la teub :-(