Critique : Les Derniers Samouraïs
Malgré un héritage culturel opposé, Hollywood et le Japon ont toujours été plus ou moins en contact à travers le cinéma : La Forteresse cachée inspira Lucas pour Star Wars, plus récemment à force de remakes de films d'horreur. Nul étonnement donc à ce que l'ultime film de Kenji Misumi, Les Derniers samouraïs inspire un film quasi homonyme à Edward Zwick, Le Dernier samouraï, ni que l'on retrouve dans le premier certains clichés tout droit venus du western, le genre américain par excellence. La réécriture des Sept samouraïs par John Sturges est d'ailleurs l'un des grands exemples de ce transfert culturel qui eût lieu entre deux nations et surtout deux genres distants et pourtant proches.
En outre, la thématique n'est pas
sans rappeler une période clé de l'histoire des États-Unis qui hante son cinéma
depuis toujours, la Guerre de sécession et ses affrontements sanglants et
fratricides entre le Nord et le Sud. Inspiré
d'un authentique épisode de l'histoire du Japon, le film de Misumi revient sur
la fin du shogunat Tokugawa en 1868 et sur la restauration Meiji qui suivit,
abolissant par la même occasion la caste des samouraïs malgré une résistance
agressive de ces derniers. Ces combats donnèrent lieu à une guerre civile sauvage
opposant les territoires Nord et Sud du pays, les uns partisans du maintien du
Shogunat et conservateurs et les autres réclamant un changement politique, économique
et social radical ainsi qu'une expansion vers l'occident.
Construits en deux parties, l'avant
et l'après 1868, Les Derniers samouraïs est une grande fresque épique centrée
sur la vie de Sugi Toranosuke, samouraï mis à l'écart des évènements par son
maître et devenu observateur et mémoire vivante d'une période importante qui
s'achève. À travers lui et son histoire personnelle, c'est le Japon dans son
intégralité qui est représenté et décrit, pris dans un engrenage fatal dont
personne ne peut rien et qu'il ne peut que contempler sans parvenir à
réellement prendre parti. Tourné dans des conditions assez difficiles pour le
cinéaste qui ne parvient pas à en maitriser tous les éléments, ce film n'en
reste pas moins très important. Les éclairages sont somptueux et, dans un subtil
jeu d'ombres et de lumières, ne font que refléter les états d'âme du protagoniste.
Partagé le plus souvent entre
plans d'ensemble sur de grands espaces magnifiés et gros plans sur des
visages marqués par le temps et les épreuves, le film ne Misumi reprend à son
compte le meilleur de l'iconographie des westerns classiques américains et de
leurs pendants italiens. Le duel final est en ce sens magistral. Plus encore,
la thématique centrale des Derniers samouraïs permet au
cinéaste de prendre du recul par rapport à son œuvre entière. Le dilemme de
Sugi devient alors celui de son auteur qui évoque de manière réflexive tout le
paradoxe de son cinéma pris entre deux feux : celui d'un classicisme qui
n'est plus et d'une modernité à laquelle il est confronté mais qui reste en devenir.
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