Critique : Les Derniers Samouraïs

Nicolas Thys | 17 septembre 2007
Nicolas Thys | 17 septembre 2007

Malgré un héritage culturel opposé, Hollywood et le Japon ont toujours été plus ou moins en contact à travers le cinéma : La Forteresse cachée inspira Lucas pour Star Wars, plus récemment à force de remakes de films d'horreur. Nul étonnement donc à ce que l'ultime film de Kenji Misumi, Les Derniers samouraïs inspire un film quasi homonyme à Edward Zwick, Le Dernier samouraï, ni que l'on retrouve dans le premier certains clichés tout droit venus du western, le genre américain par excellence. La réécriture des Sept samouraïs par John Sturges est d'ailleurs l'un des grands exemples de ce transfert culturel qui eût lieu entre deux nations et surtout deux genres distants et pourtant proches. 


En outre, la thématique n'est pas sans rappeler une période clé de l'histoire des États-Unis qui hante son cinéma depuis toujours, la Guerre de sécession et ses affrontements sanglants et fratricides entre le Nord et le Sud. Inspiré d'un authentique épisode de l'histoire du Japon, le film de Misumi revient sur la fin du shogunat Tokugawa en 1868 et sur la restauration Meiji qui suivit, abolissant par la même occasion la caste des samouraïs malgré une résistance agressive de ces derniers. Ces combats donnèrent lieu à une guerre civile sauvage opposant les territoires Nord et Sud du pays, les uns partisans du maintien du Shogunat et conservateurs et les autres réclamant un changement politique, économique et social radical ainsi qu'une expansion vers l'occident.


Construits en deux parties, l'avant et l'après 1868, Les Derniers samouraïs est une grande fresque épique centrée sur la vie de Sugi Toranosuke, samouraï mis à l'écart des évènements par son maître et devenu observateur et mémoire vivante d'une période importante qui s'achève. À travers lui et son histoire personnelle, c'est le Japon dans son intégralité qui est représenté et décrit, pris dans un engrenage fatal dont personne ne peut rien et qu'il ne peut que contempler sans parvenir à réellement prendre parti. Tourné dans des conditions assez difficiles pour le cinéaste qui ne parvient pas à en maitriser tous les éléments, ce film n'en reste pas moins très important. Les éclairages sont somptueux et, dans un subtil jeu d'ombres et de lumières, ne font que refléter les états d'âme du protagoniste.


Partagé le plus souvent entre plans d'ensemble sur de grands espaces magnifiés et gros plans sur des visages marqués par le temps et les épreuves, le film ne Misumi reprend à son compte le meilleur de l'iconographie des westerns classiques américains et de leurs pendants italiens. Le duel final est en ce sens magistral. Plus encore, la thématique centrale des Derniers samouraïs permet au cinéaste de prendre du recul par rapport à son œuvre entière. Le dilemme de Sugi devient alors celui de son auteur qui évoque de manière réflexive tout le paradoxe de son cinéma pris entre deux feux : celui d'un classicisme qui n'est plus et d'une modernité à laquelle il est confronté mais qui reste en devenir.

Résumé

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