Critique : La Véritable histoire du petit chaperon rouge

Johan Beyney | 23 janvier 2006
Johan Beyney | 23 janvier 2006

Tout pouvoir nécessite son contre-pouvoir et l'on ne peut que se féliciter que, face aux grosses machines des gros studios (qui disposent par conséquent de gros budgets), une poignée d'irréductibles cinéastes indépendants continuent à faire vivre et à enrichir la diversité cinématographique. Cory Edwards et ses deux co-réalisateurs se lancent à leur tour dans la bataille et viennent piétiner les plates-bandes numériques de Pixar et Dreamworks.

L'intention a beau être louable et digne d'être encouragée, elle n'est pas sans poser problème au consommateur averti de film d'animation. Car si un beau visage reste un beau visage quel que soit le budget de l'œuvre dans laquelle il est filmé, il n'en est pas de même lorsque celui-ci est crée par informatique. Maudit sois-tu Pixar qui, grâce aux milliards de dollars à ta disposition, peut créer des univers numériques d'une époustouflante beauté ! Car en mettant la barre aussi haut, tu places tes concurrents indépendants en bien fâcheuse posture… Force est de constater que cette Véritable histoire du petit chaperon rouge a bien du mal à tenir la comparaison : les arbres se résument à un empilage de feuilles de cartons, l'eau a la fluidité de la gelée, et les personnages – surtout les humains, dramatiquement laids – se meuvent avec le naturel d'un automate dans la vitrine de la Samaritaine. La faute aux réalisateurs qui, contraints pour des raisons financières d'aller bosser aux Philippines, auraient pu pallier ces problèmes en prenant le parti de moins chercher à faire dans le réaliste. Mais, toujours enclin à soutenir David contre Goliath, on fermera les yeux sur cet aspect esthétique pour se concentrer sur l'histoire.

[img_right]chap_interro.jpg [/img_right]Tout le monde connait les aventures du Petit Chaperon Rouge (et a appris à cette occasion les mots « chevillette » et « bobinette » sans avoir jamais compris ce qu'ils pouvaient désigner). Sur le mode parodique (qui a dit Shrek ?), le film se propose d'en révéler les véritables enjeux grâce à une idée très maligne. La maison de la grand-mère transformée en lieu du crime, chaque protagoniste va pouvoir donner sa version des faits au policier chargé de mener l'enquête et changer la face d'une histoire que l'on pensait connaître. Chaque témoignage est alors l'occasion d'un changement de ton : mièvrerie disneyienne pour le petit chaperon rouge (un peu longue), polar fifties pour le loup (rigolote), cartoon déjanté pour le bûcheron (fatigante, mais courte). Nous laisserons planer le mystère quant à la version de la grand-mère, surprenante bien que donnant une impression de « too much ». Les différentes versions se recoupent grâce à un scénario intelligent et sont autant d'occasions de parodier un genre, de multiplier les clins d'œil et d'accumuler les gags, le tout avec une liberté de ton réjouissante.

Cependant, même du point de vue scénaristique, cette nouvelle version du Petit Chaperon Rouge peine à faire de l'ombre à ses illustres et riches concurrents (comme quoi le talent n'est pas qu'une question d'argent…). D'abord, les auteurs ont cru nécessaire de complexifier le conte original en y introduisant une laborieuse histoire de gangster-voleur-de-recettes-de-cookies qui alourdit considérablement l'histoire. Ensuite, malgré un rythme haletant, le film ne parvient pas à échapper à quelques longueurs et à quelques facilités du point de vue comique. Enfin, le film a parfois du mal à gérer la double lecture enfant/adulte qui a fait le succès des dernières productions animées. Le tout reste cependant un divertissement sympathique et amusant qui, bien qu'accusant un manque certain de subtilité, respire franchement l'enthousiasme.

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