Alexandre : critique qui cache le soleil

Vincent Julé | 31 juillet 2017 - MAJ : 22/03/2021 12:08
Vincent Julé | 31 juillet 2017 - MAJ : 22/03/2021 12:08

Alexandre est un film monstre. Foisonnant, bruyant, boursouflé, hargneux, démesuré, confus, les adjectifs, qualificatifs et/ou péjoratifs ne manquent pas pour définir le nouveau Oliver Stone. Ils renvoient aussi tous à un même champ lexical : l'excès.

OLIVER LE GRAND

De la prestation très théâtrale d'Angelina Jolie (avec un sacré accent russe) aux crises de colère de Colin Farrell, en passant par des décors flamboyants et une caméra omnipotente, une vraie folie de tragédie grecque souffle sur le film, du début à la fin. Soit deux heures cinquante tout de même. Pour vous donner une idée, même vague, de cette expérience sensorielle, repensez à L'Enfer du dimanche, ses plans d'une demi-seconde maximum, ses soixante extraits musicaux à la demi-heure, ses scènes dialoguées filmées comme les matchs de football. Oliver Stone est l'ambassadeur d'un cinéma violent, agressif, voire prétentieux et démonstratif, diront certains. Quoi qu'il en soit, sa puissance visuelle est indéniable, et avec Alexandre elle gagne en cohérence.

 

Photo Colin FarrellColin Farrell

 

Car le réalisateur tient là un sujet, ou plutôt un personnage, Alexandre le Grand, à la mesure de ses envies. Il déploie ainsi toute son énergie pour dépeindre un homme complexe, fou, tiraillé entre ses deux parents qui l'ont assigné au même destin extraordinaire mais de manière diamétralement opposée. Cette (dé)construction intérieure le poussera à dépasser toutes les limites connues – à 32 ans, son empire couvrait une bonne partie du continent eurasien –, et Oliver Stone n'hésite pas à le comparer à un dieu, ou ce qui s'en rapproche le plus.

Sa biographie tombe malheureusement dans les mêmes travers qu'un Gladiator ou un Troie : arrangements avec l'Histoire, ellipses, flash-back inutiles, caricatures… Les plus historiens d'entre vous sauteront sûrement au plafond. Mais au final, Alexandre se révèle moins une bio-epic qu'un pur objet cinématographique. Le héros incarné par un Colin Farrell parfois tout simplement possédé aurait pu ne pas s'appeler Alexandre. L'important est cette rage du désespoir qui habite chaque personnage et chaque moment du film. Et le résultat est impressionnant.

 

Photo Colin Farrell, Jared LetoSaurez vous trouver Jared Leto dans cette image ?

BASTON

La bataille de Gaugamèle est à ce point de vue exemplaire. Mais, avant tout, avouons que depuis quelques années une sorte de compétition s'est installée entre les productions hollywoodiennes. Toujours plus de figurants, d‘effets spéciaux, de carnage et de caméra à l'épaule. Alexandre, pourtant plutôt avare avec ses deux batailles, modifie considérablement la donne. En plus, ou en marge, du schéma habituel et incontournable – à la courte préparation suit le briefing des soldats avant que les deux camps se foutent sur la gueule –, le film propose une montée d'adrénaline non-stop pendant une vingtaine de minutes.

 

Photo Colin FarrellARE YOU ENTERTAINED ? Ah non..

 

À l'enchevêtrement des corps, au fatras des armes et à la bouillie visuelle, Oliver Stone préfère la tension du rituel de préparation, où chaque geste est posé, chaque regard, lourd de sens. Ainsi, avant même que le combat ne commence, a-t-il gagné la partie. Le spectateur est comblé, fébrile. Or, la bataille en elle-même ne déçoit pas non plus. Malgré les plans courts et les hectolitres d'hémoglobine, le spectateur comprend parfaitement ce qu'il voit à l'écran. Et le cinéaste ne laisse pas le temps de se lasser, puisqu'il y ajoute la notion non négligeable de stratégie. Rarement une scène de guerre n'aura été aussi viscérale et intelligible, à en ressentir des picotements le long de l'échine. 

 

Affiche française

 

Résumé

Alexandre est un film véritablement passionné, à en donner le vertige à son auteur et au spectateur averti. Le choix de Vangelis (Les Chariots de feu, 1492) à la musique en déroutera plus d'un, le sous-texte homosexuel n'est pas toujours très fin, la symbolique, parfois trop appuyée, et les thèmes abordés ou simplement esquissés sont légion. Mais il reste que les forces en jeu balayent tout sur le passage. Brutalement, frontalement. Le spectateur est lessivé, mais heureux.

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Lecteurs

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commentaires
nico
01/08/2018 à 13:21

Il est vrai que Colin Farrell est catastrophique, de sa coupe de cheveux ridicule à son jeu d'acteur tout aussi ringard. C'est simple j'avais envie de lui mettre des baffes tout le long du film. Et effectivement l'accent russe D'Angelina Jolie fait un drôle d'effet. C'est d'autant plus incompréhensible de la part d'un cinéaste de la trempe d'Oliver Stone, qui au final accouche d'un film intéressant dans sa manière d'aborder le sujet et pas si éloigné de ce qu'il a l'habitude de faire.

toff62
01/08/2018 à 13:15

Du grand cinéma !

Royo59
01/08/2018 à 12:16

A l'époque de sa sortir, j'avais vraiment pas aimé cette version ciné. Puis l'année dernière j'ai décidé de retenter le film, cette fois-ci dans la version ultime de 2012, de 206min et une histoire en ligne droite et non sur du flashback.
Et là on redécouvre le film que j'ai cette fois-ci adoré. Une oeuvre impressionnante, gigantesque, bon gros héritier des péplums qui méritent vraiment sa seconde chance.

corleone
01/08/2018 à 09:49

Le pire film d'Oliver Stone, réduire l'un des plus grands hommes de tous les temps en un gros lâche efféminé et pleurnichard. Son Alexandre n'a rien à y voir avec le conquérant de héroïque de l'histoire. J'ai détesté ce film et je le déteste encore. Plus jamais ça.

Andarioch
01/08/2018 à 09:45

Vu il y a longtemps mais j'en ai gardé l'idée d'un très bon film, envoûtant et généreux.
Malheureusement torpillé par Colin Farrell (que j'apprécie habituellement), ridicule en droopy peroxydé. Erreur de casting qui ne doit rien à son talent, je l'admet, mais qui m'a quand même pas mal gâché mon plaisir.

Oscar
01/08/2018 à 01:07

Je vous trouve un peu généreux sur la note mais mois que le film avec son spectateur
Une volonté de grand cinéma qui finit par s’imposer comme une réalité

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