Le S.O.S. Fantômes version trash et débile que vous avez honte d’aimer (mais faut pas)

Pas toujours considéré à la hauteur des classiques de son réalisateur, Evolution peut pourtant miser sur son casting imparable, David Duchovny, Julianne Moore ou Seann William Scott en tête, et son humour gentiment régressif pour continuer à tirer son épingle du jeu.

Lorsque l'on pense à Ivan Reitman et à sa filmographie, difficile de ne pas mentionner immédiatement les quelques classiques ayant émaillé l'enfance de certains, qui ont toujours bien du mal à s'en détacher. En effet, les S.O.S. Fantômes, Jumeaux ou encore Un flic à la maternelle bénéficient, parfois en dépit de leurs qualités intrinsèques, d'un capital nostalgie incontestable.

Sorti au coeur d'une époque moins fantasmée et malheureusement auréolé d'un statut d'échec commercial retentissant, Evolution n'a pas vraiment imprimé la mémoire collective, et c'est le moins que l'on puisse dire. Pourtant, la comédie SF gentiment graveleuse de Reitman n'est pas dénuée de qualités, qui la placent souvent au niveau des succès reconnus de son réalisateur.

C'est pas Backdraft, mais presque.

La SF c'est sérieux

Evolution partait d'assez loin. En tout cas, le film était promis à une carrière bien éloignée du territoire absurde sur lequel le résultat final s'aventure. Écrit par Don Jakoby (notamment scénariste de Lifeforce ou du mal-aimé Vampires de John Carpenter), le script original du long-métrage lorgne largement vers le thriller fantastique à la tonalité plutôt dramatique. Richard Donner, Sam Raimi, Robert Zemeckis ou même Steven Spielberg sont un temps rattachés au projet. C'est finalement Reitman qui décroche la timbale, et sous son impulsion, Evolution change totalement de braquet.

Le réalisateur, assez peu emballé à l'idée de diriger un métrage à la tonalité si sérieuse, fait en effet appel aux scénaristes David Diamond et David Weissman (coauteurs de Family Man), pour procéder à un remaniement d'envergure. L'objectif : faire d'Evolution une comédie d'action assez légère, sans renier pour autant sa volonté de crédibilité. Plutôt emballé par cette nouvelle direction, Don Jakoby reste crédité et apporte son aide aux deux auteurs.

On fait une croix sur la portée dramatique, en effet.

Après réécriture, Evolution centre donc son intrigue autour du crash d'un étrange météore, survenu en plein désert de l'Arizona. Problème, l'OVNI ramène avec lui de mystérieuses entités extraterrestres à la croissance incontrôlable. Passés de larves innocentes à créatures primitives et sanguinaires en quelques jours, les visiteurs indésirables sont sur le point d'envahir la terre. 

Une suite d'évènements impromptus poussent une véritable équipe de bras cassés à s'affirmer en tant que dernier rempart de l'humanité. Pêle-mêle, on y trouve le professeur Ira Kane et son sombre passé de déclencheur de diarrhées infernales (oui oui), son collègue du département de géologie Harry Block, le docteur Allison Reed et l'aspirant pompier plus maladroit qu'héroïque Wayne Grey.

Le dernier espoir de l'humanité.

I want to believe

Par un improbable miracle, c'est dans l'équilibre de son casting, diablement impliqué, qu'Evolution se montre immédiatement convaincant. Car la phase d'attribution des rôles du film s'apparente finalement à un grand jeu de chaises musicales. Après avoir envisagé Bruce Willis, Charlie Sheen ou Kevin Costner, la production confie le rôle de Kane à David Duchovny, et force est de constater que le choix s'avère payant chaque minute de métrage.

Constamment sur une ligne délicate entre sérieux improbable et cynisme approprié, Duchovny (qui a tout de même refusé un rôle dans Star Wars : Episode II - L'Attaque des clones pour privilégier le film de Reitman) s'amuse comme jamais, dans la droite lignée d'une version grotesque de son légendaire personnage de Fox Mulder (il croit encore, et c'est toujours bien le seul). Peut-être regretterons-nous parfois les gesticulations abusives du comic relief Orlando Jones, bien moins nuancé que ses acolytes, même si certaines séquences, comme celle du moustique, raviront les amateurs de l'humour le plus primitif.

Un peu lourd, mais on l'aime quand même.

Julianne Moore excelle quant à elle dans son rôle de scientifique à l'apparence glaciale, sans cesse contrebalancée par une maladresse quasiment surnaturelle (une idée de l'actrice, qui fait largement mouche). Enfin, Seann William Scott, en sortie d'American Pie et de Road Trip, ne surprend personne, mais continue de convaincre dans sa (déjà) éternelle interprétation du gentil simplet (qu'il tordra tout de même brillamment dans le Southland Tales de Richard Kelly, vous connaissez ?).

Il est assez simple de repérer ici ce qui représente probablement la plus grande qualité d'Ivan Reitman : sa fonction de directeur d'acteurs, et plus particulièrement dans le registre de la comédie. Comme dans S.O.S Fantômes et sa distribution estampillée SNL, le réalisateur laisse libre cours à ses interprètes et à leurs propres décisions et improvisations. Résultat : une troupe largement à l'aise dans sa zone de confort, et une bonne humeur communicative, même dans les instants les plus grotesques.

Sympathique sortie scolaire.

Shampoing final

Qui plus est, Evolution ne se contente pas d'être une simple comédie à tendance lubrique (oui, vous verrez), mais assure également une bonne tenue de ses ambitions esthétiques. Un peu perdu entre la fin de l'âge d'or des animatroniques et la montée — encore balbutiante — du tout numérique, le film ne brille pas nécessairement par la régularité de ses effets visuels, mais parvient à plusieurs reprises à présenter des antagonistes au design tout à fait acceptable.

Quoi qu'il en soit, il est très agréable de constater que le film use d'une méthodologie classique, mais efficace, soit assurer l'essentiel avec son tempo comique tout en s'assurant une certaine crédibilité visuelle, qui ne détache jamais le spectateur du film. D'ailleurs, Evolution ne se prive pas de conserver une volonté de sérieux dans le traitement de son sujet central, en basant son propos sur des théories scientifiques fondées (évidemment tournées en dérision). Probablement un reliquat bienvenu du scénario original de Jakoby.

Boss final.

Enfin, impossible de ne pas mentionner le dernier tiers du film en forme d'apothéose grotesque, reniant toute forme de bienséance pour donner lieu à un festival de shampouinage sponsorisé au travers d'orifices extraterrestres divers et variés. Si vous en êtes encore au stade anal, vous en aurez pour votre argent, en prime d'assister à l'un des placements de produits les plus osés jamais vus, rien que ça.

Finalement, on ne peut que regretter que l'échec (essentiellement au niveau domestique) d'Evolution ait privé le film de la place qu'il méritait dans la filmographie d'Ivan Reitman. Et pourtant, aussi bien grâce à sa réussite comique que sa teneur visuelle largement tolérable, le long-métrage n'a certainement rien à envier à certains des grands succès du réalisateur. Comme beaucoup de films un peu bousculés à leur sortie, Evolution trouvera quand même une seconde vie au travers de l'appréciation d'un certain public et du marché vidéo (et aussi de son adaptation en série animée). De notre côté, on reste assez enthousiastes.