Deauville Asie 2008 : Compte-rendu et Palmarès

Vincent Julé | 17 mars 2008
Vincent Julé | 17 mars 2008

Comme toujours à la fin d'un festival, il faut faire les comptes - et aussi en rendre ! Donc, pour cette édition 2008 du festival du film asiatique de Deauville, il y a eu 10 bougies, 5 hommages, 50 films présentés sur 3 catégories (Compétition, Panorama, Action Asia), 22 vus à deux (Vincent Julé et Lucille Bellan) dont 9 ensemble... des déceptions (Exodus, Coq de combat), des tortures (Opapatika, Opapatika et Opapatika), des rendez-vous manqués (Black Belt, Blood Brothers) des surprises (Fujian Blue, Flower in the pocket), des confirmations (Ploy, Le soleil se lève aussi), des claques (Crows ZERO, Endless Night), un palmarès... et même des rencontres, non pas avec la disparue Sophie Marceau mais avec les bien tombées Mélanie Doutey et Vahina Giocante.

 

 

 

COMPETITION

 

Aux honneurs de la compétition, beaucoup de premiers films. La montée sur scène des cinéastes, à peine trentenaires et tout penauds, était d'ailleurs à chaque fois un joli moment. Mais c'est une cinéaste qui a ouvert le bal avec le taïwanais Keeping watch. Une boutique de montres familiale, la lunatique Ching et un mystérieux garçon qui serait un ancien camarade de lycée... mort depuis longtemps. De cette rencontre improbable, Fen Fen Cheng tire un conte cocasse et bucolique qui intrigue à travers ses effets visuels originaux, touche grâce à ses deux personnages naïfs et charmants mais finit par se perdre dans un suspense autour de la possible schizophrénie de Han (3/5). Beautiful, avec son héroïne si belle que tous les hommes l'abordent, l'appellent, la suivent et pour l'un la viole, pourrait être un film de Kim Ki-Duk. Il en est d'ailleurs le producteur et scénariste, ce qui explique sans doute le ton tragi-comique, avec une autodestruction radicale et un univers mâle, clownesque, pathétique (3,5/5). Il aurait dû d'ailleurs aussi s'occuper de Exodus au pitch imparable : un policier découvre, lors de l'interrogatoire d'un voyeur surpris dans les WC, l'existence d'un complot de femmes pour tuer tous les hommes. Sono Sion (Suicide Club) n'aurait pas été mal non plus. Mais Pang Ho-Cheung, qu'on a pourtant  bien aimé avec A.V., passe complètement à côté du sujet et de son potentiel, et se contente de suivre Simon Yam dans son appart de luxe, dans un terrain vague pas de luxe, dans son commissariat de luxe, dans un karaoké pas de luxe... et finit par une blague potache (1,5/5).

 

 

 

Retour aux sources, ou plutôt à la terre, le rural, agricole et chinois The Red Awn peint le portrait touchant des retrouvailles entre son père et son fils sur fond de course à l'industrialisation. Simple, limpide, minéral (3,5/5). Véritable poupée russo-chinoise, Fujian blue commence comme une chronique adolescente sur des jeunes en boîte de nuit, puis témoigne de la survie à travers les petits trafics avant de tirer un constat terrible sur les immigrés qui passent de Fujian en Angleterre. Trois segments a priori distincts mais qui s'imbriquent avec audace et naturel (4/5). Même principe et esprit avec Flower in the pocket, où le portrait de deux petits malaisiens livrés à eux-mêmes devient celui d'une famille puis d'un village. Enfantin, libertaire et universel (4/5). Mais l'enfant vedette du festival reste la petite Yu Yun-Mi âgée de 10 ans qui porte sur ses frêles épaules With a girl of black soil, où elle vit avec son frère handicapé et son père malade au milieu d'un village de mineurs proche de la destruction. Cela peut faire un peu beaucoup, et pourtant le film ne tombe jamais dans le misérabilisme. A travers le point de vue de la fillette, il se révèle même constructif,  riche (3,5/5). A l'inverse de Solos, sur la relation homosexuelle entre un prof et son élève, qui exprime toute son austérité à travers le muet, le noir et blanc et la danse contemporaine. Au moins, aura-t-il permis de casser les tabous et d'ouvrir le débat dans son pays d'origine, Singapour (1,5/5). Les deux reprises cannoises (Ploy et Funuke) ont confirmé tout le bien que l'on pensait d'eux, envoûtant et charismatique pour le premier, délirant et référentiel pour le second (4/5 x 2)

 

                     

 

PANORAMA

 

Du lourd dans le panorama, avec les derniers films de Im Kwon-teak et de Jiang Wen. Pour son 100e long-métrage, Beyond the years, le premier traverse littéralement les âges dans cette histoire d'amour entre un frère et une sœur sur fond de chant traditionnel coréen. Pas d'originalité, mais une facture - un instinct cinématographique - qui se déploie dans la mise en scène d'un cadrage ou d'une ellipse (3,5/5). Troisième long-métrage seulement pour l'acteur-réalisateur chinois de Le soleil se lève aussi, mais une folie narrative et visuel à faire pâlir le Emir Kusturica de Promets-moi. La comparaison est même réductrice, tant il croque avec poésie des personnages hallucinants, touchants et humains. Avec lui, et au passage Anthony Wong, la folie adoucit les mœurs et file sacrément la banane. Par contre, on ne peut pas en dire autant des petits nouveaux comme le philippin Alexi Tan et son Blood Brothers, qui sous la houlette de John Woo, refait Le Parrain et Le Syndicat du crime dans le Shanghai des années 30. C'est composé à outrance, tour à tour insupportable et amusant, mais avec Shu Qi (donc la moyenne et 2,5/5). La coréenne Kim Mee-Jeung connaît aussi le cinéma de genre, et n'hésite pas à passer de l'un à l'autre, du policier au fantastique en passant par la fresque dans Shadows in the palace. C'est complexe, bordélique voire incompréhensible sur la fin, mais aussi très méchant et très beau (2,5/5). Mais le vrai coup de cœur, ou plutôt au cœur, reste Endless night, qui derrière son affiche où une femme nue prend une douche, cache le film le plus fort, le plus fou, le plus vrai sur la question du viol. Ainsi, une femme confie face caméra ses souffrances vécues à l'âge de 15 ans, auxquelles répondent un éventail de personnages de tous horizons. De la réaction la plus directe, la plus crue, la plus intolérable à la réflexion la plus poussée sur la société, la famille et soi-même, se dessine ainsi un portrait lucide de la perte de soi et donc des autres. Faux documentaire et vraie fiction, un film intense et salvateur (4,5/5).

 

 

 

ACTION ASIA

 

Qui aurait pu croire que les plus mauvais films du festival auraient dû être les plus funs. Que le meilleur est une déception, que la curiosité une torture et que la claque vient d'une bonne connaissance. Ainsi, dans l'ordre, Coq de combat se révèle un pétard mouillé, un truc bricolé, mal foutu sans rage ni identité alors même qu'il est fidèle au manga, un comble (2/5). Vous pourrez vérifier par vous-même en DVD à partir du 5 juin. Ong-Bak, Born to fight, L'honneur du dragon... la Thaïlande se fout rarement de notre gueule quand il s'agit d'en mettre plein la vue, de faire sa démo de cascadeurs et de ramasser les blessés après. Sauf qu'Opapatika en est l'antithèse. Des pseudo mutants arrivent à un endroit la nuit, se foutent dessus à coup de gunfights dans l'obscurité et le non-sens le plus total, repartent... arrivent à un autre endroit, se font hacher vivants par le montage ou avaler par les noirs bouchés. Mais bon, le réalisateur cite Michael Bay et Tony Scott comme influences (1/5... ah, et Michael Mann aussi, merde !). Vous vous rappelez les vidéos de papa et maman lors de vos compétitions de karaté ou de judo, et bah, c'est Black Belt. Bon, mise à part la mauvaise foi, prendre des karatékas pros pour un film sans histoire, c'était peut-être pas une bonne idée. Certains appellent ça la pureté de l'esprit, d'autre le vide du cinéma (1,5/5).

 

 

Il y avait Lettres d'Iwo Jima de l'américain Clint Eatswood, voici maintenant Héros de guerre du chinois Feng Xiaogang. A priori, pas photo, sauf que le réalisateur du Banquet a du pognon, qu'il l'étale à l'écran, mais avec une putain de maîtrise. Ainsi, la première heure du film suit une petite unité de 47 hommes d'une scène de bataille à une autre. Et que dire d'autre, que ça défouraille sévère. Cadrages bluffant, rythme hallucinant, explosions à profusion... les yeux s'en souviennent, et pleurent de joie. Mais bon, maintenant, il va falloir payer le prix, à savoir une seconde partie à la gloire de la sainte patrie, de l'héroïsme ou plutôt du sacrifice. C'est pas non plus Hero, mais le dommage collatéral est là (3,5/5). Enfin, last but not least, l'uppercut de cette section bien aimée mais malmenée cette édition, est venu sans prévenir de notre ami Takashi Miike. Hein, on l'aime bien notre stakhanoviste, mais il n'est plus là pour étonner, juste pour faire ses cinq films pas an. Sauf que Crows ZERO est une réussite totale, la meilleure adaptation de manga à ce jour, l'esprit shônen des années 90 à l'état pur, l'incarnation parfaite de la série télé au cinéma et des bastons dantesques, jouissives mais aussi touchantes. Les filles avaient Kamikaze Girls, les garçons ont maintenant Crows Zero (4,5/5).

 

 

 

PALMARES

 

Lotus du meilleur film : With a girl of black soil de Jeon Soo-il (Corée de sud)

Lotus du jury : Wonderful Town de Aditya Assarat (Thaîalnde) et Flower in the pocket de Liew Seng Tat (Malaisie)

Prix de lea critique internationale : With a girl of black soil de Jeon Soo-il (Corée de sud)

Lotus Action Asia : Héros de guerre de Feng Xiaogang (Chine)

 

Les retrouvées de Deauville

      

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