Hunger Games : la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur - critique d'un début qui donne faim

Judith Beauvallet | 11 novembre 2023 - MAJ : 16/11/2023 10:05
Judith Beauvallet | 11 novembre 2023 - MAJ : 16/11/2023 10:05

Presque dix ans après le dernier volet de la saga Hunger Games sorti en 2015, la franchise qui a révélé Jennifer Lawrence revient avec un prequel consacré à la jeunesse du méchant président Snow, interprété jusque-là par Donald Sutherland. Toujours mise en scène par Francis Lawrence qui avait réalisé les trois derniers opus, l’histoire se passe désormais 60 ans avant les aventures de Katniss Everdeen. On y découvre un jeune Coriolanus Snow (Tom Blyth), un jeune-qui-n’en-veut qui va essayer de tirer son épingle du jeu au sein de l’aristocratie de Panem. À ses côtés, la rebelle du district 12 Lucy Gray (Rachel Zegler) est déterminée à ne pas finir sacrifiée sur l’autel des Hunger Games. Une histoire qu’on n’avait pas demandée, mais qu’on a eue quand même, et ça fait plutôt plaisir.

bonne surprise...

L'idée d'un nouveau Hunger Games avait de quoi inquiéter : ce nouveau film allait-il être, comme beaucoup de suite ou spin-offs de sagas, un résidu de fond de tiroir colmaté à la va-vite à coups d’effets numériques pour satisfaire quelques fans ? En réalité, le projet était dans les cartons depuis 2017, et il est le résultat d’un travail manifestement rigoureux. En tout cas, c’est le ressenti que donne le résultat final, car très peu de franchises peuvent se targuer de s’être aussi bien maintenues au fil des épisodes, notamment en se risquant à l’exercice du prequel.

Pour parler des qualités du film, il faut déjà noter que malgré sa longueur, jamais le rythme ne lasse ni n’épuise. Le scénariste Michael Arndt qui, en plus du deuxième Hunger Games, a aussi scénarisé Little Miss Sunshine, Toy Story 3 ou Le Réveil de la Force, fournit une écriture très complète, mais jamais superficielle. Si les actes bien distincts donnent parfois l’impression d’une trilogie rentrée au chausse-pied dans un seul film (la transition entre des phases de l’histoire radicalement différentes est parfois perturbante), les personnages sont réellement développés. Les séquences qui requièrent des respirations et du suspense, elles, sont volontiers étirées sans en faire trop (comme la scène de “chasse” en forêt).

 

photoRetour vers le futur de la télé-réalité

 

Par ailleurs, la direction artistique est à la hauteur de la saga originale, avec un Panem “vintage” inspiré de nos propres années 60 et 70 et des Hunger Games encore peu sophistiqués. Il faut dire que le film est visuellement plutôt réussi, avec une mise en scène solide et élégante (un choix peut-être un peu abusif du grand angle par moments, mais y’a pas mort d’homme), et des effets numériques très corrects quand on voit les soupes qu’a osé servir Hollywood ces dernières années. Pour la moitié du budget de The Flash (“seulement” 100 millions de dollars), cet Hunger Games terrasse n’importe quel Marvel récent sur le terrain de l’image (et du reste).

Mention spéciale à la séquence d’attentat dans l’arène et à son plan à 360° qui aligne les explosions. Un pari casse-gueule qui réussit finalement à en mettre plein la figure. Toutes ces qualités ne font pas du film un chef-d'œuvre, tant s’en faut, mais elles sont autant de marqueurs d’un travail honnête (à défaut d’être génial) qui offre aux fans et aux moins fans un blockbuster malin et efficace, dont la saga originale n’a pas à rougir. Ceci étant dit, il est tout de même temps de s’attarder sur les défauts qui tirent le film vers le bas.

 

Hunger Games : La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur : photo, Rachel Zegler, Tom BlythTom Blyth ou le de-aging de Donald Sutherland

 

... Et petite déception

C’est un gros regret, mais le point noir du film est de taille, puisqu’il s’agit du personnage de Lucy Gray incarné par Rachel Zegler. Alors que tout le monde avait hâte de voir une nouvelle performance de la jeune actrice après qu’elle a été révélée dans West Side Story de Steven Spielberg, ce n’est pas cet Hunger Games qui lui permettra de transformer l’essai. Figure convenue de poupée mi-effrontée mi-innocente, Lucy Gray est trimballée à droite et à gauche là où les autres voudront bien l’emmener, et n’existe que comme support de l’évolution du personnage de Snow.

Rajoutons à ça ses nombreux passages chantés qui arrivent comme un cheveu sur la soupe et plongent trop de séquences dans des affres de niaiserie gênante (la présentation du personnage sur l’estrade des tributs est particulièrement ratée tant elle est mal amenée), et on obtient un personnage très difficile à rendre convaincant, qui que soit son interprète.

 

Hunger Games : la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur : photo, Rachel ZeglerAttention, elle va (encore) chanter

 

Comment ce name-dropping complètement artificiel de Katniss et la citation de sa révérence iconique pouvaient provoquer autre chose qu’un terrible grincement des dents ? Rachel Zegler se repose donc surtout sur des mimiques irritantes, qui rappellent davantage l’immaturité du jeu d’une Keira Knightley dans Pirates des Caraïbes que le charisme d’une Jennifer Lawrence dans les premiers volets de la saga.

Heureusement, autour d’elle, la galerie de personnages secondaires consolide efficacement l’ensemble, Viola Davis et Peter Dinklage en tête. (sans oublier Jason Schwartman en présentateur télé, qui reproduit à merveille les attitudes de Stanley Tucci). Avec des looks impayables et une psychologie fine et intéressante (à tel point que le souhait d’un spin-off sur ces personnages-là se ferait presque sentir), ils apportent tout son sel au film, et renvoient parfaitement la balle au personnage de Snow dont le virage idéologique est plutôt bien écrit et négocié.

 

Hunger Games : la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur : photo, Peter DinklageUn rôle qui rappelle Tyrion Lannister, mais pas seulement

 

Le retour du blockbuster engagé

La puissance d’une saga comme Hunger Games, c’est la pertinence et la clairvoyance de sa teneur politique, complètement assumée. Sauf que depuis la sortie du dernier volet, Trump a été président des États-Unis et, pour un tas de raisons (liées ou pas), les discours réactionnaires se sont décomplexés (pas qu’aux États-Unis, d’ailleurs). Beaucoup de la dimension potentiellement sociale ou progressiste des productions hollywoodiennes a été atténuée, pour moins cliver un public que les blockbusters veulent toujours plus larges.

Par exemple, Disney repousse toujours les limites du puritanisme, ne montre plus jamais une goutte de sang et n’acte jamais la mort d’un personnage (et n’assume donc jamais de parler de réelle violence). James Cameron, de son côté, a proposé un Avatar 2 beaucoup plus tradi que le premier. Quant à Tom Cruise, il donne dans la redite nationaliste de Top Gun. En France, la ligne marketing à la mode tabassée par les acteurs lors de la promo des films est le fameux “on ne veut pas faire de politique”.

 

Hunger Games : la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur : photo, Tom BlythUn dictateur en devenir

 

Il est donc plaisant qu’un film grand public comme cet Hunger Games revendique encore, au bout du 5e volet et en pleine montée de l’extrême-droite, un film à la fois accessible et éclairé sur les mécanismes qui mènent au fascisme. Si les décors qui représentent presque à l’identique l’entrée du camp de concentration d’Auschwitz manquent de subtilité et de pudeur, ils affichent sans détour le caractère engagé du film. La bonne idée étant notamment de faire de Snow le personnage principal, qui subit la misère et l’humiliation qui vont nourrir sa violence, et de permettre au spectateur de s’y identifier pour que chacun puisse voir en soi le risque du glissement vers la haine.

Encore une fois, sous le spectacle, c’est une écriture intelligente qui achève de faire de cet Hunger Games un film à la hauteur de ce qu’on pouvait en attendre. Pas plus, certes, mais pas moins.

 

Hunger Games : la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur : Affiche française

 

 

Résumé

Une bonne surprise à la mise en scène solide et au message politique particulièrement prononcé et actuel. Si l'écriture du personnage de Rachel Zegler laisse énormément à désirer, la qualité de la direction artistique et des effets spéciaux fait de ce nouvel Hunger Games un volet à la hauteur de la saga d'origine. Une révolte plus intelligente qu'il n'y paraît et qui fait du bien.

Autre avis Antoine Desrues
Étonnant dans sa structure en trois actes faussement programmatique, ce nouvel Hunger Games assume sa dimension tragique, et la chute inévitable de ses personnages vers une politique réactionnaires. On ne s’attendait pas à une approche aussi rentre-dedans.
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Lecteurs

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commentaires
Porcaw
22/12/2023 à 09:57

Il faut avoir très peu de culture pour trouver ce film quali . Une seule chose a garder les oiseau de la pendaison .

Marc en RAGE
03/12/2023 à 07:44

j'ignorais que Hunger Games était une la comédie musicale !? faute d'un meilleur film à l'affiche vu ce film du début à la fin insupportable .
Hunger Games : la Ballade du serpent et de l'oiseau chanteur : Fuyez pauvre fou.

Flo
21/11/2023 à 13:12

... Baladins tristes.

Qu'est-ce qui fait qu'on a besoin d'un nouveau film de Hunger Games, alors que les 4 volets (nombre idéal pour une épopée suffisamment dense, saga pas abîmée par une floppée de volets) ont déjà tout dit... et que tout ce qu'ils ne disaient pas, on pouvait l'extrapoler facilement ?
Et bien parce-que presque 10 ans plus tard, on voit que les choses n'ont pas évolué. Pire, que le monde semble se rapprocher de plus en plus de la dystopie créée par Suzanne Collins, qu'il y a encore des écarts entre riches et pauvres, et des conflits terribles qu'on arrive à contrôler par la peur, la propagande et le profit... jusqu'à banaliser la violence - l'accès facile aux vidéos d'attentats horribles, par exemple.

Oui, et on revient même à ce qu'était le film introductif de Gary Ross, un opus quasi autocontenu qui va plus reposer sur la description du fonctionnement de cette société à travers des jeunes gens, ainsi que la construction médiatique qui apporte le pouvoir aux plus ambitieux. Une époque où l'espoir était encore lointain.
Toujours cette obsession pour la mythologie gréco-romaine (avec ces noms impossibles, qui ressemblent à des virus), toujours le fidèle Francis Lawrence, toujours un mélange entre gros spectacle et économie, des salauds cartoonesques fringués comme des sapins de Noël (mention à la tenue "tampax usagé" de Viola Davis !), des décors d'après-guerre familiers... Avec des jeunes malléables et des apartés romantiques réglementaires (c'est du Young Adult), chastes et dépassionnées mais surtout à cause de l'urgence de la situation...
Beaucoup de contre-plongées dans la mise en scène, sûrement pour créer une sensation d'écrasement, et toujours un peu trop de didactismes naïfs - le côté "prequel à la Anakin Skywalker", lui, obéit à plusieurs codes très usités (les références qui déboulent de manière forcée).

Satire des émissions de divertissement, le personnage (Arieléen) de Lucy Gray Baird étant la coqueluche du public grâce à ses chansons, on est en plein télé-crochet - et un petit peu un rôle méta pour Rachel Zegler, confinée aux mêmes types de personnages...
D'ailleurs cette omniprésence musicale ne fait qu'appuyer le côté folk américain de la Saga, ou les légendes se créent aussi par des chants traditionnels, tournant souvent autour de la mort.
Critique du Hollywood du moment, aussi : dès le début on dit que tout le monde se détourne des divertissements, et que c'est avec des idées plus radicales qu'on peut les faire revenir, qu'importe les sacrifices. Une idée qui peut séduire une partie de la critique, blasée et passablement agacée par une bienveillance qui pourrait limiter l'imagination, les prises de risques.
Au moins le film nous rappelle à quel point ça peut être dégoûtant, révoltant, et qu'en fait on ne voudrait pas avoir envie d'être addict à ça.

On est bien surpris de voir que toute la partie autour des jeux à Panem ne concerne qu'un peu plus de la moitié du film... puis qu'ensuite l'histoire se délocalise dans un District (on passe d'une couleur dominante à une autre tout opposée), pour mieux raconter la façon dont notre protagoniste principal, par rejet, finira par assumer son ambition, envers et contre tous.
L'un des intérêts de cet opus étant aussi de prendre un parti pris inverse des précédents : au lieu de suivre de pauvres héros rebelles, on prend comme point de vue premier un Rastignac, déterminé à rendre sa gloire à sa lignée tout en essayant quand-même de sauver les fesses de son seul ami et de sa protégée.
Le fait que ça soit Coriolanus Snow (l'ambigu Tom Blythe) plutôt qu'un personnage équivalent qui serait moins prévisible, ce n'est pas trop grave. Ça permet de revoir l'intégralité de la Saga comme étant aussi l'histoire d'un homme coincé par son ascendance, incapable de devenir un héros et de savoir aimer.
Ainsi la romance naissante entre lui et Lucy sera vouée à l'échec (complété par une étonnante irruption du Surnaturel), comme l'anticipent à plusieures reprises ces scènes régulières où ils sont tous les deux présents à l'image dans le même gros plan, tout en étant séparés par un élément de décor qu'ils ne verront jamais.
Et seule comptera la loi du plus fort.

Pas du tout un film fait pour aller bien, pour oublier les problèmes extérieurs... Mais plutôt pour regarder bien en face de quoi l'avenir peut être fait, et quels sont les gens avides qui vont l'écrire.
"Snow thérapie"

BeaAD
19/11/2023 à 13:44

Film vide et insipide. Sans intérêt.

Morcar
19/11/2023 à 01:06

@Snow, c'est incroyable comme il y a des gens comme vous qui trouverez toujours un moyen de faire des reproches. Si EL avait fait une critique négative du film, on leur aurait encore reproché de ne rien aimer (alors que la critique ici présente prouve une fois de plus le contraire). Mais là, alors qu'ils font une critique finalement positive du film, vous leur retombez dessus aussi.
Ca ne vous arrive jamais d'avoir un mauvais a priori sur quelque chose et de finalement vous rendre compte que vous vous étiez trompé ? Vous ne pensez pas justement que c'est tout à l'honneur d'EL d'admettre que le film est finalement bon ?

@Leatiti, sérieusement, vous payez 15 € votre place ? Je sais que par exemple en région parisienne le cinéma est plus cher, mais j'imagine que là-bas comme en province il y a des offres diverses d'abonnement ou de cartes annuelles permettant d'avoir les places à prix réduit, non ? Donc à moins de n'aller au cinéma qu'une seule fois par an, vous devriez pouvoir trouver un moyen de payer vos entrées moins chères.

Leatiti
16/11/2023 à 21:18

Je l'attendais sans rien à en espérer et c'est ce qui c'est passé.
Mon compagnon a dormi (mais ce n'est pas nouveau).
Je ne sais pas quoi dire de plus.
15e la place pour un film oubliable ?

le fan
16/11/2023 à 19:52

Le film est vraiment nul, comparé au livre, qui est mille fois mieux; même si les acteur qui y jouent sont merveilleux, et expriment parfaitement la complexité de leur personnages. C'est simplement le regroupement des éléments essentiel du livre, liés entre eux comme ils ont put. Aucun intérêt.

Snow
15/11/2023 à 04:08

@Jerome13004
Le message des films Avatar est justement tout à fait consensuel. Dénoncer la société américaine c'est ce qu'il y a de plus commun dans le cinéma depuis plus de 20 ans au moins. Montrer des méchants humains (de préférence blancs et américains) qui persécutent des peuples ou des animaux c'est du déjà vu et revu. Une preuve récente : le dernier blockbuster de SF en date, The Creator, nous ressert exactement ce propos.

Snow
15/11/2023 à 03:57

@Decebe
Alors t'es bien gentil mais vois-tu j'ai contribué (de façon modeste certes) à la cagnotte lancée par Ecran Large sur Ulule donc je n'ai aucune leçon à recevoir de ta part sur la lutte des journalistes pour leur indépendance, merci bien. De la même facon que je défends Ecran Large, j'ai aussi le droit de les critiquer. Surtout lorsque leur propre rôle est la critique et qu'ils n'hésitent pas eux-mêmes à adopter un ton parfois virulent voire méprisant. Tu veux encore un exemple ? Voici un autre lien :

https://www.ecranlarge.com/films/news/996007-planquez-vous-twilight-et-hunger-games-pourraient-bientot-revenir

Un bel exemple de mépris doublé de sarcasme à l'égard d'Hunger Games et de son retour, on y est. Ça se rajoute aux autres liens que j'ai posté précédemment. J'ai pas le droit de critiquer ça ? De pointer le fait qu'ils ont longtemps craché sur cette saga et ce préquel qu'ils qualifient aujourd'hui de "blockbuster engagé" ? Le fameux blockbuster engagé qu'ils ne voulaient pas voir ... Alors qu'ils se soient trompés, très bien, mais dans ce cas qu'ils le reconnaissent. Et qu'ils évitent à l'avenir de condamner des projets prometteurs pour ensuite en dire du bien comme si de rien n'était.
Fin d'histoire.

Jerome13004
14/11/2023 à 16:49

"James Cameron, de son côté, a proposé un Avatar 2 beaucoup plus tradi que le premier."

On a quand mêmes des colons qui reviennent sur une planète, rase-tout pour construire une ville, pourchasse les indigènes, buttent des baleines pour de l'argent, et massacrent les indigènes.

On peut reprocher à James Cameron de pas être toujours subtil dans la métaphore, mais la charge contre la société occidentale (et en particulier contre la société américaine et la rapacité du capitalisme est loin d'être "consensuelle)

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