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Bourbon Kid – Santa Mondega : retour sur une saga littéraire entre Tarantino et Dobermann

Par Simon Riaux
10 septembre 2021
MAJ : 21 mai 2024
14 commentaires

Le Bourbon Kid est de retour en librairie, et il compte bien laisser derrière une collection de douilles et de corps transformés en gruyère.

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Depuis plus de 10 ans, un anti-héros un peu à part sévit sur le papier, édité par Sonatine. Il s’agit du Bourbon Kid, dont les aventures, à l’occasion de la sortie d’un nouveau tome, vont une nouvelle fois laisser dans son sillage des piles de douilles fumantes et de corps calcinés.

Quand est paru Le Livre sans nom en 2010, on était loin d’imaginer l’ampleur du phénomène qui débutait. A vrai dire, on n’était pas loin d’y voir un coup d’édition aussi épais qu’un tronc de séquoia. Un auteur anonyme, revendiquant crânement comme pseudonyme de baptême « Anonyme ». Des ambitions issues du pulp, du polar, du fantastique et de tout ce que la littérature anglo-saxonne compte de serials parfumés à la poudre. Un univers entre Texas, Mexique, fantasmes de rades miteux et de désert calciné.

On aurait pu se croire dans un mauvais rêve de Robert Rodriguez, mais il n’en fut rien. Avec Le Livre sans Nom, s’ouvrait une saga particulièrement généreuse, d’une efficacité réjouissante, et dont les grandes qualités brassent bien au-delà de ce premier cercle de références.

 

photoLe massacre initial 

 

IL NEIGE SUR SANTA MONDEGA

Ce n’est pas n’importe qui, le Bourbon Kid. Tueur en série charismatique, il promène sa carcasse, en dispersant celle des autres. Depuis des années, il a posé ses frusques à Santa Mondega, où son arrivée a été plutôt remarquée. Porté sur les massacres (un peu) gratuits, réputé invulnérable dès qu’il ingère du bourbon, il passe dans un rade pas bien fameux, le Tapioca, une première soirée qui tournera au carnage pur et simple, dont Sanchez, propriétaire des lieux, sera un des seuls à sortir vaguement indemne. 

Et comme Santa Mondega se trouve être l’endroit le plus dangereux de la galaxie, où se pressent sociopathes, assassins, démons, envoyés divins, tueurs à gages et émissaires diaboliques, tout le monde ne tarde pas à s’enticher de celui qu’on surnomme instantanément le Bourbon Kid. S’enticher, ou le choisir pour cible. Et… C’est à peu près tout. Dès son tome initial, la patte de la saga est posée, et elle ne variera quasiment plus jusqu’à aujourd’hui. Plus que le détail de son intrigue, qui revient toujours plus ou moins à confronter nos héros aux gueules cassées et gâchettes énervées à des hordes de soiffards trucideurs, c’est sa mythologie branque qu’Anonyme enrichit, et le portrait en creux de chacun de ses protagonistes.

Au cours des huit tomes édités par Sonatine, le Bourbon Kid aura plombé quantité de vampires, de loups garous, de curés siphonnés, avant de s’attaquer à de très gros morceaux. Parmi eux, le pape, l’esprit de Caïn, des ninjas et Dracula. Une tempête de duels, poursuites et autres joutes verbales étalées dans le temps, ces affrontements, comme les différents tomes, s’amusant à jouer de la chronologie, pour dévoiler leur héros à différents stades de son existence.

 

photoUn dernier pour la route

 

L’ensemble pourrait n’être que bêtement répétitif, mais ce festival de viande humaine dézinguée à bout portant jouit au contraire d’une écriture formidablement roborative. Certains commentateurs virent dans les premiers chapitres de la saga littéraire la marque du fameux Quentin Tarantino. Il y avait quelque chose de logique tant les passerelles entre ce fantasme de série B rutilante et les univers du réalisateur de Pulp Fiction semblent nombreuses. En apparence seulement.

Tout d’abord, Tarantino n’a jamais été grand amateur de surnaturel, et certainement pas de la formidable veine cartoonesque dans laquelle Anonyme insère les grands duels remportés par le Bourbon Kid. De plus, le cinéaste, s’il a puisé inspiration et matière première dans le cinéma de série B ou d’exploitation, n’a jamais eu en tête d’en fabriquer lui-même. Plutôt de replonger dans le terreau de son imaginaire pour le sublimer et en tirer quelque chose de neuf. Les ouvrages qui nous intéressent, eux, s’ils baignent dans un style qui claque et offre beaucoup de superbe à leurs rebondissements, assument parfaitement de baigner dans le jus de la vieille pellicule et le sang séché.

Jamais aucun des ouvrages ne tente de se faire passer pour ce qu’il ne serait pas. Et si le Bourbon Kid finit par faire roter ses dents à un certain Mozart, après que ce dernier a été kidnappé par Elvis (ce sont des choses qui arrivent), le style demeure toujours merveilleusement simple et direct. Venons-en donc au dernier ouvrage en date de la saga, sobrement intitulé Santa Mondega, paru le 9 septembre 2021.

 photoUne gueule de porte bonheur  

CHIENNE DE VIE

Après avoir défait Dracula, le Bourbon Kid n’est plus en odeur de sainteté auprès du Diable, qui s’allie avec la Mort pour le dessouder. Tandis qu’une tempête de neige absurde s’abat sur le terrain de jeu du Bourbon Kid, les forces du mal lancent une traque d’une ampleur inédite pour lui faire manger les pissenlits par la racine.

Voilà pour le point de départ de ce neuvième tome, qui plus qu’aucun autre, met en valeur une des grandes qualité d’écriture de la série. Il n’est pas aisé de tenir des centaines de pages en narrant les méfaits sympathiques d’un assassin mystérieux aux capacités pour le moins floues. Et encore moins de générer chez le lecteur empathie et affect pour un protagoniste finalement si peu tangible. Anonyme s’en sort – brillamment – en faisant une nouvelle fois de son anti-héros une toile de fond, plutôt qu’un véritable meneur.

Santa Mondega est une œuvre chorale, dont les seconds couteaux sont toujours les plus affûtés. Et c’est bien dans la folie douce de ses proches, dans la passion de ceux qui l’aiment et dans les rages carabinées de ceux qui ont juré sa perte, que se dessine le plus puissamment la figure de notre protagoniste. Cette impression de dérobade, ou d’investigation perpétuelle, comme s’il demeurait un ange exterminateur insaisissable, aura rarement été aussi affirmée que dans Santa Mondega, qui explore les moindres recoins de ce monde toujours sur le point de sombrer dans la folie pure.

 

Photo, Antonio Banderas, Salma HayekComme un air de famille

 

Mais des toilettes du Tapioca, en passant par la mairie de cette dangereuse localité, jusque dans les arcanes d’un Purgatoire aux airs de vieux cimetière déglingué, c’est une parenté inattendue qui se dessine. Avec sa galerie de tarés hauts en couleurs, ses gangs de fous furieux se bastonnant à qui mieux-mieux, on pense souvent à la saga littéraire, bien française celle-ci, imaginée par Joel Houssin au début des années 80. Cette propension au massacre cinéphile, trempé dans un bain acide de culture pop a des airs de cousin lointain du Dobermann de Jan Kounen.

Et ce n’est pas ce dernier tome qui inversera la tendance. Plus enragé que jamais, le roman publié le 9 septembre par Sonatine déploie une nouvelle fois tout le savoir-faire d’un certain Anonyme.

Ceci est un article publié dans le cadre d’un partenariat. Mais c’est quoi un partenariat Ecran Large ?

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JR

Tiens, intéressant.

Kelso

Excellente série de romans, ça fait quelques années que j’ai découvert le premier tome « Le livre sans nom » j’ai directement adoré depuis je n’ai pas lâché cette saga que je conseille a 200%, les 4 premiers tomes son les meilleurs d’après moi, mais les suivants sont très bon aussi, un peu déçu par l’avant dernier intitulé « Bourbon kid » car malgré une bonne histoire l’humour était vraiment trop « pipi caca », je n’ai pas encore lu le dernier qui vient de sortir car j’achète en poche, mais je le prendrais évidemment. N’hésitez pas a commencer ces romans si vous aimez l’humour noir, le trash, l’hémoglobine, les vampires, les zombies, les loups-garous, etc… Vous allez adorer Sanchez, Elvis, Rodeo Rex, Bourbon Kid, Jasmine, etc etc
A lire dans l’ordre évidemment, car les histoires se suivent, seul « Psycho killer » est un peu à part mais rejoins l’histoire principale ensuite.
J’attend toujours l’adaptation au cinéma ou en série, il en était question il y a 2 ou 3 ans puis plus aucune nouvelle.

sylvinception

Je confirme, série assez géniale dans son genre.

Loulou 48

J avais lu le 1er v était pas mal…du coup on sait qui l a écrit ?

Olivier666

Bizarrement, j’adore cette saga, mais mon préféré, c’est Psycho Killer qui est à part.