Takashi Miike

Vincent Julé | 15 mars 2005
Vincent Julé | 15 mars 2005

Un festival est l'occasion, en plus de « subir » cinq à six films par jour, de rencontrer, et au pire de croiser, des auteurs rares. La septième édition de Deauville Asia nous a ainsi donné vingt minutes (à deux) de gentillesse et d'humilité avec le japonais et indispensable Takashi Miike.

 

Vous êtes le recordman du nombre de films – près de 80 – en moins de dix ans. Il n'y a pas toujours une raison pour tout, mais… pourquoi tournez-vous autant ?
À l'inverse, je me demande pourquoi les autres réalisateurs ne font pas plus de films. À vrai dire, c'est une remarque que l'on me fait souvent, mais moi, je n'en ai pas réellement conscience. J'ai toujours été habitué à travailler comme ça, étant donné que j'ai commencé dans la télévision, où le rythme est soutenu, avant d'enchaîner les tournages en tant qu'assistant réalisateur. C'est donc un peu dans la suite logique des choses, même si ces deux dernières années, j'ai quand même réduit la cadence (3 films par an !!! – NDLR). La régulation se fait d'elle-même, au fil des années, et devrait continuer puisque je travaille sur des projets plus imposants et plus denses.

 

 


Hommage à Takashi Miike (Festival du film asiatique de Deauville 2005)

 

Vous avez touché à tous les genres, des fois dans un même film. N'avez-vous pas peur, au bout d'un moment, de vous perdre ?
Je ne cherche pas à atteindre un but particulier en faisant du cinéma, donc je n'ai pas peur de me perdre dans la mesure où je ne vais nulle part. On me propose des choses, et je me dis pourquoi pas, car je n'ai pas encore trouvé de raisons de refuser quoi que ce soit. Je vais bien sûr toujours être étonné, par exemple, si l'on me demande de filmer une histoire d'amour. Mais d'un autre côté, je me dis que cela peut être amusant, qu'il faut essayer. Je considère que, plus que tout autre chose, c'est sur le terrain que je me plais. J'aime les tournages, travailler avec une équipe ou m'entretenir avec mon scénariste. Je sais qu'il y aura toujours des contraintes, mais plutôt que de les rejeter, moi je préfère tout prendre. C'est-à-dire, que si l'on me dit de tourner en trois jours au lieu de quatre ou cinq, j'accepte presque sans réfléchir. C'est à chaque fois un pari différent. Donc, d'une certaine manière, je ne peux pas vraiment me perdre. Je n'ai pas ce besoin de m'affirmer en tant que cinéaste et de dire que je ne ferais pas tel film parce qu'il ne me ressemble pas. Je n'envisage jamais les projets de films comme des choix à faire, et c'est pourquoi je travaille aussi pour la télévision ou la vidéo. Mais je me sens tout de même à un tournant de ma carrière, au seuil d'un affranchissement. A partir de maintenant, et du projet Yôkai Monster que j'ai écrit et réalisé, une nouvelle étape commence.

 

 

N'y a-t-il pas tout de même un genre, ou un type d'histoires, sur lequel vous aimeriez vous focalisez, et qui vous correspondrait peut-être plus ?
Je ne sais pas si j'ai vraiment un genre de prédilection, mais je pense que, fondamentalement, l'idée est de faire des films pour lesquels les gens n'ont pas une très haute estime. Par exemple, en général dans un festival, lorsque l'on va voir un inédit de tel ou tel réalisateur, c'est un peu le lieu de combat entre l'auteur et les spectateurs. Alors que moi, c'est presque l'inverse. Mes films ne sont pas attendus, ce qui ne les empêchent pas d'attirer du monde, voire de surprendre. C'est peut-être cela mon genre.

 

Y a-t-il sinon dans votre filmographie, une œoeuvre qui vous tient particulièrement à coeœur ?
Il y a bien un film, mais qui n'a été diffusé que dans le circuit vidéo au Japon – je ne suis pas sûr que l'on puisse le trouver en France - et qui s'appelle Kenka no hanamichi (1996). En fait, ce film a été tourné dans ma ville natale et j'y mets en scène mes propres expériences à l'époque où j'y vivais encore. En général, les réalisateurs traitent de sujets qu'ils ne connaissent pas toujours, même s'ils peuvent prétendre le contraire. Ce n'est jamais pour eux quelque chose de concret ou de réel. Or, pour la première fois, j'ai raconté et mis en images une partie de mon existence. Donc, même si le film a été très peu vu et non distribué, il compte beaucoup pour moi.

 

 


Hommage à Takashi Miike (Festival du film asiatique de Deauville 2005)

 

Qu'en est-il de votre potentielle carrière américaine ?
J'ai en effet des projets de collaboration avec les États-unis, mais ailleurs aussi. Un film est ainsi déjà en préparation avec un producteur français (l'incontournable Jean-Pierre Dionnet, pour ne pas le citer – NDLR). Après, ce sont toujours des démarches qui avancent doucement, car pour les producteurs, il n'y a pas forcément d'urgence à tourner avec moi. Mais je me dis que cela peut être intéressant si cela devient l'aboutissement d'un travail long et réfléchi. Donc, tous ces projets se mettent en place, bien que pour l'instant, cela reste plutôt tranquille.

 

 

Propos recueillis par Vincent Julé.

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