Critique : Mortuary

Erwan Desbois | 2 mai 2006
Erwan Desbois | 2 mai 2006

« Le nouveau délire du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse », peut-on lire sur les affiches de Mortuary. Bizarre, aux dernières nouvelles, ce film n'est pas devenu un classique pour sa capacité à déclencher de grands éclats de rire… Mais voilà, il faut bien se faire une raison : Tobe Hooper n'a jamais retrouvé la liberté de ce coup d'essai transformé en coup de maître, et a passé la plus grande partie de sa carrière à réaliser – avec plus ou moins de liberté – des œuvres de commande pour la promotion desquelles son nom et sa notoriété sont une aubaine.

Mortuary rentre dans la catégorie des « moins de liberté ». Loin de pervertir le projet qu'on lui propose (comme ce fut par exemple le cas pour Le crocodile de la mort), Hooper se fond sagement dans le moule. Il suit scrupuleusement le scénario qu'on lui a mis dans les mains – une histoire de pompes funèbres hantées qui recycle à tour de bras et sur un ton semi-parodique des idées déjà vues mille fois. Ce fourre-tout honnête mais limité dans son argument et dans ses ambitions, dont l'écriture doit beaucoup aux épisodes décalés des X-Files, est indéniablement rehaussé par la mise en scène énergique et le savoir-faire de Hooper. Ce dernier maîtrise toujours aussi bien le tempo qui fait un bon film d'horreur – en particulier l'équilibre entre moments calmes et déchaînements de violence.

L'utilisation de mises en place très longues et presque tranquilles, qui est l'une des marques de fabrique du réalisateur, joue en effet un grand rôle dans l'efficacité certaine de Mortuary. Hooper prend son temps pour nous présenter les habitants de la petite bourgade où se déroule le récit (tous des stéréotypes assumés, du shérif simplet aux jeunes rebelles), et retarde au maximum le basculement du film dans l'horreur. Le piège fonctionne à merveille, car ce basculement tranche tellement avec le ronronnement exagéré de ce qui le précède qu'il parvient à franchement nous surprendre. Sans forcer, Hooper assure ensuite le spectacle, avec une escalade du pire menée tambour battant. Il profite de la géographie de la maison où se déroule en huis-clos le dernier tiers du film pour balader tous les protagonistes mis à sa disposition, et le spectateur avec eux, de l'étage à l'inévitable sous-sol secret et caverneux.

Ce rythme débridé et le refus du film de se prendre au sérieux permettent de faire oublier le manque de moyens de l'ensemble (la plupart des effets horrifiques – images de synthèse, aspect des zombies – sont assez pauvres) ; mais ces qualités sont fortement atténuées par le retournement final aussi stupide qu'inutile, qui remet brutalement Mortuary à sa place : celle d'un divertissement opportuniste et anecdotique.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire