Alps : Critique

Simon Riaux | 3 septembre 2011
Simon Riaux | 3 septembre 2011

Avec Canine, honoré par le festival de Cannes dans la section Un Certain regard, on craignait un peu que Yorgos Lanthimos ne soit qu'un petit malin spécialisé dans la pellicule de festival. Il nous revient avec Alps, récit de l'existence étrange menée par un mystérieux groupe d'individus, dont le passe-temps favori est de proposer contre rémunération de se substituer à un être cher récemment décédé, sous prétexte d'atténuer la douleur de ses proches. Nanti d'un sujet intrigant et propice à de nombreux développements, le réalisateur tenait là l'occasion de nous montrer qu'en plus d'agiter des concepts originaux sous le nez du spectateur, il était capable de lui raconter une histoire.

Une fois installé son postulat de départ, Lanthimos se focalise sur l'un de ses personnages, une infirmière, qui repère les « clients » potentiels grâce à son travail, et dont le hobby va peu à peu empiéter sur sa propre personnalité. De cette dynamique, installée en une dizaine de minutes, nous ne sortirons jamais, à peine pourrons-nous percevoir une timide évolution au cours de la dernière bobine du film. Le réalisateur se contente d'enchaîner les saynètes, toutes plus ou moins absurdes, plus ou moins grotesques, plus ou moins lentes, mais toujours glauques. On attend que ce funèbre puzzle s'assemble, mais la somme de ces séquences ne formera jamais un tout.

 

 

Si l'histoire fait du surplace pendant près d'une heure, le long-métrage convoque avec une exhaustivité agaçante les tares d'un certain cinéma d'auteur sur-représenté en festival, qui ne veut jamais prendre son récit à bras le corps, ne surtout pas s'abaisser à narrer, comme si divertir le spectateur était un acte du plus impardonnable mauvais goût. Tout y est : sexe mécanique et morbide, humiliations à répétition, personnages monomaniaques dont on ne saura rien, dialogues atones, une pincée d'inceste, une photographie d'une platitude éminemment « vraie... » Un dernier détail qui ne trompe pas : Lanthimos nous gratifie d'une scène de violence « colorimétrique » sensée nous glacer le sang, qui évoquerait plutôt un sketch déviant des Nuls.

 

 

Résumé

En l'état on finit par se demander si le point de départ ne constituait pas une formidable idée de court-métrage, ici étirée jusqu'à se vider de sa substance. Le piège est redoutable, en livrant une histoire dont les protagonistes et enjeux demeurent dans un flou perpétuel, le metteur en scène donne l'illusion d'une profusion d'interprétations possibles, quand ce dispositif prétentieux forme en creux l'aveu de sa totale vacuité.

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