Critique : L'Empreinte de la mort

Jean-Baptiste Herment | 10 janvier 2005
Jean-Baptiste Herment | 10 janvier 2005

Quiconque a suivi la carrière de Jean-Claude Van Damme sait à quel point celle-ci est faite de hauts et de bas. Van Damme a toujours su rebondir avec aplomb en trouvant des projets prompts à lui redonner un peu de sa superbe (mise à mal par de gros Z fauchés du genre Point d'impact, qui sort fort justement directement en DVD ce mois-ci). Là où un Steven Seagal se contente d'empocher les chèques et de faire grâce de sa présence dans des direct-to-video plus rouillés les uns que les autres, notre karatéka belge préféré multiplie dernièrement les essais afin d'échapper au carcan réducteur du film de baston dans lequel on veut le confiner. Sa rencontre avec Ringo Lam marque pour Van Damme un nouveau départ, Lam n'ayant de cesse de pousser l'acteur dans des retranchements que nul autre avant lui n'avait su – voulu? – déceler. Jean-Claude est un battant et ne craint pas de suivre son réalisateur aveuglément, quitte à se mettre à nu, dans tous les sens du terme. Replicant permet à l'acteur de jouer la peur, la colère ou la tristesse d'une manière tellement viscérale que Van Damme s'efface pour la première fois derrière son personnage. La justesse de sa composition prouvant une chose : Van Damme peut jouer la comédie. Béni soit Ringo Lam.

L'Empreinte de la mort, avec son histoire simple et directe de vengeance, est un nouveau défi pour JCVD : il joue un personnage brisé par la mort de sa femme et brûlé par un désir de vengeance – « no more Mr Nice Guy », comme disait l'autre. Bien qu'un peu handicapé par quelques effets branchouilles, le film possède une âpreté qui rappelle instantanément les polars rugueux des seventies, ce qui le différencie agréablement des actioners bourrins gonflés au CGI que nous subissons régulièrement. Le réalisateur (marseillais), Philippe Martinez, dégraisse au maximum ses scènes d'actions (poursuites à motos, en voitures...) et soigne ses scènes de dialogues au cours desquelles ses personnages se déchirent les uns les autres.

Martinez filme un Van Damme (baptisé Archer) super classe dans ses costumes de truand, le visage fatigué comme un ange de la mort. Son personnage est le anti-héros dans toute sa splendeur. Faisant équipe avec la pègre marseillaise, Archer remonte petit à petit la piste du personnage campé par ce vieux briscard de Simon Yam, quitte à y laisser son âme, ses actes se révélant aussi expéditifs que ceux de ses ennemis. On peut déceler dans cette dualité l'ombre de Ringo Lam (qui devait réaliser le film), jamais le dernier à salir les mains de ses héros.
Alors tant pis si le film souffre d'un montage parfois trop staccato qui ne rend pas toujours justice aux cascades et aux bastons, et si la plupart des scènes d'action sont trop brèves. Martinez se permet quelques élans d'un sadisme des plus réjouissants dans la plus grande tradition de l'exploitation movie : en témoigne la scène de torture à la perceuse orchestrée par l'un des sbires d'Archer. L'action est donc là, mais la vraie réussite du film se résume en deux mots : Van Damme.

Puisque Martinez s'est décidé à mettre son héros en avant, Van Damme se devait d'être à la hauteur. Présent dans la plupart des scènes, JCVD pleure, s'énerve et tue froidement les bad guys qui lui barrent la route sous l'œil d'un réalisateur rallié à sa cause. Elle est loin l'époque du kickboxer monolithique et propre sur lui ! Furieusement sexy, l'acteur refuse ses « tricks » habituels. Ici, pas de grand écart ou de biceps saillants : Van Damme mise tout sur le jeu et impose une présence féline du plus bel effet. On dirait une version B des héros solitaires peuplant les films de Melville ou de Michael Mann. On le sait, Jean-Claude est obsédé par son acting ; il pense – à raison – être capable de bien plus que les rôles sans saveur que lui proposent les réalisateurs depuis ses débuts. Grâce au diptyque Replicant / In hell, Van Damme a su passer à la vitesse supérieure. Il a compris que son aura n'est jamais aussi forte que lorsqu'il se met en danger et qu'il encaisse les coups. Van Damme est plus beau dans la souffrance que dans l'héroïsme primaire, et L'Empreinte de la mort en est la parfaite illustration. Grâce aux leçons durement acquises chez Lam, Van Damme s'est offert tout entier à Martinez et offre une prestation littéralement habitée, nous exposant une facette minérale et sombre qu'on ne lui connaissait pas. On appelle ça la maturité.

L'Empreinte de la mort, s'il n'est pas le meilleur Van Damme, reste donc une étape importante pour son acteur principal, qui prouve une fois de plus à ses fans et à ses détracteurs qu'il faudra encore compter sur lui à l'avenir. Espérons que le Kumité qu'il s'apprête à réaliser sera vraiment le nouveau Bloodsport qu'il nous promet depuis longtemps, et qu'il saura utiliser cette nouvelle maturité qui lui sied à ravir. En tout cas, Jean-Claude, ça va faire vingt ans qu'on le suit, et au vu de cette Empreinte-là, on n'est pas prêt de s'arrêter !

Retrouvez l'interview de Philippe Martinez , le réalisateur de L'Empreinte de la mort en cliquant ici

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