Alan Moore - Moore Utopia

Patrice Louinet | 18 avril 2006
Patrice Louinet | 18 avril 2006

Alan Moore, l'une des plus importantes personnalités du monde des comic-books, est né le 18 novembre 1953 à Northampton en Angleterre. Il débute sa carrière à la fin des années soixante-dix, écrivant et illustrant un strip pour Sounds, un hebdomadaire musical. Se rendant rapidement compte qu'il n'est pas si doué que cela pour le dessin, il décide de se consacrer uniquement à l'écriture. Il débute peu après sa collaboration à 2000 AD, l'hebdomadaire phare de la bédé anglaise de science-fiction (où paraissait alors un certain Judge Dredd), y créant entre autre les séries D.R. and Quinch et The Ballad of Halo Jones.

Moore se fait vraiment remarquer en 1981 dans les pages de Warrior, magazine de bédé innovant et ambitieux, pour lequel il crée deux séries marquantes - Marvelman, bande de super-heros, et surtout V pour Vendetta - qui firent les beaux jours des 26 numéros que connut le magazine. Servie par les superbes dessins en noir et blanc de David Lloyd, l'histoire se veut une exploration de ce que Moore considère être les deux extrêmes de l'échiquier politique, le fascisme et l'anarchisme. Quelques années plus tard, Moore et Lloyd devaient confier à l'auteur de ces lignes qu'ils n'avaient alors aucune idée de l'identité réelle de V, et qu'ils s'en moquaient d'ailleurs royalement. La série remporte deux récompenses prestigieuses, mais reste inachevée suite à l'arrêt de la publication de Warrior.

DC Comics, célèbre éditeur Américain de comics (propriétaire de Superman et Batman entre autres) est suffisamment impressionné par le talent de Moore pour lui offrir un contrat et une série mensuelle : Swamp Thing (La Créature du marais). La série avait été crée en 1970 par Len Wein et Berni Wrightson ; après leur départ au bout de dix numéros, plus personne n'avait su vraiment quoi faire du personnage reléguant ses aventures au placard en attendant de meilleurs jours. Elle reparaît en 1982 avec la volonté évidente de profiter d'un regain de notoriété suite à la (pitoyable) adaptation cinématographique de Wes Craven. Lorsque Moore arrive sur la série, celle-ci est moribonde et son premier trait de génie est de commencer par l'autopsie du personnage, censé être mort. Au fil des pages, alors que Moore dissèque la créature - et son histoire par la même occasion - le lecteur se rend peu à peu compte que celle-ci n'a jamais été l'être humain qu'il s'imaginait être, mais une entité purement végétale. À partir de ce changement radical d'orientation, Moore se lance dans la confection d'histoires qui n'ont rien à voir avec ce que l'on a pu lire jusque là dans le monde des comics grand public (comprendre destinés majoritairement aux enfants et aux adolescents). Il y traite de thèmes jamais abordés, ni même simplement mentionnés, dans de telles publications, comme la sexualité, la prolifération des armes à feu, l'écologie, le racisme et même les règles menstruelles. Cette série particulièrement innovante se voit récompensée à diverses reprises et le Comic-book Price Guide fait entrer Moore dans son listing. Dans un monde dominé par l'image, on y reconnaissait pour la première fois que le nom de l'écrivain d'un comic-book pouvait avoir autant d'importance que celui du dessinateur aux yeux des collectionneurs.

En 1986, la parution de deux titres chez DC Comics va révolutionner le monde des comics. Le premier est le Dark Knight de Frank Miller, mettant en scène un Batman âgé de 50 ans ; le second est Watchmen (Les Gardiens), la série de Alan Moore et Dave Gibbons. Cette série aborde les super-héros sous un angle réaliste et fait de Moore une vedette : on a dit de Watchmen qu'il est le plus grand comic-book de tous les temps, et ce n'est peut-être pas faux. DC Comics réédite ensuite les épisodes de V for Vendetta parus dans Warrior ; Moore et Lloyd se réunissant alors pour donner une fin à leur récit. Peu après, Moore fait équipe avec son compatriote Brian Bolland pour The Killing Joke, sans doute le meilleur récit jamais produit sur le couple Batman/Joker.

 

DC Comics avait promis de rétrocéder à Moore et à Gibbons les droits de Watchmen dès que l'éditeur n'exploiterait plus la série. Il faut savoir qu'à cette époque, les comics n'étaient pas réedités sous forme brochée ou cartonnée après la parution initiale en fascicules, et se retrouvaient donc « épuisés » dès la fin de parution. Mais le succès de Dark Knight et de Watchmen va changer cette donne en attirant sans cesse de nouveaux lecteurs étrangers au monde des comic-books qui délaissent les fascicules originaux (recherchés des collectionneurs) au profit de rééditions en recueil. De fait, Watchmen est disponible à la vente depuis 1987 et est constamment réédité sans que pour autant les droits n'aient jamais été rétrocédés à Moore et a Gibbons. À la même époque, DC Comics tente d'imposer une signalétique sur ses publications (public adulte, tous publics, etc.), auquel Moore s'oppose farouchement. En réaction à ces deux affaires, Moore déclare que plus jamais il ne travaillera pour DC Comics et les grandes maisons d'éditions américaines, et se tourne vers les éditeurs indépendants.

 

Moore tient parole, mais de ses nombreux projets des années suivantes, beaucoup restent inachevés ou non recueillis en volumes. Seul From Hell, une exploration fouillée des crimes de Jack l'Eventreur est un succès critique et commercial. Moore débute ensuite une collaboration avec Image Comics, une nouvelle firme fondée par des auteurs de comics, et qui tente, brièvement, de rivaliser avec les géants Marvel et DC Comics. Plus récemment, Moore rejoint Wildstorm Studios, pour lequel il crée son propre label, ABC Comics. Supervisant l'ensemble de la ligne éditoriale, Moore y crée de nombreuses séries parmi lesquelles on citera The League of Extraordinary Gentlemen (La Ligue des Gentlement Extraordinaires), Promethea, Tomorrow Stories et Tom Strong. À nouveau, Moore est récompensé par la critique, notamment par les prestigieux prix Harvey et Eisner.

 

Les œoeuvres de Moore ont bien sûr attiré l'attention de Hollywood depuis l'époque des Watchmen mais le moins que l'on puisse dire, c'est que les résultats ne sont pas probants : le film de Terry Gilliam ne s'est jamais fait (mais on nous promet toujours une adaptation imminente...). From Hell et La Ligue des Gentlemen Extraordinaires sont des films embarrassants au vu du matériau dont ils sont sensés s'inspirer. Quant à V pour Vendetta, Moore a demandé à ce que son nom soit retiré du générique et a fait cadeau de ses droits sur le film à son illustrateur David Lloyd...

 

Lorsque Wildstorm Studios est racheté par le géant DC Comics il y a quelques mois, Moore se retrouve donc en train de travailler pour DC Comics, mais contre son gré. En partie à cause de ce nouvel état de fait, fatigué du monde des comics, et désirant donner une nouvelle impulsion à sa vie (Moore fête alors ses 50 ans), il décide d'arrêter de travailler pour Wildstorm, et laisse ses séries entre les mains d'autres créateurs. Âgé de 52 ans, Moore vit toujours à Northampton, en Angleterre. Il a cessé d'écrire des comics pour écrire des livres et pour pouvoir devenir magicien à plein temps.

Tout savoir sur V pour Vendetta

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