Le Jour des morts vivants : Critique

Sébastien de Sainte Croix | 29 juillet 2005
Sébastien de Sainte Croix | 29 juillet 2005

The Day of the dead fait son apparition sur les écrans en 1986. Avec 2 ans d'avance sur le planning officieusement établi par Romero, soit un film tous les 10 ans ( La nuit des morts vivants date de 1968, Zombie de 1978 - si l'on fait abstraction des problèmes de censure qui ne rendirent sa sortie possible en France que deux ans plus tard). Voilà enfin le troisième volet de la série qui a rendu George A Romero célèbre et apporté au genre une dimension politique et sociale hors norme, chaque film de zombie nous offrant un instantané de la société américaine - et plus globalement de la nôtre - à une époque donnée : 1968, la lutte pour les droits civils des noirs américains dans une société en plein bouleversement ( le « Wasp » s'alliant au « colored guy » pour survivre. 1978, l'anarchie des années 70 bat son plein, la société de consommation est déboulonnée par des Hells Angels salvateurs. 1986, l ‘Amérique de l'ère Reagan subit de sévères mutations, le projet spatial Starwars affirme la suprématie militaire des Etats Unis.

Et l'humanité de Romero du Jour des morts-vivants de se terrer dans un silo à missiles - véritable cocotte minute où des scientifiques travaillent sous la coupe de militaires incompétents et violents (pléonasme diront certains) livrés à eux-mêmes. Le mort-vivant, lui, n'a pas d'orgeuil ou de désir de pouvoir…. À chaque époque / film, les morts-vivants èrent sans véritable but adoptant métaphoriquement le visage d'une population qui n'a d'autres instincts que sa survie. « Reste-t-il quelqu'un en vie ? » hurle une des protaginistes au début du film au milieu d'une ville abandonnée où la nature - un alligator - a repris ses drois. C'est également la question que Romero pourrait nous poser.

 


De l'autre côté les réponses des spectateurs se font rares et mitigées. C'est qu'attendu comme le messie par une armée de fanatiques, Le jour des morts-vivants déçoit les aficionados du genre qui lui reprochent son côté bavard, son rythme lent et sa (relative) absence d'effets gore au regard de son illustre prédecesseur, Zombie. Vrai. Mais Romero a mûri (vieilli diront certains) et prend le temps d'amorcer le conflit entre sa société de militaires et les « civils » qui cherchent un remêde au processus de « zombification ».

À l'image du personnage de John (l'acteur américain Terry Alexander qui pourrait être le succédané de Peter interprété par Ken Forree dans Zombie dix ans après), Romero constate mais n'intervient pas, il regarde avec une pointe de misanthropie ses personnages humains se quereller pour des enjeux ridicules. Le mal est de toute façon fait, le monde que nous avons connu n'existe plus. Il n'en reste plus que des reconstitutions « utopiques » à l'image de l'ilôt de fortune bricolé par deux des survivants dans un mobile-home au fond d'une grotte. La compassion de Romero pour ses personnages humains est de plus en plus faible. Sa seule sympathie se porte sur les personnages de Logan, le docteur « frankenstein » du film qui essaie de communiquer avec les zombies et Bubba son élève le plus doué : le seul véritable personnage mû par des sentiments purs (Romero approfondira cette idée d'humanisation et d'intelligence des zombies, la mettant au cœur de son Land of the Dead). Les zombies sont réduits au rang de bétail et parqués comme tel, servant au mieux aux expériences des médecins, au pire comme exutoire de la frustration des soldats.

 


Tout comme dans Zombie l'histoire d'amour du film est vouée à l'échec et le sacrifice rédempteur d'un des personnages principaux ne fait que précipiter le processus d'éradication des humains : les zombies ne sont plus qu'un instrument qui accélère la destruction du groupe gangrêné par les conflits d'ego et d'intérêt. Constat ultra pessimiste, le film ne peut se ponctuer que par une fuite en avant (tout comme dans Zombie) où le ciel reste le seul echappatoir. Mais pour combien de temps ? Icare lui-aussi s'est brûlé les ailes et a fini par retomber. La dernière demi-heure remplit alors son contrat de gore et d'éviscération (sous la houlette du fidèle Tom Savini) en ouvrant les vannes de sang jusqu'à plus soif où le zombie acquiert une nouvelle humanité en la retirant aux autres.

La parenté de la trilogie du grand George avec le magnifique roman de Richard Matheson « Je suis une Légende » s'affirme. Les hommes sont condamnés à disparaître et à laisser leur place aux morts qui rebâtiront une société nouvelle : la terre des Morts.

« Welcome to the (un)Human » comme disait Snake Plissken à la fin de L.A. 2013

PS : « Is anybody here ? », la réplique hurlée par Lori Cardille au début du film a été samplé par le groupe Gorillaz dans le dernier titre de son premier album. Petite curiosité qui vaut le détour après le sample de Tricky du thème de Assaut de Carpenter.

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