Jared Leto : l'ange des ténèbres d'Hollywood est-il une arnaque ?

Lino Cassinat | 27 mars 2022
Lino Cassinat | 27 mars 2022

Il est souvent décrié pour son physique parfait d'éphèbe des ténèbres et certaines performances excentriques. Mais Jared Leto est-il vraiment une arnaque ?

C'est un acteur que beaucoup de gens aiment détester. Entre sa tête d'Apollon, son method acting extrême, son groupe de metal alternatif insipide et son Joker dans le tristement célèbre Suicide Squad, Jared Leto est un acteur régulièrement attaqué sur sa légitimité. D'Angela, 15 ans à Morbius en passant par Dallas Buyers Club, Blade Runner 2049 et bien sûr Requiem for a Dream, il est souvent réduit à un simple transformiste accompli, ou à un beau gosse lisse pour adolescent gothique arrivé au cinéma par hasard. Mais derrière les remarques faciles sur son physique et ses frasques d'acteur de studio, se cache un véritable talent victime de son image comme de ses propres tendances à l'auto-sabotage.

 

Morbius : photo, Jared LetoPetit tour d'horizon des arguments de vente de Jared Leto

 

DES DÉBUTS DANS L'OMBRE

Après une jeunesse assez mouvementée, marquée par le suicide de son père et de fréquents déménagements dus au mode de vie hippie de sa mère, Jared Leto se passionne de musique puis de théâtre. Son plan est de devenir réalisateur et de prendre des rôles mineurs, dans un but purement alimentaire, mais tout change avec son apparition dans Angela, 15 ans, une série télé annulée au bout d'une saison, mais devenue culte dans laquelle il tient l'un des rôles principaux.

Il y incarne Jordan, un bad-boy rebelle, frappé d'un trouble de l'apprentissage qui le rend plus ou moins analphabète. Un personnage beau comme un Dieu, mais qui cache une fragilité extrême, qui le met toujours sur la brèche et le met à l'écart socialement. Un rôle particulièrement annonciateur de ce qui va suivre, qui contient déjà un des éléments principaux de la signature du rôle à la Jared Leto : le mélange entre perfection extérieure et fêlure intérieure - si possible le conduisant à une fin funeste.

 

Angela, 15 ans : photo, Jared Leto, Claire DanesManque plus que la chemise en flanelle et le skate

 

Si sa célébrité semble relativement récente grâce à son Oscar en 2014 pour Dallas Buyers Club, ou encore grâce à son rôle dans le classique des années 2000 Requiem for a Dream, Jared Leto est donc en réalité repéré une première fois dès 1994 grâce à Angela, 15 ans. Puis une deuxième fois en 1997 dans Prefontaine, où il interprète le rôle de Steve Prefontaine, un coureur de fond américain au destin contrarié et tragiquement décédé à 24 ans dans un accident de voiture alors qu'il était en état d'ivresse. Un autre personnage tragique droit dans le sillon de Jared Leto, et qui va faire émerger sa deuxième caractéristique principale d'acteur : l'immersion totale via le method acting - aussi appelé système Stanislavski.

Pour se préparer au rôle, Jared Leto s'immerge complètement dans la vie de Steve Prefontaine, imite les postures et la voix du coureur, adopte son style de course particulier et se teint les cheveux. L'acteur travaille tant la ressemblance avec son sujet que le résultat est presque dérangeant, la proximité avec le réel si forte que la comparaison avec le vrai et le faux Steve Prefontaine donne un léger sentiment de traverser la vallée de l'étrange. Mais à tout seigneur tout honneur, bien que Prefontaine se plante salement à sa sortie et soit tièdement accueilli par la critique, le travail accompli par Jared Leto est remarquable et il commence à être reconnu par ses pairs.

 

Prefontaine : photo, Jared LetoIl se fait aussi pousser la moustache

 

Celui-ci lui ouvre l'accès à des films prestigieux, mais toujours dans des seconds rôles mal identifiés par le public - à tel point que nombreux sont ceux qui ignorent la première partie de la carrière de Jared Leto, pourtant sous la houlette de grands cinéastes et faite de petites interventions dans des films très connus, comme La Ligne rouge de Terrence Malick, Fight Club et Panic Room de David Fincher et dans American Psycho.

En 1998, les rôles commencent à s'enchaîner, et celui qui voulait devenir réalisateur apparaît dans pas moins de trois films, mais aucun ne lui met particulièrement le vent dans le dos. S'il tient le premier rôle dans Basil, le film est démoli par la presse et bide en salles. Il apparaît plus en retrait dans Urban Legend, un slasher très mauvais, mais énorme succès au box-office. Et malgré une prestation réussie, à mi-chemin entre le drolatique et le désespéré, son rôle tertiaire et noyé au milieu d'un casting pléthorique dans La Ligne rouge ne l'aide pas non plus à exister.

 

La Ligne rouge : photo, Jared LetoEt devinez qui est le premier à mourir ?

 

1999 sera plus ou moins du même acabit avec des rôles secondaires dans deux films dispensables, avant un troisième rôle secondaire dans Fight Club, plus investi physiquement par le comédien et qui s'annonce lui aussi assez programmatique. Jared Leto y incarne Gueule d'Ange, le lutteur peroxydé auquel Edward Norton inflige une grosse rouste, au point de le défigurer. "C'était comme casser un truc joli", dit-il. Ou chanter un requiem pour un rêve ?

 

Fight Club : photo, Jared Leto, Edward NortonY'a pas à dire, il est bien cassé

 

NAISSANCE D'UNE EMO-ICÔNE

Au début des années 2000, tout change du tout au tout pour Jared Leto grâce à son rôle dans Requiem for a Dream de Darren Aronofsky, un film particulièrement dur sur l'addiction qui aura marqué au fer rouge toute une génération. L'acteur y incarne Harry, un jeune accroc à l'héroïne dont l'addiction va déposséder de tout : sa petite amie, sa mère, son meilleur ami, son bras gauche, sa dignité, ses rêves. Parfaitement conscient de la beauté quasi-surréelle de son casting principal, Requiem for a Dream s'appuie sur une vieille ruse de mise en scène, antique même, qui veut que plus les héros d'une histoire sont beaux et purs, plus leur chute paraît injuste, illogique, et donc tragique.

 

Requiem for a Dream : photo, Jared Leto, Jennifer ConnellyOh comme ils sont mignons ceux qui vont se faire dégommer

 

Ce rôle sera fondamental dans la construction du mythe de l'acteur auprès du grand public, et identifiera clairement (et pour assez longtemps) quel est son archétype. Pour résumer : les gueules d'ange - si possible à mèche - souffreteuses à fleur de peau, victimes d'une damnation secrète ou d'une malédiction à défaire qui peut les perdre à tout instant. Le tout assorti d'une certaine tendance à se faire salement et littéralement amocher. Sur la trentaine de films à son actif, Jared Leto meurt 11 fois à l'écran, quand il ne se fait pas amputer d'un bras dans Requiem for a Dream, couper un doigt dans The Outsider, aveugler dans Blade Runner 2049... Jared Leto n'a pas peur de donner de lui, littéralement.

 

Requiem for a Dream : photo, Jared LetoJared Leto dans l'imaginaire collectif en une image (excellent cosplay du chanteur de Thursday par ailleurs)

 

Son rôle dans Requiem for a Dream rappelle également sa deuxième caractéristique principale en tant qu'acteur, puisqu'il va de nouveau assez loin dans l'identification au personnage qu'il incarne à l'écran. Il passe plusieurs nuits dehors, au contact de vrais accros aux drogues dures. Il s'impose également une sévère diète et perd 13 kilos, en plus de s'interdire relations sexuelles et consommation de sucre avant le tournage, pour paraître en manque et incarner au mieux ce mis à l'écart du rêve américain que ce moment de l'histoire culturelle américaine affectionne tant durant cette période post-grunge. Dans le prolongement du martyr d'Harry, Jared Leto devient rapidement une icône de beauté et pas qu'au cinéma.

 

Jared Leto : clip 30 Seconds to Mars Vous êtes vraiment sûrs de vouloir revivre la musique des années 2000 ?

 

On ne peut en effet pas comprendre à 100% l'icône Jared Leto sans faire un petit détour par sa carrière musicale et son groupe 30 Seconds to Mars. Groupe qui jouira d'un beau succès avec son premier album de rock alternatif avant de surfer sur la sombre vague mèche/slim/t-shirt rayé dite "emo" (en réalité un mauvais emploi du terme, mais on se battra sur la terminologie plus tard, que les fans d'American Football nous pardonnent). Revoyez le clip de The Kill, toute la panoplie du cliché romantico-dépressif Jared Leto y est condensée, avec même un hommage mou à un film d'horreur : Shining. L'album A Beautiful Lie se vend à plusieurs millions d'exemplaires en 2005, et Jared Leto devient une rockstar.

Son apparition en golden boy au sourire Colgate dans American Psycho mis à part, toutes les années 2000 seront à l'aune de cet imaginaire cristallisées dans 30 Seconds to Mars - et dont on trouvait déjà des échos dans ces rôles de la décennie précédente. Jared Leto joue des princes déchus, victimes de leurs propres passions, ou dommage collatéral des vicissitudes/hybris de leur entourage. Il est tué par les conquêtes de son meilleur ami dans Alexandre, entrainé par son frère dans un engrenage infernal puis abattu comme un chien dans Lord of War, emprisonné à vie dans Chapitre 27 alors qu'il voulait juste être fan, en quête existentielle impossible et condamné à mourir encore et toujours dans Mr. Nobody.

 

Panic Room : photo, Jared LetoEncore embarqué dans une galère qui le dépasse dans Panic Room (et on ne parle pas de ses cheveux)

 

Autant de rôles proches dans leur finalité, mais qui permettent à Jared Leto d'explorer une certaine variété dans sa palette d'acteur malgré tout et de continuer à expérimenter. Alors qu'il explore un rôle presque infini dans Mr. Nobody, un agglomérat de toutes les potentialités et variations d'un individu au sein d'un dispositif de mise en scène qui lui permet de revisiter un seul et même personnage traversant plusieurs chronologies modifiées en fonction de ses choix, Chapitre 27 signera sa transformation physique la plus extrême - bien que pas la plus absurde. Jared Leto prend en effet trente kilos pour incarner l'assassin de John Lennon, ce qui le rend obèse et lui donne la goutte.

 

Chapitre 27 : photoMême gros, il ne faut jamais oublier la mèche 

 

TROP BEAU POUR ÊTRE VRAI

Pour autant, cela n'attire pas l'attention. Aucun de ces deux films ne parvient à assoir sa réputation d'acteur de talent et à introduire de la diversité dans son image publique à cause d'une trop faible exposition. Jared Leto existe avant tout aux yeux du grand public à travers sa carrière de rockstar, son physique avantageux et son rôle dans Requiem for a Dream (et un peu Lord of War). Autant d'avantages transformés en obstacles qui se mettent en travers du chemin de l'acteur, volontiers caricaturé en beau gosse geignard pour midinettes au tournant des années 2010.

Cette caricature à des origines multiples. D'une part, elle est le produit évident d'une volonté iconoclaste d'abattre l'idole d'une esthétique devenue rapidement obsolète et ridicule aux yeux de tous. D'autre part, elle vient aussi d'une confusion largement répandue dans la biographie de Jared Leto, qui fait croire à de nombreuses personnes que l'acteur est arrivé au cinéma grâce à son statut de rocker et ses airs d'Apollon.

Une confusion qui sera entretenue par son absence quasi-totale des écrans entre 2009 et 2013, période durant laquelle le rocker-acteur (rockteur ?) prend une pause et se consacre à d'autres projets dont notamment une tournée extrêmement longue (300 concerts) pour l'album This is War, qui se vend comme des petits pains.

 

Lord of War : Photo Nicolas Cage, Jared LetoToujours plus de mèche, toujours plus de tragédie

 

Jared Leto expliquera dans une interview pour GQ qu'il n'est, à ce moment-là, pas du tout pressé de revenir sur un plateau de tournage. 30 Seconds to Mars est en effet au fait de sa gloire et remplit des stades entiers. Jared Leto récolte avec son frère batteur le fruit de plusieurs années de dur labeur, alors que sa carrière au cinéma semble au point mort. Mais 2013 sera l'année du grand renouveau pour Jared Leto et un nouveau sommet.

Passé complètement sous les radars du grand public, il revient d'abord avec un nouvel album de 30 Seconds to Mars qui fait encore un carton plein, mais aussi avec Dallas Buyers Club, un film où il tient encore un second rôle, mais dans lequel il livre une performance ahurissante. Il y joue Rayon, une femme transgenre atteinte du VIH, et pour se préparer pour le rôle, Jared Leto pousse l'immersion encore plus loin que précédemment. Il perd 13 kilos, se rase les sourcils, s'épile l'intégralité du corps et surtout, refuse de sortir de son personnage durant l'intégralité du tournage.

 

Dallas Buyers Club : photo, Jared LetoOui c'est lui à gauche

 

Le réalisateur Jean-Marc Vallée dira en interview : "Je ne connais pas Leto. Jared ne m'a jamais présenté Jared". Méconnaissable, Jared Leto livre dans Dallas Buyers Club une performance forte, bouleversante, remarquable, et surtout, remarquée. Dallas Buyers Club jouit en effet d'un gros succès critique et commercial (55 millions de dollars rapportés en Amérique seule, alors que le film n'a coûté que 5 millions à produire), et attire l'attention des Oscars. Pour Jared Leto, c'est la consécration, puisqu'il termine récompensé par l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.

Le monde redécouvre Jared Leto sous un nouveau jour, avec un look très différent - mais toujours dans la canon esthétique de l'époque. Fini la mèche emo, les vêtements noirs et les allures d'éphèbe en plein sevrage : il arbore désormais un costume blanc, des cheveux longs et une barbe. L'aura de l'acteur change complètement. Désormais en possession de la précieuse statuette et débarrassé de son précédent mythe devenu encombrant, Jared Leto est triplement métamorphosé : à l'écran, dans les esprits et dans la réalité... ou pas.

Car au fond, l'image de Jared Leto a été moins modifiée que réactualisée en fonction du sens du vent. Le monde et les modes ont bien changé treize ans après l'année 2000, et si Jared Leto est parvenu à brillamment survivre au changement d'époque, la rupture n'est pas encore totalement consommée, Dallas Buyers Club lui ayant encore apporté un rôle de victime sacrificielle, d'être à la beauté divine frappé par une malédiction qui lui apporte la mort. Alors, pour bien achever sa nouvelle mue, Jared Leto va garder ce qui marche - la transformation physique et le method acting - et virer définitivement ce qui ne marche pas. De victime, il devient bourreau. De gentil, il passe à méchant... et d'acteur, il passe à animal de foire.

 

Dallas Buyers Club : photo, Jared LetoVous avez adoré ? En voilà encore

 

JUSQU'AU BULLSHISTE ?

En interview pour GQ, un journaliste demande à Jared Leto si le processus d'immersion, les pertes ou gains de poids et les épreuves mentales qu'il s'auto-inflige l'aident pour incarner des rôles difficiles. Jared Leto répond alors : "Oui, carrément. Je ne sais pas comment les autres font autrement". Ce à quoi un certain Martin Freeman répondrait, comme dans son entretien avec le podcast Off Menu et alors qu'il discutait de Jim Carrey dans Man on the Moon :

"Le method acting est une manière de travailler très peu pratique. Pour être honnête, c'est emmerdant quand quelqu'un 'se perd' dans un rôle. C'est massivement emmerdant parce que ce n'est plus un artisanat ou un métier (...). Il faut rester ancré dans le réel, ce qui ne veut pas dire qu'on ne se perd pas entre 'action' et 'coupez', mais je crois que tout le reste est un charabia absolu et prétentieux, hautement amateur. Ce n'est pas professionnel. Fais ton travail."

 

Suicide Squad : photoOn en reparle, mais c'est vraiment pour vous faire plaisir hein

 

Chacun se fera son avis sur la question en général, mais les mots durs de Martin Freeman à l'endroit de Jim Carrey trouvent un certain écho dans le cas de Jared Leto, qui s'est depuis quelques années enfermé dans une approche de son métier qui produit certes des résultats spectaculaires... mais aussi quelques excès. En particulier une prééminence de la performance quasi-sportive de transformation au détriment de sa pertinence, et dont le Joker est un parfait exemple.

Certes, Jared Leto ou pas, Suicide Squad est un très mauvais film, et cela n'a pas du aider à la réception de son Joker. Toujours est-il que sa prestation n'a pas convaincu tant s'en faut, et qu'il serait un peu trop simple de reporter la faute sur David Ayer et Warner seuls. Bien sûr, la nouvelle direction artistique hasardeuse du personnage et les indications de jeu y ont sûrement été pour quelque chose, mais Jared Leto apparaît également trop conscient de lui-même. Chacune de ses scènes devient le Jared Letshow, et c'est toujours embarrassant.

 

Zack Snyder's Justice League : photoMême dans la version "mieux" de Zack Snyder c'est le malaise

 

Comme un guitariste soliste qui se laisserait aller pendant un solo de vingt minutes avec des gants de boxe tout en traduisant du Hegel en javanais, Jared Leto se dévoile virtuose, mais horriblement à côté de la plaque. Ce n'est plus une incarnation, c'est un numéro de chien savant. Jared Leto rit, imite le chat (seigneur...), hurle, rit, se recoiffe, singe Marilyn Manson (ce qui a terriblement mal vieilli), rit, mais surtout, il fatigue par son surjeu constant, qui n'amuse absolument pas la galerie. Et même quand il a droit à une séance de rattrapage dans Zack Snyder's Justice League, on serre les dents.

D'ailleurs, ses prétendues excentricités derrière la caméra prennent le dessus sur le film et deviennent même une sorte d'argument promotionnel. L'acteur en a nié la véracité de certaines, mais d'autres membres du casting comme Viola Davis racontent que Jared Leto, pour toujours plus d'immersion dans son personnage, envoie des cadeaux macabres : un cochon mort, un rat dans une boîte pour Margot Robbie, des balles de pistolet, des préservatifs usagés... Vrai fait ou élément de com' mis dans la bouche de du casting pour vendre le film ? Mystère. Mais le fait que cela soit plausible témoigne déjà qu'il y a un petit problème dans le cirque Jared Leto, en train de devenir un clown ni drôle ni triste, juste pénible.

 

Suicide Squad : photoOn ne sait plus si c'est l'acteur ou son dentier qui joue

 

ATTENTION À LA MALBOOF

Si Jared Leto a toujours intégré et même joué avec les transformations physiques dans sa palette d'acteur, il s'en dégage également une dangereuse tendance à les transformer en fin en soi, en argument déterminant dans le choix de ses rôles. Chacune de ses apparitions devenant un spectacle dans le spectacle, quitte à parasiter les films.

D'aucuns diraient d'ailleurs que cette tendance ne date pas d'hier pour Jared Leto, et dès l'époque, la question de l'intérêt de prendre 30 kilos de graisse pour un film aussi moyen que Chapitre 27 peut légitimement se poser (une question qui en appelle une autre d'ailleurs, toujours en débat : pourquoi ne pas prendre un comédien qui corresponde tout simplement au rôle - remarque également applicable à Colin Farrell dans The Batman). Mais depuis 2016, elle est en voie d'accentuation.

 

Blade Runner 2049 : Photo Jared LetoTout le monde me voit ? Parce que moi je ne vois rien

 

S'il ne cède pas à la tentation du tatouage yakuza comme Shia LaBeouf et se contente de se laisser pousser la barbe et les cheveux pour le sympathique et oubliable The Outsider - par ailleurs un discret retour vers le passé avec un autre rôle d'ange déchu -, il remet d'abord le couvert du n'importe quoi avec Blade Runner 2049. Pour un rôle mineur et court d'aveugle, il se rend tout simplement aveugle au moyen de lentilles spéciales. Certes, le résultat a quelque chose de magnétique, et le dévouement de Jared Leto même pour un petit rôle force le respect, mais à nouveau, une forme d'exubérance affectée et bizarre se dégage.

Mais le plat de résistance du ridicule, le service trois-pièces du craquage de slip se nomme House of Gucci, un film où Jared Leto établit clairement les limites de son jeu. Là encore, difficile de savoir ce que l'on doit exactement à Ridley Scott ou à Jared Leto, mais voir ce dernier cabotiner comme jamais sous une tonne de maquillage a quelque chose d'à la fois repoussant et alléchant, comme un bon gros kebab roquefort-harissa recouvert de graisse au chocolat. Pardon : "cioccolato".

 

House of Gucci : photo, Jared LetoCette fois c'est la prothèse en latex qui joue à la place du dentier

 

La fine ouïe d'hier est devenue une Florence Foster Jenkins, une cantate qui ne s'entend plus jouer faux et dont on ne sait plus s'il faut rire ou pleurer. Entre sa préciosité grotesque navrante et son faux occiput dégarni à mourir de rire, Paolo Gucci est une véritable contradiction en chair et en huile d'olive. D'ailleurs, personne ne semble être d'accord sur la performance de Jared Leto, à la fois remarquée par la critique comme l'un des points forts du film, nommée à plusieurs reprises pour des récompenses... mais également à deux Razzie Award pour pire acteur secondaire et pire duo de l'année avec "soit ses kilos de prothèses, ses fringues moches ou son accent ridicule". Ouch.

Que reste-t-il à attendre de Jared Leto ? Paradoxalement, maintenant qu'il est allé très (trop ?) loin dans la contradiction de son image, peut-être qu'un retour dans le giron de rôles plus proches de lui pourrait le sortir de la foire dans laquelle il est allé se fourrer par peur de finir dans une impasse artistique. D'ailleurs, il retrouve en ce moment de belles couleurs avec un rôle beaucoup plus sobre dans WeCrashed, une série qu'on vous recommande. Son prochain film avec Darren Aronofsky pourrait également le remettre sur de bons rails. Cependant, l'appel des rôles de composition semble irrésistible, et on attend sa prestation en Andy Warhol dans le biopic qui lui sera consacré avec pas mal d'appréhension.

 

Morbius : photo, Jared LetoC'est vrai que pour le coup, Jared Leto n'est pas allé chercher bien loin

 

Enfin, le cas épineux : Morbius. Un pseudo-vampire aux cheveux longs et noirs comme la nuit atteint d'une maladie qui le rend malingre et souffreteux. La moquerie est facile : Jared Leto dans le rôle de Jared Leto en somme. D'aucuns commencent d'ailleurs déjà à passer à la gausserie grasse depuis les premiers échos peu reluisants sur le film et sur la mauvaise foi consommée de Jared Leto, devenu le plus zélé défenseur de Marvel après avoir été éjecté du DCEU comme un malpropre.

Mais qui sait : cette deuxième tentative d'entrée dans le giga blockbuster hollywoodien lui assurera gloire et reconnaissance. Jared Leto est un acteur doué et dévoué après tout, qui mérite largement les honneurs. Pas sûr que ce soit le cas de tous les films dans lesquels il choisit de jouer.

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commentaires
Redwan78
04/04/2022 à 15:57

Pour une fois,je suis d'accord avec cette article et surtout l'explication de Martin Freeman. Être dans son personnage,l'un des seuls qui sait le faire c'est Daniel day Lewis. Le meilleur acteur anglais de ces 20 dernières années.
Je regarde la série wecrashed, pour une fois,il joue juste
Jared Leto a quand même joué l'un des plus mauvais Joker.

Fuck Tom
28/03/2022 à 19:23

@ Jo Rudon

T'as pas honte ? Toi qui doit rêver de nuits homosexuels avec Tom Cruise, ce boudin de nain sur ceux.

Brosdabid
28/03/2022 à 18:27

Ça restera l acteur de Requiem, juste pour ce rôle, il restera pour longtemps dans ma mémoire
Après bon il est comme Johnny Depp, il aime bien se travestir

Pas fan mais..
28/03/2022 à 13:26

C'est un acteur que je n'aime pas du tout, j'aime pas son style de jeu, mais il faut avouer qu'il s'investit comme un dingue dans ses rôles alors que la plupart des acteurs glisse tranquille dans les rôles sans se forcer juste par leur statut d'icône du cinéma.
Après est ce une arnaque, peut être.
Mais vous savez dès qu'ont sort des sentiers battus on est bon à donner aux chiens.

Tabata Cash
28/03/2022 à 12:59

Je ne suis pas fan du tout de cet acteur mais la, dans cet article on sent carrément un complexe d’infériorité remonter, ça doit être physique, l'auteur n'a plus de quoi se faire la mèche ?

Lino Cassinat
28/03/2022 à 12:56

@Jo Rudon

Rassurez-vous il en faut plus que cela pour me vexer. Même ne pas lire l'article un de mes articles avant de le commenter ne m'atteint pas, c'est vous dire :)

Kyle Reese
28/03/2022 à 12:42

@BlackHeart666

"L'implication de la fumisterie ? De l'arrogance ? C'est plutôt l'inverse. Parce qu'il ne se repose pas sur des acquis, il va au-devant et propose une profondeur et un réalisme presque palpable là où d'autres ne font que "singer" leur rôle. Il plonge (et parfois se noie) dans ses rôles comme un peintre en transe devant sa toile. Car c'est ce que fait Leto, il apporte de l'art dans un 7ème art qui en manque quelque fois un peu."

Très beau texte. ;)

Franken
28/03/2022 à 11:50

L’exemple même de l’acteur qui n’est rien de plus qu’un acteur comme il y en a pléthore.
Mais qui semble tellement persuadé de son génie qu’il commet des performances gênantes et/ou risibles.

Dès qu’il n’est pas canalisé par une direction d’acteur solide, ça vire au numéro de cirque...
Atroce !

Jude
28/03/2022 à 11:15

Moins que vous en tout cas

BlackHeart666
28/03/2022 à 09:47

C'est Jared Leto. Un argument à lui tout seul. Acteur incroyable, chanteur incroyable. Humainement incroyable aussi.

Après, et c'est le cas de TOUS les acteurs, il y a forcément des moments où ça ne passe pas. Où ça ne match pas. Où le jeu ne fait pas mouche.

L'implication de la fumisterie ? De l'arrogance ? C'est plutôt l'inverse. Parce qu'il ne se repose pas sur des acquis, il va au-devant et propose une profondeur et un réalisme presque palpable là où d'autres ne font que "singer" leur rôle. Il plonge (et parfois se noie) dans ses rôles comme un peintre en transe devant sa toile. Car c'est ce que fait Leto, il apporte de l'art dans un 7ème art qui en manque quelque fois un peu.

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