Quiconque a déjà assisté à une diffusion du Barbarella de Roger Vadim peut attester de la folie kitsch qui s'y niche, aux côtés d'un érotisme ravageur principalement causé par les charmes de l'incroyable Jane Fonda. Improbable litanie poétique à la gloire du surréalisme des années 1960, le long-métrage n'est pas culte pour rien. Mais comment un tel projet a-t-il pu voir le jour ? Ecran Large enfile son costume spatiomamaire et vous emmène dans les coulisses de cette aventure sensorielle.
Dino le danger diabolique
Difficile de retracer l'itinéraire de Barbarella pour qui ne s'est pas muni par le passé d'une dizaine d'ouvrages généralistes sur les années 1960 ou de plusieurs biographies qui se recoupent en quelques points, si on ne compte pas l'ouvrage Barbarella - Une Space Oddity de Véronique Bergen, s'attardant plus spécifiquement sur le personnage. Le dernier Blu-ray français propose certes une très belle copie du film, mais pêche cruellement par son manque de bonus, de commentaire ou de quoi que ce soit qui pourrait nous renseigner sur sa genèse.
Il faudra se contenter de plusieurs entretiens d'époque, quelques analyses trainant sur le web et deux documentaires disponibles sur OCS : le gargantuesque Jane Fonda in Five Acts produit par HBO et le plus modeste Jane Fonda, une femme passionnée et passionnante.
Que des monuments érigés à la gloire de la vedette, promue en sex-symbol grâce à Barbarella et donc généralement la référence commune des récits recensés. Et pourtant, c'est un autre monstre du cinéma qui est à l'origine du projet : Dino De Laurentiis, nabab hollywoodien connu comme le loup blanc, et responsable des deux plus grandes expériences visuelles pop de l'époque.
L'assaut de Sogo, plus guerrier dans la BD
Pendant les années 1960, le producteur récupère les droits d'une bande dessinée, célébrée comme le premier vrai comic book érotique, écrite par Jean-Claude Forest. Du pain béni pour cet homme d'affaires avisé, très au courant des deux passions de son public : le sexe et la science-fiction. Barbarella n'est donc pas le seul film du genre à être produit. Selon un ouvrage intitulé Diabolika: Supercriminals, Superheroes and the Comic Book Universe in Italian Cinema dont nous n'avons pu lire que des comptes-rendus, le businessman aurait accepté de financer le Danger: Diabolik ! de Mario Bava pour aider la production du long-métrage.
Rien de bien étonnant là-dedans, l'Italien étant connu pour s'accommoder de n'importe quel budget, tandis que l'adaptation olé olé demande un peu plus de moyens. L'époque est à la rêverie pop, libérée et légère, où les décors fantasmagoriques peuvent illuminer les écrans du monde entier. Une période à part, qui profite de ces derniers instants d'insouciance avant le big bang / big crunch 2001 : l'odyssée de l'espace, révolution technique et technologique qui ouvre la même année une autre ère de science-fiction, une ère sans frou-frou mais avec un certain goût du progrès.
Les oeuvres de Bava et Vadim partagent bien des choses. Si ce dernier n'a pas le génie visuel de son collègue, il plonge lui aussi avec délice dans une sorte de réalité alternative pop, reproduisant grâce au cadrage, aux costumes (parfois confectionnés par Paco Rabanne) et aux décors démentiels (directement fabriqués par Forest) une esthétique de la bande dessinée, sans se soucier de la passer à la moulinette du faux réalisme cinématographique. Dans Barbarella, même l'espace est multicolore.
Danger : Diabolik !, une savoureuse parodie de James Bond
Vadim dit à Jane de fondre, et Jane Fonda
La préproduction est relativement longue, avec un bal de scénaristes engagés, insufflant tous des éléments différents dans le film, d'où cette impression de patchwork narratif et l'aspect très schématique des aventures de la belle. Finalement, ils seront sept à être crédités à l'écriture, menés par Terry Southern, un véritable fauteur de trouble cinématographique puisqu'il est derrière Easy Rider et Dr Folamour. Mais qui regarde Barbarella pour le scénario ? Tourné à Rome, comme la plupart des productions de Laurentiis, le long-métrage est une pure création de studio et surtout une charge érotique kitsch particulièrement savoureuse, mettant en scène une vision de la sexualité issue d'un futur imaginé par des artistes des années 1960.
Et qui de mieux pour l'incarner que Jane Fonda, épouse du metteur en scène français Roger Vadim, symbole d'une honnêteté militante qui a traversé les mouvements sociaux des années 1960 ? Au début de la décennie, la comptabilité n'est pas si évidente. Élevée dans l'ombre de son père Henry Fonda, dont elle assume avoir tiré sa célébrité dans un entretien à Wired, l'actrice était venue en France pour goûter les joies de la nouvelle vague, minée par un manque de confiance en elle.
À l'époque, la comédienne est vue et se voit comme une "girl next door" dont la carrière commence à s'envoler. Elle n'est pas du tout la première candidate pour jouer le personnage, inspiré dans la bande dessinée par Brigitte Bardot. Or, Vadim avait également été l'époux de l'égérie. Elle et plusieurs autres actrices célèbres sont donc démarchées, comme Sophia Loren. Beaucoup d'appelées, peu d'élues : le rôle n'est assurément pas facile. De Laurentiis songe alors à Fonda, à qui il envoie la bande dessinée. Et elle aussi se détourne du projet, avouant ne pas s'identifier à cette aventurière dénudée.
Dans le documentaire HBO, Fonda avoue qu'elle attendait de Vadim, figure du libertinage des années 1950 et 1960, qu'il participe à son émancipation : "Je voulais qu'il m'aide à devenir une femme" . C'est lui, à la fois fan de science-fiction et du sex-appeal de son épouse, qui la convainc. C'est aussi lui qui veut débuter le film avec un "strip-tease de l'espace", séquence devenue culte pour son audace (en se débarrassant de sa tenue spatiale pour exhiber sa nudité, Barbarella ramène violemment l'érotisme de la science-fiction sur le devant de la scène).
Pour simuler la gravité, le metteur en scène retourne son décor, le recouvre d'une vitre transparente, laisse son actrice s'étendre dessus. Simple, efficace, et extrêmement sexy, surtout avec le célèbre thème musical, qui hantera bien des rêves humides.
Comment une femme aussi timide a-t-elle pu sauter dans le grand bain d'un érotisme aussi frontal ? Facile. "J'étais soûle. J'ai bu tellement de Vodka. C'était terrifiant." L'histoire ne s'arrête pas là. Le lendemain, l'équipe se rend compte qu'une chauve-souris a ruiné la prise. Et c'est reparti pour un tour. "Dans la prise finale, j'étais soûle, mais avec la gueule de bois !".
Des excès qui semblent parcourir tout le tournage, parfois impressionnant puisque plus de 200 costumes couvrant tout le corps sont produits, comme le spécifie un reportage d'époque. A priori, une majeure partie des scènes étaient tournées sous l'influence de l'alcool, une manière d'évacuer le stress selon Vadim. Une manière de rendre cet univers délirant encore plus lunaire selon les cinéphiles. Et en dépit de ce qu'on pourrait croire, l'expérience est tout sauf traumatisante pour l'actrice.
"Une façon bien trop poétique de mourir"
Avec du recul, elle reconnait qu'elle ne posait pas beaucoup de questions à ce moment. Le succès du film et le statut d'icône de son personnage ont cependant dû jouer un rôle dans son engagement politique et personnel, alors qu'elle s'initie au militantisme en France. D'ailleurs, quand on lui parle de cette période, elle assume son attachement au long-métrage, quelle considère amusant, mais pas sexy du tout. Déjà à l'époque, elle défendait la liberté sexuelle du personnage : "Un des plus grands sujets du cinéma, c'est l'amour. Mais l'amour ne se fait pas habillé, normalement."
La façon dont ce symbole absolu de la libération sexuelle des années 1960 a marqué la carrière et la personnalité de la comédienne a depuis inspiré nombre d'analyses féministes très intéressantes, résumant toute l'ambiguïté libertaire de cette période. C'est la véritable force de Barbarella.
Le célèbre et très commenté orgasmotron
Barbarella, Barbare est plus là
Difficile de retracer très précisément les résultats économiques du film, mais il est évident que le succès fut plutôt au rendez-vous. Doté d'un budget de 9 millions de dollars, il en a rapporté au moins 15,7 millions aux États-Unis. En Europe, il fonctionne également plutôt bien, en dépit des cris effarouchés des comités de censure et autres organismes de classification ou des critiques mitigées. Chez nous, il comptabilise 878 015 entrées.
Mais au-delà de son efficacité immédiate, le long-métrage est surtout devenu emblématique, symbole d'une époque et d'une frivolité teintées de nostalgie. L'imagerie développée se déploie particulièrement dans les univers musicaux, qui n'hésitent pas à se réapproprier la veine libertaire et sa patine pop. Des artistes en tête desquels le groupe Duran duran, dont le nom est une référence évidente au méchant du film, qui, dans un clip intitulé "Electric Barbarella" se vautre dans des décors de science-fiction kitsch tout en commentant l'image de la femme objet.
Nous devant chaque référence à Barbarella
Ils ne sont pas les seuls. Taper le mot-clé "Barbarella" dans le moteur de recherche de Youtube Music donne le tournis. Jorge Ben Jor, Clutch ou Billy Changer sont autant d'artistes qui exploitent le psychédélisme du long-métrage. La référence transparait même dans la musique mainstream actuelle, par exemple dans le clip Break Free d'Ariana Grande, qui parodie l'ouverture. Beaucoup de films se sont inspirés de ses costumes, comme Le Cinquième Elément selon un article du New-York Times de 1999, ou Austin Powers - L'Espion qui m'a tirée.
Plus généralement, l'oeuvre représente aujourd'hui toute la folie du flower power pop des années 1960, bien plus que Danger : Diabolik ! que sa singularité et sa folie ont réservé à la passion des cinéphiles. Mesuré dans sa démesure, Barbarella avait tout pour devenir culte, et ça n'a pas loupé.
Tant et si bien que les propositions de suites et autres déclinaisons ont abondé, et ce dès 1968. On parle en effet d'une suite prévue sous l'eau, mais finalement abandonnée, d'une suite tardive proposée en 1990 à Southern ou d'un reboot voulu par Vadim avec Sherilyn Fenn et Drew Barrymore.
Plus récemment, en 2007, Robert Rodriguez était à la tête d'un projet de remake, avec Rose McGowan dans le rôle-titre. Mais le film ne s'est pas fait pour des raisons budgétaires : 80 millions de dollars étaient nécessaires. Seul un studio allemand était prêt à mettre 70 millions sur la table pour un tournage au pays. Le réalisateur a jeté l'éponge. En 2013, c'est Nicolas Winding Refn qui voulait s'y coller, sous la forme d'une série qui adapterait plus la bande dessinée originale. L'idée est intéressante : l'histoire se serait déroulée en Asie et aurait été produite par Amazon Studios. Finalement, le cinéaste a préféré se consacrer à The Neon Demon.
Mais finalement, c'est Jane Fonda elle-même qui est la plus motivée. Au début des années 2010, quand la chaine HLN lui demande ce qui lui passe par la tête lorsqu'on lui rappelle ce titre, elle saute sur l'occasion : "J'aimerais le refaire en entier. On a fait quelques erreurs, ça aurait pu être un film fort et féministe". Le militantisme prend le dessus. Quelques mois plus tard, elle récidive au micro de Hero Complex, évoquant carrément une suite "J'ai un rêve : faire une suite à Barbarella. Pas un remake, une suite ! Écoutez, j'ai été culbutée par un ange aveugle, OK ? On va commencer par là." Nous, on signe direct, et on n'est pas les seuls.
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ah qu’il est bien hereux le Vadim d’avoir eu des actrices comme Jeanne Fonda ou Bardot,
je n’apprecie pas ces films, ce n’est pas ma Cam, mais il a de bons goûts pour les Top Actrices, a tel poitnn qu’elle furent ses amantes et ses futures epouses lol
Jane Fonda était magnifique à regarder mais pas suffisante pour éviter que je m endorme dans ce film…
Barbarella garde tes bottines
Et vient me dire une fois pour toute
Que tu m’aimes ou sinon
Je te renvoie à ta science fiction