Booksmart, Wild Rose... les films de 2019 à rattraper pour survivre au confinement

La Rédaction | 22 mars 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
La Rédaction | 22 mars 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Olivia Wilde, Robert Redford, Adam Driver, Jack London... tous ont participé à des films qui auraient mérité d'être plus vus et discutés en 2019. A l'heure du confinement généralisé dû à l'épidémie de coronavirus, c'est le moment de leur donner une nouvelle chance !

Chaque année, quantité de films passent à la trappe, et ne sont pas vus à temps - par l'équipe d'Ecran Large, ou le public. Chaque année, beaucoup d'entre eux sont redécouverts en vidéo, ou en VOD, quelques mois après, avec une conclusion : ils auraient mérité d'exister à leur sortie. Parce qu'il n'est jamais trop tard, et parce qu'il faut bien faire vivre le 7e Art loin des salles obscures, momentanément inaccessibles, voici donc une petite sélection de ces films qu'on aurait aimé voir et traiter avant, et qui méritent selon nous d'être remis sur le devant de la scène.

 

photo, Sissy Spacek, Robert RedfordAvoir la chance de le vivre en salles

 

BOOKSMART 

C'est léger, c'est intelligent, c'est drôle, c'est amer, c'est étonnant, c'est doux. C'est Booksmart, le premier très beau film d'Olivia Wilde, qui se place comme une réalisatrice à suivre avec ce teen movie très fin, centré sur deux amies qui se forcent à s'amuser comme jamais avant de quitter le lycée, après avoir réalisé que rester si sérieuses ne les avait pas spécialement avantagées.

Sous ses airs de petite comédie facile, il y a un film étonnamment subtil et riche, qui balaye quantité de clichés pour dessiner des personnages complexes, attachants, tour à tour hilarants et fragiles, tristes et lumineux. Beanie Feldstein (nommée aux Golden Globes) et Kaitlyn Dever (vue dans la série Netflix Unbelievable) sont excellentes, Billie Lourd est tordante. La mise en scène est soignée, offrant plusieurs très belles scènes. Sorti directement sur Netflix en France, Booksmart est l'un des plus épatants films du genre déouvert ces dernières années, et mérite d'être vu.

Ecran Large s'en mord les doigts de ne pas l'avoir vu à temps pour en parler à sa sortie, et fait donc amende honorable ici.

 

photo, Kaitlyn Dever, Beanie FeldsteinBeanie Feldstein et Kaitlyn Dever

  

APOLLO 11

Projeté dans certaines salles pendant seulement quatre jours, quelques semaines après le 50e anniversaire du premier pas de l'Homme sur la Lune, Apollo 11 de Todd Douglas Miller n'est pas qu'un simple documentaire. C'est une immersion fascinante à bord d'un voyage qui a bouleversé l'histoire de l'Humanité. 

Uniquement fabriqué à l'aide d'images d'archives et d'enregistrements audios laissés dans les sous-sol de la NASA, Apollo 11 retrace l'histoire de l'épopée spatiale d'une façon inédite avec une incroyable richesse. Le documentaire de Todd Douglas Miller ne s'embarrasse pas d'un narrateur ou d'images de reconstitution, mais offre une expérience pure et originale, avec de la tension et de l'émotion, qui fait prendre un peu plus conscience de la ferveur de l'époque, ainsi que des enjeux.

Grâce à un incroyable travail de restauration et de montage, Apollo 11 propose des images puissantes et mémorables, sublimées par le sound design et la musique de Matt Morton. Un incroyable témoignage de l'exploit accompli ce 20 juillet 1969 par Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins, mais également les hommes et femmes de la NASA.

 

photoMoins de 6 minutes avant le début de l'une des plus grandes aventures de l'Humanité

 

TERRA WILLY - PLANETE INCONNUE 

Avec les sorties événements de Toy Story 4Dragons 3 : Le Monde caché ou La Grande Aventure LEGO 2 cette année, beaucoup de films d'animation ont manqué de visibilité et sont complètement passés à la trappe. C'est le cas de Terra Willy – Planète inconnue réalisé par le cocréateur des As de la Jungle, le français Eric Tosti et TAT Productions. 

Si l'intrigue du film reste plutôt conventionnelle, avec le récit initiatique d'un jeune garçon livré à lui-même sur une planète étrangère tel un Robinson Crusoé, la technique, quant à elle, est irréprochable et se compare sans problème à celle des grosses productions hollywoodiennes.

Les premiers plans dans l'espace sont bluffants, mais ce n'est rien à côté de la beauté des paysages extraterrestres, extrêment variés et colorés avec une lumière soignée et une faune et une flore inventives qui semblent tout droit sorties de l'imaginaire d'un enfant, ce qui renforce la légèreté et la bonhomie du film. 

Terra Willy s'adresse essentiellement aux plus jeunes et risque de ne pas autant captiver les parents qui pourront toujours s'amuser à reconnaître les très nombreuses références aux grands classiques de science-fiction. Le tout accompagné par la voix d'Edouard Baer en petit robot très premier degré qui ne manque pas de nous décocher quelques sourires fait qu'en définitive, Terra Willy – Planète inconnue est un bon divertissement dont il serait très dommage de se priver. 

 

photoWilly et son Vendredi de ferraille 

 

THE OLD MAN AND THE GUN

Légende du 7e Art, Robert Redford a offert à l’excellent réalisateur David Lowery ses adieux à la caméra. C’est une sacrée pression qui pèse sur les épaules du réalisateur de A Ghost Story, mais il s’en sort avec un talent impressionnant, et une tendresse terrassante. Car Lowery sait qu’il ne raconte pas seulement l’histoire d’un vieux braqueur un peu charmeur sur les bords, mais a l’occasion d’embrasser tout un pan de l’histoire du cinéma et celle de son mythique interprète.

Ce vieux grigou voleur de banques, qui fait la rencontre d’une femme en s’enfuyant, renvoie évidemment au couple séminal du Nouvel Hollywood, Bonnie et Clyde, tandis que ce héros vieillissant, c’est bien sûr un écho de Robert Redford lui-même, loup de mer qui se sera promené des sommets d’Hollywood aux rivages du cinéma indépendant. Avec le plaisir de cinéma fétichiste qui est le sien, le metteur en scène fait dialoguer tous ces ingrédients, au gré d’un récit délicieux et mélancolique. L’ironie suprême tient dans le destin du métrage, accueilli par Amazon Prime, et finalement très peu vu par le public qui rêvait de découvrir son image organique et chaleureuse sur grand écran, à savoir les cinéphiles.

 

photo, Robert Redford, Sissy SpacekUn des duos les plus émouvants de l'année

 

LES OISEAUX DE PASSAGE

Avec le succès de séries comme Narcos, et d’un paquet de productions américaines, on a souvent l’impression que le narcotrafic concerne essentiellement des types ultra-violents en chemise multicolores, armés de moustaches à toute épreuve. Sauf que c’est un peu plus compliqué et riche que cela. C’est ce que démontre avec brio Les Oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra, en décortiquant les conséquences sur un petit village colombien du surgissement du trafic.

Nous suivons ainsi les différents membres d’une communauté, qui voient dans la montée en puissance de la marijuana une occasion de révolutionner le quotidien de leur petit village. Ce point de départ permet au film de détailler comment l’arrivée de la violence, la multiplication des échanges, vont pulvériser un corps social et ses traditions. Profondément dépaysant, plastiquement incroyable, le métrage est à mi-chemin entre réflexion mystique et thriller d’aventure, porté par des images d’une grande puissance. Comptant parmi les grosses claques du dernier Festival de Beaune, il doit être redécouvert en urgence.

 

afficheC'est autre chose que Narcos

 

MARTIN EDEN

Roman initiatique tragique, Martin Eden est probablement un des plus grands textes de Jack London, qui déplaçait alors la dimension épique de certains de ses textes vers une réflexion aussi profonde qu’implacable en direction de la lutte des classes. Tout en modifiant profondément des ingrédients importants de l’œuvre, Pietro Marcello en présente une relecture d’une immense intelligence, qui impressionne par sa sensibilité.

Assumant et revendiquant la charge politique de London, le réalisateur situe non plus son intrigue aux Etats-Unis, mais en Italie, où un aspirant écrivain lutte entre amour et combat politique. Ce qui frappe, c’est que sous une apparence extrêmement académique (photo léchée typique de la pellicule, hommages à Visconti et Bertolucci…), la narration, la manière dont le cadre saisit l’intensité d’une passion naissante puis la manière dont cette flamme menace tout ce qui l’entoure, composent un mélodrame très puissant.

Il faut dire que Pietro Marcello s’est bien entouré, et peut compter sur son couple de comédiens, Jessica Cressy et Luca Marinelli, pour donner corps à cette histoire d’amour, d’élevation et de déception. Malheureusement, face au Joker et à J’accuse de Roman Polanski, Martin Eden a été trop vite oublié du Festival de Venise.

 

afficheAmour, littérature, politique, les ingrédients d'une sacrée tragédie

 

THE REPORT

L'année 2019 était sans aucun doute celle de Adam Driver. Largement salué par le monde du cinéma pour sa prestation magistrale dans Marriage Story et estimé comme un des seuls points positifs de Star Wars : L'Ascension de Skywalker, l'acteur a également démontré son talent dans le thriller d'investigation d'Amazon : The Report.

Dans la droite lignée des films du genre du récent oscarisé Spotlight au classique Les Hommes du président en passant par le Pentagon Papers de Steven Spielberg, le film de Scott Z. Burns (scénariste fidèle de Steven Soderbergh qui est d'ailleurs producteur du film) s'attarde sur les coulisses du pouvoir et ici les méthodes de renseignements de la CIA après les attentats du 11 septembre 2001. Il suit donc les recherches et les conclusions du rapport de près de 7000 pages de la commission menée par l'assistant parlementaire Daniel Jones sous les directives de la députée démocrate Dianne Feinstein (Annette Bening) entre 2009 et 2014.

Pas facile de rendre attractive la vie lugubre, monotone et morne de Jones sur l'écran et pourtant, grâce à une écriture précise et percutante, Scott Z. Burns réussit à captiver. La dénonciation du recours systématique de la CIA à la torture pour obtenir des aveux des prisonniers suspectés de terrorisme glace le sang à travers ce huis clos étouffant aux lumières blafardes.

Avec en plus un casting parfait notamment composé de Maura TierneyTim Blake NelsonMichael C. Hall ou encore Jon HammThe Report s'impose comme un thriller d'investigation solide et alarmant sur tous les tableaux.

 

photo, Adam DriverAdam Driver, un des meilleurs acteurs de sa génération

 

WILD ROSE

Le drame de Wild Rose fut de sortir quelques mois seulement après A Star is Born, sans aucune chance de pouvoir faire jeu égal en termes de promotion. Une situation à ce point déséquilibrée que la campagne d’affichage n’hésita pas à proclamer, dans un geste un peu désespéré, combien le film de Tom Harper était supérieur à son concurrent. Et à bien y regarder, il n’y avait effectivement pas photo, tant ce modeste long-métrage pulvérise musicalement et émotionnellement son concurrent.

Wild Rose s’attache au parcours heurté de Rose-Lynn, écossaise fraîchement libérée de prison, prête à tout pour rejoindre Nashville et y percer comme chanteuse de country, quitte à abandonner ses deux enfants. Aucun doute, on tient là une recette type d’un certain cinéma social britannique, fait de contrastes, de ruptures de ton, de personnages hauts en couleurs et d’une rugosité qui n’écrase jamais une véritable chaleur humaine.

À cette équation bien connue, et ici parfaitement maîtrisée, le film ajoute deux ingrédients qui le hissent au-dessus du tout-venant : un portrait d’une immense sensibilité, et une performance d’actrice impressionnante. Rose-Lynn n’est ni pathétique, ni bonne, ni mauvaise, c’est un assemblage de contradictions joliment humain, écrit avec une finesse remarquable. Quant à Jessie Buckley, découverte notamment dans Jersey Affair et Chernobyl, l’excellence de son interprétation irradie littéralement à chaque image. Charismatique, touchante et vulnérable, elle explose aussi bien dans les séquences les plus sensibles, que lors de rodomontades spectaculaires.

 

affiche françaiseQuand la promo n'essaie même plus de faire oublier la concurrence

 

LE GANGSTER, LE FLIC ET L'ASSASSIN

Un criminel endurci et un policier à qui on ne la fait pas font alliance pour traquer un redoutable meurtrier. Avec ce genre de pitch, le cinéma coréen est capable de bousiller l’équivalent de la population d’un grand pays d’Amérique du Sud, tout en nous en mettant plein les mirettes. Et c’est précisément le programme de ce récit bien énervé, qui fut présenté en séance de minuit au Festival de Cannes 2019.

Devenue un rendez-vous annuel particulièrement attendu, cette projection accueille plus souvent qu’à son tour des petits bijoux brutaux venus de Corée du Sud, alliant immense rigueur cinématographique et relectures ambitieuses de genres extrêmement populaires. Parce que l’univers n’est pas toujours un lieu de justice, le film qui nous intéresse n’a pas bénéficié d’une visibilité comparable au Dernier train pour Busan, autre excellent film passé par cette case. Et il est temps de réparer cette injustice.

Carré, extrêmement nerveux, follement bien écrit et caractérisé, à mi-chemin entre film noir, délire d’actioner burné, et polar hard boiled, voilà un pur morceau de cinoche qui mérite d’être (re)découvert, et ravira violemment les cinéphiles traumatisés par J'ai rencontré le Diable ou A Bittersweet Life. Toujours désireux d'apporter une adrénaline affolante à son spectateur, le réalisateur Lee Won-tae prend un plaisir fou à réinterpréter quantité de stéréotypes et autres morceaux de bravoure des différents genres qu'il convoque. Pour tromper l'ennui du confinement, on n'a pas inventé mieux.

 

photoPan, dans les dents

 

TOUS LES DIEUX DU CIEL

On sait à quel point il est difficile pour les films de genre français de se frayer un chemin en salles. Dès que le sujet sort un peu des sentiers battus, les distributeurs et exploitants prennent peur. C'est dire à quel point Tous les dieux du ciel était difficile à vendre. Jugez plutôt : Simon est un trentenaire qui doit veiller sur sa soeur lourdement handicapée, au beau milieu de la campagne française. Il cherche alors à communiquer avec les extraterrestres pour l'aider dans cette tâche difficile.

Chapeau, donc, à la société To Be Continued, capable de sortir en salles un tel OVNI (c'est littéralement le mot), mélant habilement cinéma d'épouvante, drame social et science-fiction. Malheureusement, il s'agissait bien sûr d'une diffusion microscopique ne bénéficiant que de peu de copies, une situation forcément frustrante pour son réalisateur Quarxx, adaptant ici un court-métrage déjà bien osé.

 

photo, Melanie GaydosMelanie Gaydos, impressionnante

 

Porté par l'interprétation troublante de la mannequin Melanie Gaydos, le résultat brille par sa capacité à s'affranchir de toutes les contraintes, scénaristiques et surtout thématiques. Le tout s'articule autour de cette relation entre frère et soeur, relation qui explose les limites du malaise lors de séquences infusées d'un désespoir sourd. Jamais grandiloquente, l'oeuvre se contente de tutoyer les étoiles en restant les pieds sur terre, décalage essentiel et jusqu'au-boutiste. Quarxx n'hésite pas une seule seconde pour convoquer des ressorts cinématographiques qu'on pourrait juger inadaptés par rapport au genre assumé, notamment un recours au réalisme cru.

Tout se conçoit dans un entre-deux, entre le ciel et la terre, sources de frustrations d'une violence extraordinaire. C'est en figeant cette violence rarement vue sur grand ou petit écran que le cinéaste parvient à effleurer le métaphysique. Loin d'être prétentieux pour deux sous, il se limite à figurer avec une audace forcant le respect le rapport qu'entretient une humanité misérable à une autorité supérieure (les petits hommes verts, Dieu, quelle importance ?). La proposition ne manque pas de panache, et gagnerait à être plus connue.

Ça tombe bien, le film est désormais disponible dans une superbe édition Blu-ray et DVD grâce à Extralucid. Le confinement n'interdit pas les commandes en ligne.

 

affiche finale

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commentaires
zetagundam
22/03/2020 à 13:04

Dommage de pas avoir pu voir Apollo 11 au cinéma car l'expérience devait sûrement être formidable

Kyle reese
22/03/2020 à 11:10

Merci la redaction pour cette article de critiques de rattrapage de films passés plus ou moins inaperçus. Il en faut plus des articles comme ça pour me faire sortir de ma zone de confort cinématographique.

Je confirme pour le film Corée Le gangster le flic et l’assassin seul film du lot que j’ai déjà vu: purement jouissif !