Critique : Il était une fois dans le Queens

Julien Foussereau | 7 septembre 2007
Julien Foussereau | 7 septembre 2007

Dito est le fils d'un père italien et d'une mère irlandaise. Coincé dans le Queens millésimé 1986, délabré par les rixes multiethniques, Dito n'a pas d'autre avenir que de compiler les conneries plus ou moins graves avec Nerf (pote version chétif et farceur) et Antonio (pote version musculeux et violent) pour passer le temps. Il n'est pas aidé par son père (Chazz Palminteri, époustouflant). Incapable d'admettre que son rejeton manque d'air, le patriarche voit d'un mauvais œil quiconque poussant Dito à fuir la voie de garage qu'est leur quartier. Quelques raisons parmi tant d'autres qui conduiront Dito à fuir ce quartier pour vivre…

Inconnu chez nous, Dito Montiel fut en 2003 à l'origine d'un petit phénomène littéraire américain avec son autobiographie A guide to recognizing your saints, mémoires coup de poing de sa jeunesse pleine de bruit et de fureur dans le Queens des eighties. Trois ans plus tard, une adaptation cinématographique du film voit le jour, jusqu'ici rien de renversant. En revanche, le vertige nous assaille lorsque Dito Montiel, non content de se charger lui-même de la réalisation, prend ses distances avec son propre passé. L'affaire se corse davantage lorsqu'il met en abyme son présent de Montiel-écrivain, en pleine promo de A guide…, qui, sous les traits de Robert Downey Jr., se voit contraint de quitter sa Californie pour revenir dans le quartier de son enfance après une crise cardiaque de son paternel. Ne pas se laisser décourager pour autant par ce résumé faussement compliqué : passées les premières minutes déconcertantes, Dito Montiel parvient à trouver le bon rythme et apporte un style et une identité à ce descendant cheap, mais d'une puissance rageuse, d'Il était une fois en Amérique.

Ce qui rend A Guide to Recognizing your Saints si délectable réside dans le reconduite du rythme surexcité des meilleurs films d'enfer urbain comme La Cité de Dieu. Sauf que, à la différence d'un Fernando Meirelles cédant parfois aux sirènes complaisantes du clip, Montiel s'astreint à un mode de filmage nerveux et roots dont la parenté avec Mean Streets saute agréablement aux yeux. Il est en cela aidé par la photo discrète et inspirée d'Éric Gautier, des comédiens brillants et des chroniques véridiques de la violence ordinaire, qu'elle soit sociale, verbale, psychologique et physique. Oui, on pourra toujours avancer que le film de Montiel n'est qu'un mix de cinéma juvénile scorsesien dans lequel le nombre de fuck proférés explose tous les records établis par The Big Lebowski ou Pulp Fiction. Oui, le regard que porte Montiel sur son adolescence à peine trafiquée n'est pas sans rappeler celui, sensuel et cruel, d'un certain Larry Clark. Toutefois, il est difficile de reprocher à Montiel un manque d'inventivité dans sa mise en scène : brouillage habile entre passé et présent, drops de la bande son pour illustrer le caractère destructeur d'une crise cardiaque, et même un curieux flash forward.

Mais sans coeœur, la puissance vaut autant qu'un coup d'épée dans l'eau. Et A Guide… n'en manque pas lorsqu'il montre subtilement que l'on peut habiter depuis sa prime enfance dans un district de Big Apple et en connaître moins qu'un jeune écossais fraîchement débarqué ; qu'entre le Dito jeune, excellent Shiah LeBoeuf, et son incarnation adulte par le magistral Robert Downey Jr. subsiste une tristesse et un désarroi si justes qu'il excuse pratiquement toutes les maladresses.

Résumé

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