Critique : L'Immortel

Sandy Gillet | 23 mars 2010
Sandy Gillet | 23 mars 2010

L'immortel surprend dans un premier temps ne serait-ce que par le pedigree cinématographique de Richard Berry réalisateur qui ne nous avait jamais habitué jusqu'ici à une telle qualité d'écriture et de mise en scène. C'est que, et ce sans que l'on puisse nous accuser d'une trop grande partialité (encore que), il est quand même difficile de ne pas avoir des idées fortement préconçues et négatives quand on décide d'aller voir un film avec Kad Mérad, Jean Réno, le tout réalisé par celui qui a commis Moi César, 10 ans 1/2, 1m39, ou encore L'art (délicat) de la séduction... Certes La boîte noire semblait marquer un revirement à 180° dans l'univers de Berry, passant ainsi de la comédie infantile et puérile à un thriller beaucoup plus consistant bien que décousu et inabouti. Il faut croire que l'homme avait besoin de ce chemin (de croix) pour arriver à ses fins et de mettre en scène un film qui n'est pas sans rappeler ces réussites « mineures » du polar français des années 70 entre Borsalino (pour l'hommage à la pègre marseillaise), Les égouts du paradis et Sept morts sur ordonnance.

L'immortel surprend aussi parce qu'il tient la route et ce malgré un postulat de départ assez mince mais riche en enjeux en tous genres : un parrain du milieu marseillais quelque peu rangé des voitures est laissé pour mort après avoir été pris pour cible vivante par une famille rivale. Inspiré d'une histoire vraie et en partie adapté du roman homonyme signé Franz-Olivier Giesbert, le film permet à Berry  de s'intéresser à la symbolique rédemptrice d'une telle épreuve à la fois pour l'homme, ses proches et tous ceux qui le connaissent. En cela, Réno est absolument convaincant. Son personnage de lion blessé au plus profond de sa chair mais qui n'abdique pas oscille parfaitement et tout au long du film entre vengeance bestiale et besoin de purifier sa conscience. Pour Kad c'est plus complexe puisque Berry semble avoir poussé l'acteur à en faire des tonnes tout en ayant conscience qu'in fine cela servirait le personnage (sorte de bouffon triste et dangereux) et bien entendu la dramaturgie du dernier acte.

L'immortel surprend enfin dans sa propension à mettre en scène. Jouant énormément avec sa focale pour les séquences en extérieur avec foules afin de donner une identité visuelle proche du documentaire et ce sans renier ses partis pris esthétiques, Berry s'amuse avec beaucoup de naturel à danser sur une sorte de corde raide virtuelle qui au final lui convient bien. On est ainsi à la fois avec les personnages du film, en plein dans l'action (la scène des barbelés est à ce titre exemplaire) tout en étant un spectateur omniscient et donc confortablement installé dans nos certitudes. L'écueil n'est alors jamais loin mais il est balayé par la solidité du casting seconds rôles à commencer par une Marina Foïs dont on ne dira jamais assez combien son talent est immense.

L'immortel reste tout de même une énigme tant sa réussite tient vraiment à pas grand-chose. Entre fulgurance (la violence de certaines scènes gratuites et jouissives d'un point de vue de cinéma) et dialogues parfois contrits ou déjà entendus, entre images d'Épinal et enjeux dramatiques traités aux cordeaux, le film de Berry soigne sa signature temporelle. Aux générations futures de dire si l'on s'est fourré le doigt dans l'œil ou si le titre du film était prémonitoire.  

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