Tout Guillermo Del Toro : Le Labyrinthe de Pan, magnum opus traumatique et acclamé

Lino Cassinat | 4 février 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Lino Cassinat | 4 février 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Si The Shape of Water alias La Forme de l'eau est pour beaucoup le grand film de Guillermo del Toro, qui lui offrira enfin le succès et la reconnaissance de Hollywood, l'occasion est trop belle pour ne pas revenir sur toute sa carrière.

D'ici la sortie de son dixième film, en salles le 21 février, Ecran Large revient chaque week-end sur ses précédentes oeuvres.

 

 

LE LABYRINTHE DE PAN, DE QUOI ÇA PARLE ?

En 1944, la guerre civile d’Espagne touche à sa fin, et il ne reste plus au camp fasciste qu'à s’occuper des derniers maquisards résistants. Dans ce contexte, Ofelia, petite fille qui croit au surnaturel, ainsi que sa mère enceinte, rejoignent le nouveau mari de cette dernière, le cruel et efficace capitaine Vidal, officier de l'armée franquiste en mission dans la campagne. En explorant les alentours de sa nouvelle maison, elle rencontre un faune, qui ne s'appelle pas Pan et n'est JAMAIS nommé (merci les traducteurs, sérieusement WTF ?) et qui lui apprend qu’elle est une princesse venue d’un autre monde, qu’elle pourra regagner si elle réussit trois épreuves avant la prochaine pleine lune. Si elle échoue, elle restera à jamais piégée dans ce monde mortel et inhumain...

 

 

EN COULISSES

Après deux adaptations de comics, Guillermo Del Toro décide de partir sur un projet personnel et sur lequel il aura le contrôle créatif. Plus de bras de fer avec un studio américain qui ne comprend rien à ce qu’il veut faire, le cinéaste est désormais son propre producteur avec quelques amis, dont Alfonso Cuaron. Tout comme L’Echine Du Diable lui a servi a oublier le calvaire Mimic, Le Labyrinthe De Pan est un exorcisme de Hellboy, qui fût une expérience douloureuse et un simple succès modéré au box-office.

La suite de l’histoire donnera raison à Guillermo Del Toro : son deuxième film sur la guerre d’Espagne est en effet un franc succès commercial avec 83 millions de dollars rapportés dans le monde pour seulement 19 millions investis. Mais surtout, c’est sa plus grande réussite critique (jusqu’à La Forme De L’Eau ?) : les reviews positives pleuvent et le public est également plus que laudatif. Le Labyrinthe De Pan reçoit également de nombreux prix partout dans le monde mais rate de peu les plus prestigieux.

Guillermo Del Toro a beau recevoir une standing ovation de 22 minutes à Cannes, son film repart bredouille de la compétition. Les Oscars seront à peine plus tendre et ne lui donneront que trois récompenses techniques, dont tout de même le très prestigieux Oscar de la meilleur photographie.

 

Photo Ivana Baquero

Ofelia, à qui rien ne sera épargné et dont les épreuves les plus dures l'attendent dans le monde réel...

 

POURQUOI C'EST TOUJOURS LE CHEF D'OEUVRE QUE TOUT LE MONDE ACCLAME

Oeuvre noire et pessimiste, Le Labyrinthe de Pan n'a rien d'une histoire de princesse pimbêche. C'est un conte de fées douloureux, amer et épineux, qui a quelques petites rides mais qui globalement reste encore aujourd’hui une œuvre puissante, rare et traumatisante. Si, comme d’habitude chez Del Toro, la direction artistique, les différents designs et costumes sont très réussis (notamment le faune mais surtout l’homme pâle, tellement ingénieux et glaçant qu’il vole presque la vedette), la raison principale de ce succès, c’est bien son duo de protagoniste-antagoniste. La première touche par sa volonté extrême de fuir une réalité qu’elle abhorre, et le second marque par sa cruauté froide, et encore le mot est faible.

 

Photo Sergi López

Croyez nous, ce type est une ordure de la pire espèce

 

Sergi Lopez, formidable acteur complètement sous employé, campe à la perfection un officier fasciste véritablement infect et violent que rien n’arrête, à tel point que sa simple présence dans le cadre créée une tension folle. Il suffit de le voir commettre son premier acte de violence envers deux fermiers avec un naturel et une logique saisissantes, comme si c’était un acte aussi normal que d’aller cherche du pain, pour se convaincre que le seul vrai monstre de cette histoire (morale ultime de Del Toro) est un humain. Cette violence culminera d’ailleurs pendant un âpre final simple et pourtant dévastateur, choquant, à la brutalité inouïe, dans un acte si rare au cinéma qu’il en est presque tabou, digne des contes de fées et des fables enfantines les plus noires des frères Grimm.

 

Photo Doug Jones

Un homme terriblement obèse qui aurait perdu toute sa graisse d'un coup, voilà l'idée simple derrière le profondément dérangeant homme pâle


Cela est d’autant plus marquant et unique que même 10 ans après, la simple présence de cet acte rarement étudié par le cinéma donne toute sa fraîcheur au film. Ajoutons à cela les trucages réels, permettant une animation toujours bluffante aujourd'hui (merci Doug Jones), le style toujours aussi efficace, sobre, discret et élégant de Del Torro et son inventivité foisonnante dans ses concepts surnaturels, et l'on peut immédiatement classer Le Labyrinthe De Pan comme une œuvre à part, au moins par son courage, qu'on l'aime ou non.

Alors, certes, il y a quelques petits écueils : on regrette ainsi certains effets de lumière un peu datés (bien que le Blu-Ray rattrape le coup à merveille), ou bien que les deux arcs narratifs (les épreuves d’Ofelia et la traque des résistants) ne communiquent pas plus entre eux, ou encore la présence anecdotique dans un film qui joue à fond la carte du tout réel de deux-trois effets numériques très vieillots (en gros les rares moments avec du feu). Mais tout cela est bien vite balayé par les immenses qualités de l’oeuvre, dont l'émotion est intacte. Et si vous n'êtes pas sensible à l'histoire et son protagoniste Ofelia, on insiste : juste pour l’inhumain capitaine Vidal, le merveilleux faune et le cauchemardesque homme pâle, Le Labyrinthe De Pan doit être vu.

 

 

 

Tout savoir sur Le labyrinthe de Pan

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.
Vous aimerez aussi
commentaires
Andarioch
24/07/2018 à 13:33

Un choc, pas moins!

Tugdual
13/02/2018 à 12:13

A montrer à tous enfant qu'on estime pouvoir le regarder.

Matt
05/02/2018 à 11:53

Tout à fait d'accord avec l'article. Sergi Lopez est hallucinant. Sa transformation physique en monstre tout au long du film est bien vu : le plan où il se retourne en hurlant sur ses hommes avec la coupure aux bouts des lèvres m'a bien accroché les rétines.

Blop
04/02/2018 à 18:59

La séquence de l'homme pale est l'une des plus stressante et degueulasse du film. Cette une scène culte mais tellement horrible quand on pense à toute les pauvres petites victimes qu'il a put faire