Critique : Passion ardente

Nicolas Thys | 9 avril 2008
Nicolas Thys | 9 avril 2008

Passion obstinée rassemble une nouvelle fois les grands traits caractéristiques de la mise en scène de Yoshida, glaciale et tendue vers une abstraction de chaque instant, une esthétique du vide et de la surface. Tourné en 1966, ce film met en avant une femme qui se bât pour échapper au regard d'autrui, pour imposer le sien et reprendre possession de son être. S'incarne alors avec elle et sa vision oblitérée et désordonnée du monde, la plupart des obsessions du grand cinéma moderne occidental.

 

Elle se cogne à un univers qui lui semble étranger. Elle le redécouvre suite à une froideur maladive qui l'a totalement détachée de son mari. Après plusieurs années d'isolement, d'appartenance totale à autrui, elle sort enfin ; mais son (re)devenir femme ne peut se réaliser sans heurt. Tout dans Passion obstinée est, et fait, violence. Violence faite au regard, notamment lorsque l'actrice principale observe le cheminement vers le plaisir de sa belle-sœur, qu'elle prend pour une agression. Prostrée derrière une vitre, elle n'entend rien tandis qu'une caméra, faussement subjective, s'approche des amants d'un soir, dans un plan d'un voyeurisme des plus intimes alors qu'il ne découvre qu'un visage.

 

Violence non atténuée par la beauté plastique des plans, qui entourent cette séquence d'entrée dans un monde abscond, une surface impénétrable qui se substitue à son (nos) regard(s), pris entre obscénité et désir et qu'il va falloir briser. Violence au contraire renforcée par ces déchainements de blancs et de noirs intenses qui pilonnent la rétine, par ces compositions macabres où lignes verticales et horizontales se croisent, pour se défaire peu après dans une nature absurde et désordonnée, vidée de toute substance, percluse dans une chromophobie délirante, obsédante, et hypnotique.

 

Passion obstinée est une œuvre magnifique, prise entre une retenue symétrique et une chair aux abois, entièrement ancrée dans une certaine vision du cinéma propre aux années 60, mais qui encore aujourd'hui fait mouche.

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