Critique : La Marche de l'empereur

Laurent Pécha | 26 janvier 2005
Laurent Pécha | 26 janvier 2005

Genre à part entière, le documentaire animalier, s'il connaît depuis quelques années une exposition appréciable avec la multiplication des chaînes câblées, n'est pas encore coutumier en nombre dans nos salles obscures. C'est donc souvent la fine fleur du genre qui a les honneurs d'une distribution, et les titres récents que sont Microcosmos, Le Peuple migrateur ou, plus proche encore de nous, La Planète bleue, sont là pour prouver que la qualité compense largement la quantité. Alors, bien sûr, pour apprécier l'heureux élu de l'année 2005, La Marche de l'empereur, il faut forcément être réceptif au genre ou alors forcer quelque peu sa nature et accompagner un féru du genre (si,si, on en a toujours un dans son entourage) ou plus simplement un enfant. Tiens, ça tombe bien, l'auteur de ces lignes en a un, et justement sa progéniture piaffait d'impatience de voir cette marche, parfaitement vendue par une article-details_c-trailers redoutablement efficace. C'était donc parti pour une heure vingt au pays glacial du manchot empereur.

Œuvre de toute une vie ou presque (une année de tournage et une autre pour s'en remettre, cent vingt heures d'images tournées), La Marche de l'empereur raconte la plus fantastique des aventures, celle qui consiste à donner la vie. Sauf que là, il s'agit de le faire dans un milieu on ne peut plus hostile (un bon -40 °C) où l'homme ne tient tête à la nature que grâce à une somme d'équipement impressionnant. D'un côté, l'homme totalement dépassé par la nature sans la technologie, et de l'autre l'animal, qui avec une organisation et des rites d'une précision inimaginable va parvenir à procréer. Sur l'écran, cela donne des images époustouflantes qui laissent pantois d'admiration, non pas par le défi technique réussi par l'équipe du film (un tour de force qui mérite certes tous les éloges), mais tout simplement par les leçons extraordinaires que l'on peut tirer du comportement de cette tribu de manchots que rien n'arrête.

Merveilleusement bien écrit (bien aidé par quatre ans de gestation), La Marche de l'empereur suit ainsi toutes les étapes minutieuses, périlleuses (le passage de l'œuf des pattes de la mère à celles du père constitue un suspense redoutable), heureuses mais aussi tragiques (le nombre d'œufs ou de poussins succombant au froid ou victimes d'un prédateur, est élevé), qui mènent à la naissance puis aux premier pas de la descendance des manchots empereurs. À ce titre, comment ne pas être amusé et fasciné par l'incroyable organisation de cette race qui met dès la naissance, et même plus précisément dès la ponte de l'œuf, la mère et le père sur un pied d'égalité face à l'espérance de vie de leur enfant (une fois qu'elle a pondu, la mère laisse l'œuf au père et part se ravitailler durant deux mois pour pouvoir nourrir son petit, pendant que le mâle couve en jeûnant au total quatre mois : un implacable plaidoyer pour l'égalité des sexes !).

Si, là où les documentaires précités avaient pour eux l'avantage d'une diversité d'espèces animales à mettre en valeur, le film de Luc Jacquet peut à quelques occasions souffrir de ne se focaliser uniquement que sur ses manchots, il en tire également sa grande force. La Marche de l'empereur, à l'image de l'excellente utilisation en voix off des talents de comédiens de Charles Berling, Romane Bohringer et Jules Sitruk, venus égayer à la fois pédagogiquement et narrativement le récit en interprétant une famille manchot, est un film qui raconte une histoire passionnante avec un scénario palpitant que bon nombres de films de fiction rêveraient de posséder. La Marche de l'empereur est tout simplement l'une des plus jolies surprises de ce début d'année.

Résumé

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