Critique : Journal de France

Simon Riaux | 13 juin 2012
Simon Riaux | 13 juin 2012
Journal de France fait partie de ces œuvres présentées à Cannes qui, si elles ne déméritent pas, bénéficient rarement de l'attention qu'elles méritent, pour cause de surexposition des mastodontes cinématographiques et autres véhicules à stars. Le film de Raymond Depardon et Claudine Nougaret méritait pourtant amplement le détour, et s'avéra l'une des propositions les plus originales et touchantes de l'édition 2012.

Autant le dire tout de suite, le long-métrage n'atteint pas tout à fait son ambition d'interconnecter petite et grande Histoire, intimité et publicité. La faute en revient à la forme du projet, qui alterne entre morceaux de bobines retrouvés et suivi du dernier reportage photo de celui qui immortalisera normalement le président Hollande. L'ensemble n'évite pas toujours la mise bout à bout d'anecdotes, et  le portrait de la France qu'il dresse, souvent juste et poignant, pourra facilement échapper à qui n'est pas familier des travaux de l'artiste, ou des circonvolutions socio-politiques de ces quarante derières années. Toutefois, ce léger manque d'ampleur ne saurait à lui seul handicaper le film, qui regorge de nombreuses autres qualités.

On est d'abord frappé par la grande pertinence de nombreux documents. D'un conseil des ministres dirigé par un VGE tout de cynisme et de suffisance, en passant par les confidences de légionnaires au sourire carnassier, entre inconscience et témérité suicidaire, plusieurs séquences nous touchent à l'estomac et au cœur. Derrière les évènements, les enjeux, émergent des hommes et des femmes au regard perçant, scrutateurs plus que scrutés, derniers vestiges d'une époque où la caméra n'était pas sommée de s'immiscer partout, et où elle pouvait encore happer des moments dont l'intensité échappait alors à ceux qu'elle couchait sur celluloïde. Cette question du temps qui a passé, du temps où la caméra et l'image n'avaient pas encore infiltré chaque foyer est particulièrement importante pour comprendre l'impact de l'œuvre, et ce dès le très beau générique.

Puis affleure subrepticement la relation entre Raymond et Claudine, dont les débuts nous apparaissent dans leur candeur et leur simplicité, mis en perspective par le commentaire toujours pudique mais jamais clinique de la co-réalisatrice. On devine alors, à travers le montage, le choix des images et leur délicates interactions le cœur d'une relation puissamment émouvante, de celle qui peuvent étaler leur vérité loin de tout voyeurisme, qui ne donnent pas à voir, mais à éprouver. En l'état, ce Journal (intime) de France finit par frustrer, et se révèle trop bref pour déployer toute la force de son dispositif. Reste le sentiment prégnant d'avoir été, pendant un court instant, partie prenante d'une fresque privée et universelle, d'avoir connu jusque dans leur chair certains acteurs, fameux ou anonymes, d'une Histoire jamais achevée.

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