Evil dead : Critique

Vincent Julé | 19 novembre 2009
Vincent Julé | 19 novembre 2009

Ce plan subjectif dans les feuilles... ce stylo planté dans une cheville... ce viol par un arbre... chacun a son moment préféré, aussi fou que traumatisant, mais ils viennent tous du même film : Evil Dead. Dans les années 80, la bobine de Sam Raimi était un peu comme la VHS maudite de Ring. Les copains en parlaient mais personne ne l'avait vu. Evil Dead était le film d'horreur ultime à l'adolescence, de sorte que l'on se demandait s'il existait vraiment, s'il n'était pas le fruit de notre imagination galopante et perverse. Puis, que ce soit dans un cinéma de quartier, sur une K7 vidéo dénichée dans une brocante ou tard le soir sur Canal +, le film devient réel, terriblement réel. Effrayant, gore et jouissif. « The gorier, the merrier !! »

En janvier 1979, Sam Raimi n'a que vingt ans, mais il a déjà réalisé plusieurs courts. La plupart sont des films faits à la maison en Super 8 avec ses frères Ivan et Ted, ainsi que leur ami d'enfance Bruce Campbell. A l'université, avec l'apprenti producteur Robert Tapert, le surdoué signe des courts plus ambitieux et plus comiques comme The Happy Valley Kid et It's Murder ! Après avoir fini ce dernier, Robert Taper suggère que Sam Raimi devrait passer au long-métrage. Impossible selon lui, ils n'arriveront jamais à réunir l'argent nécessaire. Mais tous ont surtout peur de finir à travailler dans le supermarché d'à côté ou dans l'entreprise familiale. Sauf Bruce, qui s'en fout et qui est prêt à retourner vivre chez parents pour économiser un peu. Ils trouvent ainsi chacun la motivation de se lancer dans l'aventure, avec à l'esprit de changer de genre. Quitter la comédie pour l'horreur. Ils louent ainsi plein de films de genre à petits budgets (De Massacre at central High à The Revenge of the Cheerleaders) pour comprendre ce que leur futur public attend. Et cela ne traîne pas : « Plus c'est gore, plus c'est fun ». Sam Raimi a trouvé son leitmotiv et il ne va pas le lâcher.

 

 

L'idée est alors de réaliser un premier jet, un film test, un teaser... pour prouver à eux-mêmes, et surtout à de potentiels investisseurs, de quoi ils sont capables. A cette époque, Raimi étudie H. P. Lovecraft à la fac et écrit une histoire à base de Necronomicon et de livre des morts : une bande de quatre amis louent une vieille cabane dans la forêt et déterre une dague de rituel indien qui libère un esprit démoniaque. Replacé la dague par une cassette audio, et vous avez le pitch minimaliste d'Evil Dead. Toujours est-il qu'au printemps 1979, Sam Raimi, Robert Tapert et Bruce Campbell dans le rôle principal entament le tournage du moyen-métrage d'une demi-heure Within the woods. Le budget est 1 600$, mais le film fini leur permet de réunir 375 000$ pour la version longue. Equipes artistique et technique se rendent alors au fin fond du Tennessee dans une vraie maison abandonnée.

 

 

Le tournage d'Evil Dead s'étale sur plus d'un an et demi. En fait, le gros des prises de vues a lieu pendant l'hiver 1979-1980, mais une fois ces images dans la boîte, la majorité des acteurs quittent le projet. Sauf bien sûr Bruce Campbell, ami loyal et Ash éternel. De fait, la seconde partie du film se focalise sur lui, et le réalisateur a dû utiliser souvent des doublures et autres trucs et astuces pour palier le manque de comédiens. Parmi eux, Richard DeManincor et Theresa Tilly sont crédités sous de faux noms (Hal Delriche et Sarah York) pour ne pas être pénalisés par la Screen Actors Guild, qui refuse que ses acteurs jouent dans des films non syndicalisés.

 

 

Une fois monté, avec l'aide de Joel Coen, Evil Dead peine à trouver un distributeur. Trop violent, trop gore, trop putréfié. Il faut attendre qu'une société européenne achète le film et le présente au Marché du film à Cannes pour que le bouche-à-oreille commence. Il ne s'agit ni de la Finlande, l'Allemagne ou l'Irlande, où il est longtemps interdit. Au Royaume-Uni, Evil Dead a eu le privilège d'être l'un des premiers films à être estampillé « video nasty ». Et pour être sale et cradingue, le film l'est. Sam Raimi ne s'est rien refusé malgré les limites de son budget. Sa mise en scène fait preuve d'une continuelle inventivité, comme la « shaky cam » qu'il a inventé ou encore la « blank-o-cam », où le cameraman est couché et traîné sur une couverture. Les effets spéciaux ne sont pas en reste, et c'est en utilisant et combinant différentes techniques (de l'image par image pour la décomposition des cadavres à l'incrustation pour l'attaque des arbres en passant par les moulages en latex) qu'il réussit à créer cet aspect à la fois craspec, documentaire et immersif

 

 

Within the woods, Evil Dead, Evil Dead II, L'armée des ténèbres... la saga de Sam Raimi a marqué l'histoire du cinéma d'horreur. Evil Dead l'original et sa suite plus encore. Evil Dead II a tout autant sa place (cette même place) dans le classement, surtout que de nombreux fans le considèrent comme un remake et en tous points comme un film supérieur. Mais il a fallu faire un choix, et l'orientation comédie horrifique et slapstick de la mort d'Evil Dead II a pesé dans la balance. Evil Dead II impressionne et fait rire. Evil Dead déconcerte et fait peur.

A noter qu'une affiche déchirée de La Colline a des yeux est visible dans le film. Il s'agit d'une référence au film de Wes Craven, qui lui-même avait fait la même chose avec un autre film : Les dents de la mer. Sam Raimi avait interprété ce clin d'œil comme Wes Craven suggérant que son film faisait plus peur que celui de Steven Spielberg. Il a voulu lui rendre la pareille.

 

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