Ridley Scott - Portrait

David Da Silva | 12 mai 2010
David Da Silva | 12 mai 2010

Le 12 mai sort sur nos écrans Robin des bois, le nouveau film du réalisateur anglais Ridley Scott. Acclamé depuis ses débuts en 1977 avec l’éblouissant Les duellistes, il tourne ensuite deux authentiques films cultes (Alien et Blade runner) avant d’enchainer des bides  jusqu’au succès phénoménal de Gladiator en 2000. Eclectique, il œuvre dans plusieurs genres différents (péplum, science-fiction, polar, film d’aventure…) en essayant de toujours transcender le scénario initial et le genre auquel il s’attaque. Solide artisan pour certains, authentique auteur pour d’autres (on constate des récurrences thématiques dans son œuvre comme la solitude du personnage principal qui doit faire face à l’adversité ou la femme forte). Retour sur le parcours du grand frère de Tony Scott (True romance, Man on fire).

 

Ridley Scott est né le 30 novembre 1937 à South Shields en Angleterre. Passionné par le dessin, il passe sa scolarité au West Hartpool College of Arts puis intègre la prestigieuse Royal College Of Art où il rencontre l'artiste David Hockney. Il débute par un court métrage, Boy On A Bicycle avec l’aide de son père et de son frère Tony. Son diplôme en poche, il part aux Etats-Unis, et travaille pour la société Time-Life spécialisée dans le documentaire. Il crée en 1973 avec son frère Tony, sa société de production spécialisée dans les spots publicitaires Ridley Scott Associates.

En 1977, il tourne son premier film, Les Duellistes, le récit d'un duel entre deux hommes  Keith Carradine et Harvey Keitel prêts à mourir pour l'honneur (initié par un incident anodin). Un film d’une grande beauté esthétique, avec des combats à l'arme blanche superbement chorégraphiés. Ridley Scott transcende véritablement une intrigue très mince par la qualité de sa mise en scène et obtient même le prix de la meilleure première oeuvre au Festival de Cannes. La Fox remarque ce nouveau talent et décide de financer son nouveau projet. Après avoir envisagé d'adapter Tristan et Iseult puis Dune, le roman de Frank Herbert, il décide de se lancer dans la science-fiction. 

 

Alien, Le 8ème Passager est un huis clos dans l'espace  et la démonstration éblouissante qu’à partir d’un scénario très mince (des explorateurs de l’espace ramènent dans leur vaisseau une forme de vie extra-terrestre et doivent la combattre), un cinéaste de talent peut engendrer une œuvre à la portée universelle. En effet, ce film cristallise l’angoisse de l’homme face à l’immensité noire de l’univers et à ce qu’il peut receler de démons cachés. Ridley parvient une nouvelle fois à transcender son script initial et accorde une place privilégiée au monstre tueur et ses caractéristiques imprévisibles. La créature imaginée par le suisse H.R Giger bénéficiera de nombreuses suites. Ridley Scott dégage des thèmes que l’on rencontrera dans l’ensemble de sa filmographie : la solitude du personnage central devant faire face seul à l'adversité ou la femme forte.

Alien est un grand succès commercial (160 millions de dollars) et Ridley Scott décide de poursuivre dans la SF. Il signe l'adaptation d'un roman de Philip K.Dick, Les Androides Rêvent-ils de Moutons Electriques ? Blade runner est un chef-d’œuvre du film d’anticipation, un vrai film noir futuriste avec la description d’un futur qui n’a jamais été aussi crédible à l’écran. Ridley Scott s’éloigne des clichés hollywoodiens, du manichéisme pour nous présenter des protagonistes d’importance variable. Le répliquant Beatty (incarné par Rutger Hauer) bouleverse les conventions du genre lors d’un final magnifique, avec la musique de Vangelis. Mais après des projections tests moyennes, la Warner décide de retoucher le film en instaurant une voix-off inutile et modifiant la fin jugée trop noire, la remplaçant par un happy-end. Mais surtout cette version simplifiée supprime la séquence du rêve de la licorne du Blade Runner Deckard (Harrison Ford) et donc modifie vraiment le sens de l'histoire. Il faudra attendre les années 90 et un director’s cut pour voir Blade runner dans la version souhaitée par le réalisateur.

Blade runner est un échec financier mais Ridley Scott décide de poursuivre dans la voie du fanstastique et il réalise Legend en 1985. C'est un film d'héroic-fantasy, un conte de fée assez sombre réunissant Tom Cruise et Mia Sara. Ridley Scott a souhaité une histoire simple qui lui permet de visiter de fond en comble son univers féerique. Il livre un film aux images magnifiques, où le plus infime détail est travaillé. Le méchant, incarné par Tim Curry, est mémorable. 

                              

Après ce nouveau bide, il abandonne la science-fiction et le fantastique pour tourner  deux films policiers radicalement différents, Traquée et Black Rain. Le premier est un thriller romantique avec Tom Berenger, un flic partagé entre deux femmes et un tueur : « J’ai été séduit par l’extrême simplicité de l’histoire » avoue Ridley Scott. Le film est visuellement très beau mais souffre d’un problème de rythme. Le second est un polar musclé avec Michael Douglas se déroulant en grande partie au Japon : « C’est Michael Douglas qui m’a proposé la réalisation de Black Rain. Michael est quelqu’un de très intelligent et professionnel. Il sait aussi se mettre à la place du metteur en scène. J’étais attiré par cette collaboration, et par le Japon. La structure même de cette histoire me plaisait énormément. Surtout ce personnage de flic new-yorkais, se trouvant à la pointe de la société contemporaine ». Le film est un chef-d’œuvre de virtuosité, d’esthétique mais tiré vers le bas par une histoire mille fois racontée. Black Rain milite pour le rapprochement Asie-Amérique et se rapproche de Blade runner lorsque Scott survole Osaka, comme il le faisait pour le Los Angeles de 2020 dans son film avec Harrison Ford (même ville déshumanisée, même overdose d’enseignes publicitaires, même petites rues encombrées…): « Les similitudes entre Black rain et Blade runner n’ont pas été conscientes » assure le cinéaste anglais.  On retrouve les mêmes obsessions du cinéaste,  qui sont aussi celles de son petit frère Tony, avec ces héros solitaires en rupture face aux hiérarchies trop facilement en place (Man on fire, Domino, Le dernier Samaritain…).

D'ailleurs, à la fin des années 80, c’est son frère Tony Scott qui le supplante chez les producteurs américains en enchaînant les films d'action à succès (Top Gun, Le Flic De Beverly Hills 2). Ridley Scott décide de revenir à son premier amour : la réalisation de publicité (dont une célèbre pour Perrier). C’est le féministe Thelma et Louise, un road-movie à travers les Etats-Unis qui relancera sa carrière. Ridley Scott revient en force en suivant la dérive forcée de deux femmes, partie en week-end pour s’éclater et qui se retrouvent avec un meurtre sur les bras. Superbement interprété par Geena Davis et Susan Sarandon, Scott prouve qu’il peut adopter un vrai regard féminin sur son sujet et qu’il est un formidable directeur d’acteurs : « Les acteurs que je choisis sont toujours le fait d'une connexion qui s'est établie entre le comédien et moi. Ensuite, sur le plateau, je veille à leur laisser le plus de latitude possible tout en les mettant en confiance ». Le film est un succès public et critique et Ridley Scott est nominé en tant que meilleur réalisateur aux Oscars.

 

Ridley Scott, motivé par ce succès, décide de mettre en chantier un projet fou : produire et réaliser 1492, Christophe Colomb, pour le 500ème anniversaire de la découverte de l'Amérique. Le réalisateur choisit notre Depardieu national pour incarner le célèbre navigateur : « Mon premier et seul choix » dixit Ridley Scott. Le film est une grande fresque ambitieuse, avec des noms prestigieux au générique et des moyens colossaux pour une production européenne. Le film n’est malheureusement pas totalement abouti (surtout dans sa deuxième partie) malgré de très belles séquences lyriques (l’arrivée de Colomb sur la terre américaine). Sorti le 12 octobre dans plus de 5000 salles à travers le monde, 1492 ne parviendra pas à atteindre 10 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis. 


Cet échec artistique et financier le laisse sur le carreau quelques années, il revient en 1996 pour Lame De Fond. Ce Cercle des poètes disparus sur l’eau avec Jeff Bridges dans le rôle du professeur modèle n’est pas un grand film, mais l’esthétique du long-métrage et la mise en scène léchée démontrent que l’efficacité du réalisateur est toujours là (avec l’incroyable séquence de tempête finale).  Mais c’est un nouvel échec financier et artistique. Déprimé, Scott accepte de réaliser A Armes Egales avec Demi Moore. Considéré comme un génie visionnaire à ses débuts, le cinéaste anglais devient peu à peu un modeste artisan servile dans le système hollywoodien. On peut même dire qu’il signe là son plus mauvais film, un véhicule pour star qui se double d’une publicité géante pour la Navy.

 

Gladiator ou la rédemption d’un cinéaste. Ridley Scott est convaincu que ce projet de péplum (genre oublié depuis les années 60) peut redorer le blason d’une carrière ternie par un enchainement de films inégaux. La première référence de Ridley Scott est David Lean, génie de la super-production historique mais qui gardait un côté intimiste par son approche des personnages : « Lean savait que distraire est la première chose que doit faire un film destiné à une large audience, et il a plus d’une fois montré comment s’y prendre. Ses personnages étaient des héros d’une stature immortelle. Je pense qu’il y a aujourd’hui un retour à ce type de cinéma, même à notre époque où le loisir est une industrie géante et où toute une génération a été nourrie par la télévision, les jeux vidéos et internet » déclare le réalisateur.  Gladiator est un grand film épique, un magnifique péplum (malgré un scénario assez convenu) qui rencontre un phénoménal succès : plus de 180 millions de recettes aux Etats-Unis et il est en tête des box-offices du monde entier. Le cinéaste rencontre sur ce film celui qui deviendra son acteur fétiche, Russell Crowe (lauréat d’un Oscar pour sa formidable interprétation).

 

Fier de ce succès mondial, Ridley Scott va enchainer les films : Hannibal, la suite grotesque et  médiocre du Silence des Agneaux, que Scott réalise à la demande du producteur italien Dino De Laurentiis : « J’ai eu la chance de travailler avec les plus grands, Fellini, Bergman, Milos Forman et beaucoup d’autres. Ridley est un génie, de ceux qui transcendent le scénario par la force de leur écriture, en utilisant un vrai langage cinématographique. Il y a deux façons de faire un film : transposer image par image le déroulement et les indications du script ou faire preuve de créativité. Ridley est très créatif ». 

Le cinéaste décide de s’associer avec Jerry Bruckheimer pour un film de guerre formidable La chute du faucon noir. Prenant pour cadre l’attaque américaine à Mogadiscio en Somalie le 3 octobre 1993, le film relate le fiasco de l’ONU, échec qui s’évalue à la perte de quelques dizaines de soldats sur le champ de bataille. Spectaculaire, formidablement mis en scène, La chute du faucon noir est une vraie réussite, artistique et commerciale. Les Associés avec Nicolas Cage permet au réalisateur de s’essayer au film d’arnaque et de revenir à une production de plus petite envergure. Le film connait un succès critique mais ne marche pas au box-office (37 millions de dollars aux Etats-Unis).

 

 

Avec Kingdom of Heaven, Ridley Scott revient à un cinéma épique et il offre à Orlando Blum le rôle principal : « Lorsqu'il a fallu choisir quel acteur pourrait interpréter le rôle de Balian dans Kingdom of heaven, j'ai avancé le nom d'Orlando Bloom. D'ordinaire, on ne remet que très rarement mes choix en question mais pour ce film au budget conséquent, le studio a émit quelques réserves et Orlando ainsi que deux autres acteurs ont dû faire un bout d'essai ». Ce nouveau péplum (sur les Croisades) délivre un joli message contemporain sur la coexistence religieuse. Malheureusement, le scénario est trop haché et le comédien vraiment pas très crédible font de ce long-métrage une œuvre inégale.

 

Ridley Scott retrouve Russell Crowe pour un nouveau péplum ? Non, les deux hommes s’associent pour une comédie romantique (épouvantable) se déroulant en France intitulée Une grande année (mais pas un grand succès car le film sera massacré par la critique et ne récoltera que 7 millions de dollars aux Etats-Unis). Conscient qu’il lui faut un nouveau succès commercial, il s’attaque cette fois au film de gangsters avec American gangster, fondé sur l'histoire vraie de Frank Lucas, un baron de la drogue. Renouant avec Russell Crowe dans le rôle d’un flic incorruptible et bénéficiant de la présence charismatique de Denzel Washington en truand, le long-métrage  est plutôt efficace, à condition de lui pardonner ses nombreux empreints à L’année du dragon de Michael Cimino (voir le passage chez le dealer asiatique par exemple).

Mensonges d’Etat est un film d’espionnage avec Leonardo DiCaprio et (encore) Russell Crowe. Un sujet intéressant, de solides acteurs mais le film est finalement une déception. Aujourd’hui, Ridley Scott revient avec Robin des bois à un genre qu’il affectionne: le film d’aventure, le film épique. Espérons un résultat plus proche de Gladiator que de Kingdom of heaven. Ses projets ? La préquelle de son film culte Alien, Tripoli un nouveau film épique et même l’adaptation du jeu Monopoly !

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