Amityville : critique hantée

Damien Vinjgaard | 22 juin 2005
Damien Vinjgaard | 22 juin 2005

Après Massacre à la tronçonneuse, voici que Michael Bay nous présente son dernier remake produit : celui d'Amityville, la maison du diable. Avec Ryan Reynolds et Melissa George.

Pour la refonte du classique de Tobe Hooper, une expérience cinématographique avait été menée puisqu'on avait remis le directeur de la photographie au même poste (Daniel Pearl). Il avait alors retrouvé l'ambiance sale et péteux du sud pour en livrer une dégénération intriguante : une palette de couleurs plus moisies, des cadrages plus champêtres mais toujours le même sadisme vis-à-vis des étudiants hippies qui ont la marguerite en bouche. Dans l'Amérique néo conservatrice, le succès fut immédiat et engendra un nouveau filon à exploiter.

 

 

C'est ainsi que naquit le projet Amityville, beaucoup moins ambitieux toutefois dans son approche formelle. Tout d'abord, il est difficile de revenir sur cet objet culte sans froisser certains cœurs conquis par les multiples diffusions en deuxième partie de soirée de ce nanar. Car vraiment, qu'avait l'original pour lui ? Un titre comportant un « y », le fait d'être inspiré d'une histoire vraie, le design d'une maison et une barbe pour l'acteur principal. À la vue de ces éléments, on peut dire qu'Andrew Douglas a respecté les règles fondatrices. Ryan Reynolds a enfilé la chemise de bûcheron de nos années coups de coeur.

Cet accoutrement tombe bien puisqu'il coupe du bois tout au long du film. Les pattes d'éléphant fleurissent de même que l'innocence marquée de ces années-là (on rit d'être heureux). La maison et ses alentours gardent cet aspect de banlieue riche dans lequel une famille de prolétaires est venue se perdre. Ils naissent sûrement de là les cauchemars : la culpabilité de vivre au-dessus de ses moyens. Le couperet néo conservateur tombe. Après les jeunes aux cheveux longs, ce sont les ouvriers se croyant nantis qui vont souffrir le martyr. C'est aussi réac et sévère que le design de la maison. Toujours ces fenêtres en amande qui rougeoient dans l'obscurité. Un grand malade cet architecte !

 

 

Pour pousser un peu la réflexion, on peut également dire que le remake a conservé, outre ces aspects essentiels du succès, la profonde vacuité de la mise en scène de son prédécesseur. Deux décennies plus tard, les effets sont évidemment numériques. Mais malgré ce changement, la même absence de point de vue sur cet évènement réellement survenue à une famille, conduit au même gouffre d'ennui. Les apparitions ont beau l'air d'être plus démoniaques et plus effrayantes, l'histoire et ses enjeux semblent toujours aussi poussifs. Pas tant d'ailleurs dans la tentative d'insuffler le souffle moderne de la réflexion familial.

Le beau-père qui veut tuer ses enfants est bien un sujet de la famille recomposée propre à Hideo Nakata, le maître de l'horreur contemporaine, mais ici cela n'a pas beaucoup d'importance. C'est la caution « histoire vraie » qui prime et agit plus que jamais comme une raison pour l'illogisme de la narration. La famille hallucinera pendant 28 jours, ce qui semble affreusement long quand on y pense. 28 jours à voir ses enfants se noyer, à tuer son chien, à regarder des fantômes courir dans la maison et des magnets se recomposer en une sentence (« Tue-la ») cela semble un bad trip sous acide d'une durée trop étendue pour une famille responsable.

 


Le récit de ce couple pourrait pour les amateurs d'ésotérisme sembler plausible mais les réactions laissent perplexe. On peut donc voir constamment son mari dormir dans la cave sans s'inquiéter. On peut observer des mouches vous attaquer sans broncher. On peut toujours observer les morts sans que cela soit plus dérangeant que cela, même pour un enfant. Mais c'est impossible me direz-vous ! Non, c'est une histoire vraie rétorquerait Michael Bay. Au bout d'une demi-heure un cri émergera alors du fond de la gorge, reprenant pour son compte le slogan de l'affiche original : « Bon sang, tirez-vous de là ! ».

 

 

 

Résumé

Amityville marche à un régime extérieur qui consiste à ne pas s'embarrasser d'un point de vue ou d'une psychologie. Seul compte le grand huit des frayeurs, seule la maison compte. Ce qu'elle est capable de faire, mais pas vraiment la façon dont on interagit avec elle.

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