Alana, déesse de justice - critique du Wonder Woman indonésien

Mathieu Jaborska | 7 septembre 2023 - MAJ : 07/09/2023 10:59
Mathieu Jaborska | 7 septembre 2023 - MAJ : 07/09/2023 10:59

Le BumiLangit Cinematic Universe, la réponse indonésienne au Marvel Cinematic Universe et autres DCEU, s'est enrichi en 2022 d'un nouveau personnage : Sri Asih. La Wonder Woman locale atterrit en France ce 6 septembre 2023 directement en VOD et DVD. Et bien que l'univers élaboré par Joko Anwar et la réalisatrice Upi Avianto reste amusant, ce Alana, déesse de justice (titre français) n'est pas à la hauteur de son prédécesseur.

La dame Anwar

Fort d'une carrière impressionnante en Indonésie, notamment composée de très bons films d'horreur (The Forbidden Door, Satan's Slaves, Impetigore), le cinéaste Joko Anwar a entrepris en 2019 de doter son pays de son propre MCU. Le BumiLangit Cinematic Universe affiche sa volonté d'appliquer la stratégie popularisée par Disney à l'échelle locale grâce au catalogue impressionnant détenu par Bumilangit, regroupant plus de mille super-héros du coin. Une initiative qui a valu au studio une collaboration avec Disney+ Hotstar (la version de la plateforme en activité en Asie du Sud-est) et même la bénédiction de Kevin Feige en personne. La boucle est bouclée.

"Je sais exactement ce que c'est de rêver à l'invention d'histoires épiques et je suis certain que le futur du cinéma indonésien est entre de bonnes mains. N'aie pas peur d'étendre cet univers", lui conseilla ce brave Kevin. Et Anwar ne s'est pas fait prier. En 2019, il inaugurait lui-même la franchise avec Gundala, retitré Red Storm pour le public français habitué aux surhommes occidentaux.

 

Alana, déesse de justice : Photo Pevita Pearce, Pevita PearcePose 1

 

Et le résultat était une très bonne surprise. Bien conscient qu'il n'a pas les moyens de Disney, Warner, Sony et consorts, le metteur en scène a repris tel quel la plupart des codes de ses collègues américains, tout en mettant l'accent sur des bastons solides, quelques ruptures de ton et surtout un étonnant sous-texte social adapté à son public. De quoi se différencier de ses modèles.

Pas question de s'arrêter là : sans attendre l'énorme succès de Gundala, il avait d'ores et déjà annoncé superviser en tant que producteur exécutif une série de 7 films, s'achevant, évidemment, par un crossover intitulé Patriot. Sri Asih, qui nous arrive en France sous le titre Alana, déesse de justice, est donc le deuxième d'entre eux. Anwar a confié la réalisation à sa compatriote Upi Avianto, elle aussi cinéaste confirmée, tout en restant scénariste à ses côtés et à ceux de Raden Ahmad Kosasih. Le rôle-titre est lui tenu par Pevita Pearce, qui avait un caméo dans Gundala. Celui-ci respectait décidément la formule à la lettre.

 

Alana, déesse de justice : photo, Pevita Pearce"J'ai enfin eu ce moustique"

 

Alanoix

Cet Alana ne déroge pas à la règle. Outre le traditionnel générique, il recycle nombre de gimmicks des blockbusters de l'oncle Sam, jusqu'à la musique, très, très influencée par l'école Zimmer et plus particulièrement par son thème de Wonder Woman. Rien d'étonnant : impossible de ne pas instantanément penser à l'Amazone de DC, laquelle a très probablement été une référence pour les scénaristes.

Origin story mythologique (toutefois ici décorrélée du folklore européen), thématiques féministes bien bourrin assénées à coups de punchlines ringardes, un amour assumé pour l'esthétique kitsch des vieux comics (Sri Asih est la création de l'un des pères fondateurs du comics indonésien), des pouvoirs surpuissants, des avant-bras pare-balles et une longue écharpe en guise de fouet... tout y est. À ceci près que la jeune femme a été adoptée enfant par une coach de free-fight. Malgré l'adversité, elle devra apprendre à ne pas se laisser emporter par la colère afin de faire le bien plutôt... que le mal.

 

Alana, déesse de justice : photoÀ votre avis : gentil ou méchant ?

 

Un scénario si manichéen qu'on pourrait s'attendre à le voir contrebalancé par des chorégraphies inspirées et un contexte original, comme l'avait fait Gundala en son temps. Malheureusement, avec 2h15 au compteur, Alana est rongé par ses propres ambitions et échoue là où son prédécesseur avait réussi. Anwar et ses sbires entendent encore aborder le problème de la corruption, mais sont vite contrariés par le bagage légendaire à introduire. Contrairement à son futur coéquipier, Sri Asih n'est pas un prolo frappé par la foudre, mais peu ou prou une déesse surpuissante, qui vient avec son lot d'antagonistes bien diaboliques et d'alliés bien vertueux.

Difficile de faire cohabiter cette animalerie surnaturelle avec le moindre thème social, au risque de verser dans la caricature. Même problème pour les scènes d'action, pas trop mal chorégraphiées, jusqu'à ce que les super-pouvoirs divins de l'héroïne viennent noyer les affrontements sous des tonnes de CGI trahissant inévitablement un budget pas vraiment hollywoodien. C'était peut-être un peu trop de pouvoirs et donc beaucoup trop de responsabilités pour BumiLangit, même si l'annonce obligatoire de la suite des opérations donne envie de continuer à s'intéresser à ce cousin éloigné turbulent des grosses franchises américaines.

Alana, déesse de justice est disponible en Blu-ray, DVD et VOD depuis le 6 septembre 2023

 

Alana, déesse de justice : Affiche

Résumé

Être témoin de la construction d'un univers cinématographique sur le modèle américain en Indonésie est toujours aussi intéressant, mais le deuxième volet est étouffé par la puissance mythologique de sa super-héroïne et souffre inévitablement de la comparaison avec Gundala.

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commentaires
Schwarznigga
08/09/2023 à 11:55

Cet univers à l'ai intéressant, je n'étais pas au courant de son existence.

Existe-t-il un article sur celui-ci ?

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