Le mal-aimé : le faux prequel et mauvais remake de The Thing

Geoffrey Crété | 11 juin 2016 - MAJ : 22/09/2022 15:26
Geoffrey Crété | 11 juin 2016 - MAJ : 22/09/2022 15:26

Parce que le cinéma est un univers à géométrie variable, soumis aux modes et à la mauvaise foi, Ecran Large, pourfendeur de l'injustice, se pose en sauveur de la cinéphilie avec un nouveau rendez-vous. Le but : sauver des abîmes un film oublié, mésestimé, amoché par la critique, le public, ou les deux à sa sortie. Cette semaine : The Thing de Matthijs van Heijningen Jr.

 

Affiche française

    

"Un pâle remake" (Positif)

"Opération ratée" (Mad Movies)

"Ce n'est pas aussi satisfaisant que le vieux The Thing" (Washington Post)

"Un assez peu original programme de frayeur, de suspense et d'action" (Le Monde)

"Ce film est en gros un mix d'Alien et Predator, et on a vu ça une douzaine de fois" (NY Times)

 

 

LE RESUME EXPRESS

Antarctique, 1982. Pas crédible mais apparemment réputée, la paléontologue Kate Lloyd est invitée étudier la folle découverte de Norvégiens : un vaisseau alien emprisonné dans les glaces. Un organisme étranger, piégé dans un bloc de glace, est transporté dans une base isolée pour analyse. Surprise : la glace fond, et la chose s'échappe. Elle attaque et commence à digérer un des membres avant d'être brûlée.

L'autopsie révèle que la Chose commençait à créer un double de sa victime, à un détail près : la broche métallique de son bras, visiblement indigeste pour la pauvre bête. Kate comprend vite que quelqu'un n'est pas humain dans le groupe, et a raison. 

La paranoïa s'installe, notamment quand deux hommes (dont le pilote viril Carter) reviennent en un seul morceau d'un crash d'hélicoptère. L'équipe s'affronte dans les couloirs à coup de lance-flamme pour trouver où se cache la Chose parmi eux.

Kate et Carter s'en sortent vivants et poursuivent la Chose, repartie vers son vaisseau pour redécoller. Ils sont séparés et Kate affronte la chose, qu'elle finit par détruire. Elle retrouve Carter mais après avoir constaté qu'il n'a plus de boucle d'oreille, elle le crame.

Le lendemain, un hélicoptère norvégien arrive au camp, désert et en ruines. Lorsqu'il voit son chien s'enfuir, le Norvégien comprend que la chose n'est pas encore morte. Il se lance à sa poursuite pour tenter de l'abattre, reproduisant l'ouverture du film de Carpenter.

 

The Thing 2011Acteurs solides, c'est certain

 

LES COULISSES de ce remake caché

Suite au succès de L'Armée des morts de Zack Snyder, le répertoire des studios Universal est exploré pour surfer sur la recette. Les producteurs Marc Abraham et Eric Newman décident ainsi de lancer une préquelle au film culte The Thing de Carpenter, afin de ne pas violer une oeuvre parfaite selon eux. Newman expliquait : "Je serais le premier à dire que personne ne doit refaire Les Dents de la mer ou L'Exorciste. The Thing non plus".

En 2009, Ronald D. Moore, alors porté par le succès de Battlestar Galactica, est engagé pour écrire le scénario, avec le Néerlandais Matthijs van Heijningen Jr. à la réalisation - il était à l'origine attaché à une suite du remake de L'Armée des morts, censée se dérouler à Las Vegas. Moore considère son script comme un "film compagnon" et non un remake du Carpenter. Le studio jette son travail (les raisons se trouvent peut-être dans Helix, sa très mauvaise série au pitch assez proche) et engage Eric Heisserer, scénariste du remake des Griffes de la nuit et Destination finale 5, pour tout réécrire. Pour brouiller un peu plus encore les pistes, le titre de l'original est conservé.

 

The Thing : photoNaufrage de la modernité

 

Prévue pour avril 2011, la sortie est repoussée à octobre : le studio impose des reshoots pour changer la fin. A l'origine, le mystère de la Chose devait être éclairci, notamment lors d'une introduction où les aliens crashaient intentionnellement le vaisseau pour tuer la créature, avant qu'un survivant en pleine transformation ne sorte des décombres pour se laisser mourir dans la glace.

Le climax montrait également que la Chose était un specimen collecté par les aliens sur une planète, qui avait finit par les exterminer : "J'aimais cette idée parce que c'était comme le camp des Norvégiens dans l'espace. Kate voit une pièce avec des cosses, l'une d'elles est ouverte, laissant comprendre ce qui s'est passé. Ce qui ne marchait pas c'était qu'elle voulait trouver Sander et stopper le décollage, tout en résolvant ce mystère. Ces deux dynamiques ne marchaient pas ensemble". Oui, il y a un air de Prometheus dans cette version.

 

photoLa vraie héroïne à la Ripley, évidemment

 

LE BOX-OFFICE

Echec. The Thing version 2011 a coûté près de 40 millions de dollars, hors promo, et en a rapporté moins de 28 dans le monde, dont 17 aux Etats-Unis. Douche froide.

Une certaine harmonie néanmoins puisque le film de John Carpenter a lui aussi été un bide : avec un budget d'environ 15 millions, il avait encaissé une vingtaine de millions dans le monde.

 

photo, Mary Elizabeth WinsteadEssayer de fuir le flop

 

pourquoi c'est amusant, quand même

A un niveau très primaire, The Thing version 2011 fonctionne. Emballé avec savoir-faire, le film offre les frissons et le suspense attendus, remplissant parfaitement sa modeste mission de divertissement horrifique.

Il y a aussi une volonté de renouveler l'horreur de la Chose, illustrée dans une poignée de scènes marquantes chez Carpenter (la tentative de réanimation où le docteur perd ses mains). Ainsi, à grand renfort d'effets spéciaux, The Thing 2011 repousse les limites de l'immonde au rayon mutations, avec de nombreux plans qui s'attardent sur les visages et les corps déformés par l'alien. De quoi ravir les amateurs de chair plus très fraîche.

A priori peu crédible en paléontologue et warrior des neiges, Mary Elizabeth Winstead est excellente. Elle prouve, cinq ans avant le très bon 10 Cloverfield Lane, qu'elle a les épaules pour tenir un film de genre avec une aisance impressionnante. Gageons qu'une carrière à la Brie Larson, dont l'ascension discrète a culminé avec son Oscar l'année dernière, l'attend.

 

photoQuelques scènes bien sales

 

pourquoi c'est pas bon, tout de même

Principal problème avec The Thing version 2011 : le film ne trouve pas d'identité. D'un côté, il y a une intrigue de préquelle, qui raconte les événements menant au film de Carpenter, avec une conclusion qui fera le lien avec l'introduction du film de 1982. De l'autre, il y a une volonté claire de refilmer l'original en lui empruntant sa structure, ses thématiques, voire des scènes entières. Le film semble prendre un vrai plaisir à connecter les deux, notamment avec la hache dans le mur, sans pour autant justifier son existence.

Ce refus de choisir pour pouvoir profiter en théorie des deux publics (le fan ne sera pas froissé et y chercherait des explications, le néophyte n'aura pas besoin de connaître l'histoire pour comprendre) est illustré par le choix d'un titre vague, qui refuse d'énoncer le pari. D'autant que les deux options sont aussi inutiles l'une que l'autre : le film de Carpenter résiste au temps, et revenir aux "origines du mythe" comme l'annonce l'affiche est dispensable. Le scénario refusant en plus d'assumer cette direction (la scène sur l'origine de la Chose a été coupée), l'intérêt est mince.

 

Photo Kurt Russell"Ce n'est pas du tout un remake", mais oui bien sûr

 

Le choix d'une héroïne montre également ce doute présent dans l'ADN du projet : remplacer Kurt Russell par un personnage féminin est une illusion pour masquer les coutures de l'entreprise. Sans compter que le film, alourdi par son lien avec le film de Carpenter, marche immanquablement dans les pas d'Alien avec cette scientifique asexuée, droite, intelligente et pleine de ressources. 

Enfin, l'utilisation des effets n'est pas toujours heureuse, avec cette tendance trop ordinaire à avoir une foi aveugle en l'outil numérique ; au point de trop les filmer, sans avoir la décence de les habiller dans une image qui pourrait en atténuer les faiblesses.

 

 

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commentaires
pima
16/09/2021 à 12:47

Les histoires de prothèse et de boucle d oreille incitent à penser que les 2 survivants du film de carpenter sont bien humains. Encore que...


Mais elle devient qioi à la fin, la miss allumette ?

JULBAT82
08/05/2020 à 01:38

Ahhhh Hollywood et l'appât du gain enfin.... Façon de parler depuis maintenant quelques années ont en bouffent à toutes les sauces du remake, prequel, suite et autres reboot ça devient lassant à force je ne pense pas que cela soit vraiment nécessaire regardé Prometheus où encore Predator.... Tous.... Ce gâchis deviens navrant, le seul intérêt du film réside à ces quelques minutes à la fin reproduisant l'ouverture du film de Carpenter.ce qui le sauve plus où moins

Mr Vide
14/09/2019 à 14:31

Thé Thing de Carpenter est un chef d'œuvre de noirceur paranoïaque. Mais ce presequel est pas nul nul.
Le soucis c'est la chose en cgi. Et la musique qui ramène ce film dans le panier du tout venant . Et a la fin que devient la scientifique ? On suppose qu'elle meure puisqu'elle ne trouve personne pour raconter ce qu'elle a vu.

Du coup , il faudrait un remake de ce prequel.

Geoffrey Crété - Rédaction
18/07/2019 à 12:03

@Fuchsisnotfuchs

Dans les discussions sur un film, on peut toujours dire à l'autre qu'il est trop critique, ou trop gentil... Et je n'ai jamais dit que tout était copié-collé dans ce film qui a le même titre que le Carpenter ;)

Si vous appréciez plus que moi ce film (qui est ici plutôt défendu dans l'article, cf le titre et la rubrique), tant mieux. Je n'irai jamais vous dire que vous pensez mal ou êtes trop bon public :)

Fuchsisnotfuchs
18/07/2019 à 11:56

Critique un peu trop critique.. Et pas de paresse dans le film selon moi ( Je me remate les deux films 3-4 fois par ans au moins ).Attention à ne pas voir des similitudes partout et juger trop hâtivement...
Première attaque visible de la chose dans les deux films : Complètement différentes ( 1982 : chenil, 2011 : en extérieur sur un norvégien )
Première contamination insidieuse (non visible): Complètement différentes ( 1982 : Chien --> Palmer. 2011 : Créature --> Ian Griggs )
Moyen de différencier humain/imitation : 1982 : test sanguin, 2011 : prothèses (dentaires majoritairement ).
Autre différence de taille : 1982 que des hommes, 2011, une femme qui peine à se faire entendre/respecter malgré son expertise surtout vis à vis de Sanders et son ami norvégien.
Et il y a bcp d'autres exemples......

Geoffrey Crété - Rédaction
17/07/2019 à 15:47

@Fuchsisnotfuchs

Même décor, même créature, même schéma, certaines scènes très, très similaires jusqu'à la toute fin... Question de point de vue. Tout ça pour dire que parler avec ironie de "remake" est un point de vue critique, sur la paresse du film.

Fuchsisnotfuchs
17/07/2019 à 15:41

Après c'est peut-être aussi une historie de goûts, ou de préjugés, ou je ne sais quoi... Mais il est normal qu'on retrouve le même schéma global dans les deux films car les deux se passent dans une station scientifique polaire et dans les deux il y a une équipe scientifique, donc normal pour les similitudes en gros. Après quand on regarde en détail le film de 2011, les scènes d'attaques et d'interaction avec la chose sont clairement différentes et originales, et les similitudes qu'il y a malgré tout sont dues au fait ben que c'est.... la même créature pardi !

Geoffrey Crété - Rédaction
17/07/2019 à 15:25

@Fuchsisnotfuchs

On mentionne remake car ce prequel se joue du Carpenter, reproduit un paquet de scènes, et joue donc la carte du clin d'oeil. Oui c'est un prequel clairement, mais le film joue aux ressemblances frappantes. C'est donc un pied-de-nez.

Fuchsisnotfuchs
17/07/2019 à 14:41

Franchement ça me gonfle que le The Thing de 2011 soit sans arrêt libellé péjorativement de "remake"... Ce n'est pas un remake, achetez-vous des yeux !! C'est la préquelle du film de 1982, point barre !!
Et même si j'ai bien sur une grosse préférence pour le film de Carpenter, un classique inimitable et indétrônable, le film de 2011 est très très bon et assure très bien son rôle de préquelle avec un très grand soucis du détaïl et de cohérence par rapport au film de 1982.
Mention très bien aussi à MEW qui joue à merveille une scientifique se débattant entre la chose d'un côté et le machisme exacerbé de certains membres de la station Thule de l'autre.
PS : Voir absolument les scènes coupées dans les bonus du BR, ils auraient du les garder à mon sens.

Dutch Schaefer
29/10/2018 à 08:08

Il est clair que le film de Carpenter reste supérieur en bon nombres de points!
Mais voilà un remake-suite-préquel je sais pas quoi... qui trouve grâce à mes yeux!
Il en résulte un excellent film, bien torché et qui offre son lot de scènes cultes!
Bref le très haut du panier des "remakes"!!!!!

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