Fair Play : critique d'une liaison dangereuse sur Netflix

Un couple parfaitement normal

Fair Play, c’est d’abord l’histoire d’un jeune couple. Emily et Luke, qui, on nous le montre assez vite, passent leur temps à avoir des relations sexuelles, semblent filer le parfait amour. Ils se fiancent, promettent de vivre ensemble et heureux jusqu'à la fin des temps, bref, un début de comédie romantique des plus classiques. Après ce début si idyllique, on attend la petite bête, et Fair Play ne met pas beaucoup de temps avant d'exposer le détail qui finira par nuire à ces jeunes et fougueux amants.

Il n'est pas si facile de faire croire à la véracité d'un couple à l'écran et encore moins quand le film ne montre pas les débuts d'une relation, les rapprochements et donc la création d'une alchimie entre deux personnages. Il faut donc noter la complicité à l’écran de ce duo d'acteurs, qui fonctionne certes parce qu’ils sont beaux (un détail qui n'en est pas un quand la romance est au cœur du récit), mais surtout parce qu'ils jouent bien.

Si Alden Ehrenreich est récemment sorti du néant post-Solo : A Star Wars Story en jouant dans le Oppenheimer de Christopher Nolan (passons sur Crazy Bear) et qu'il est tout à fait plaisant de le retrouver ici, c'est surtout Phoebe Dynevor qui se démarque. L'actrice britannique casse ici son image de jolie vierge de Bridgerton avec un rôle qui lui permet d'explorer et d'exposer sa palette de jeu.

Qu'ils ont l'air gnangnan ces deux-là

L’amour au travail, c’est non

Malgré un début tout en romantisme, sexe et complicité, la parfaite romance prend un tournant quand la promotion attendue par Luke est finalement donnée à Emily. Ce n'est pas tant le fait de travailler ensemble, et de devoir cacher leur couple à leurs collègues et à leurs supérieurs qui vient bouleverser leur relation, mais bien cette promotion. Emily devient la supérieure hiérarchique de Luke.

Si le couple au travail est souvent un sujet de comédie – la relation cachée permettant de mettre en avant des situations des plus cocasses –, cette promotion fait basculer le récit dans le drame, puis le thriller. À l'origine égaux, au travail et donc dans leur intimité (on comprendra bientôt à quel point les deux sont liés), Emily et Luke ne jouent plus dans la même cour. Sa prise de pouvoir à elle se fait forcément à son détriment à lui, selon lui.

De l'embrouille dans l'air 

La mise en scène de Fair Play appuie cette nouvelle différence en continuant de les montrer au travail, mais de part et d'autre de la vitre du nouveau bureau d'Emily qui les sépare. Ils ne partagent plus le même espace et donc, la dynamique de leur couple change. Le gendre parfait, blessé dans son égo, va petit à petit modifier son comportement. Petite lacune du scénario, on ne connaitra jamais la réelle influence qu'ont eue ses lectures, visionnages et écoutes d'une sorte de gourou du développement personnel sur son changement de comportement.

Fini l'érotisme, le personnage se sert de la privation de relations sexuelles pour exercer une forme de pouvoir sur sa partenaire. L’évolution du personnage est fulgurante, mais bien amenée, la mise en scène s'applique à exposer toutes les étapes de sa bascule qui révèle un malêtre antérieur et déjà bien ancré. Fair Play va jusqu’au bout de cette mutation en transformant le prince charmant en véritable détraqué, capable de commettre le pire. La tension s'immisce au fur et à mesure.

Pas plus creepy

a man's world

Si les dynamiques de pouvoir au sein du couple sont au cœur de l’histoire, on regrette que le film ne s'intéresse pas plus à la nouvelle position d’Emily, qui est l'un des plus grands facteurs de la haine de son fiancé. Dans ce monde de la finance, un environnement de travail masculin où le sexisme est banalisé, la jeune femme doit redoubler d'efforts pour s’intégrer, pour “faire partie des hommes”. Ce point précis fait partie de son évolution à elle, une évolution malheureusement trop laissée de côté.

Pour prétendre faire partie de la bande, être comme ses collègues masculins, Emily les invite dans un club de strip-tease et se fond dans la masse en buvant et en jetant des billets. Cette séquence touche du doigt ce sujet malheureusement trop peu exploité qui a pourtant une influence sur ce couple puisque la jalousie de Luke vient aussi de là. Il observe sa fiancée s'intégrer dans un univers très masculin où l'on parle bourse et gros chiffres, mais il n'est pas convié à la fête.

Méfiez-vous de l'homme qui dort

Si l'on peut même aller jusqu'à dire que la trajectoire du personnage d'Emily est finalement plus impactant que l'histoire de son couple (ce qui est tout à fait recevable), c'est finalement quand ce couple éclate que le personnage se révèle le plus intéressant. C'est quand il dépasse les limites qu'elle comprend l'ampleur des dégâts. Fair Play expose toute la haine refoulée d'un personnage masculin envers sa propre fiancée, une femme qui s'est retrouvée au-dessus de lui, une position qu'il n'a pas pu supporter.

Le film romantique Fair Play est disponible sur Netflix depuis le 6 octobre 2023.