Une zone à défendre : critique d'une manif trop pacifique sur Disney+

Judith Beauvallet | 7 juillet 2023
Judith Beauvallet | 7 juillet 2023

Après Nos résistances et L'Autre ContinentRomain Cogitore revient avec un troisième film appelé Une zone à défendre. Il y est question de Greg, un flic incarné par François Civil, qui infiltre une communauté de manifestants écologistes et tombe amoureux de Myriam, une zadiste interprétée par Lyna Khoudri. Un film qui surfe mollement sur l’actualité pour offrir un message faussement engagé, et qui mise sur l’alchimie entre les deux jeunes premiers du film Les Trois Mousquetaires : D'Artagnan.

Flic en Civil

Le pitch du film faisait un peu peur : un flic et une militante de gauche qui tombent amoureux, ça sentait l’énième resucée moderne de Roméo et Juliette, avec échange de regards passionnés au-dessus des barricades et torrents de larmes dus aux dilemmes cornéliens et aux lacrymos. Ça, ou une comédie romantique de la pire espèce, singeant sans goût tous les sujets qui animent la population en ce moment. Heureusement, Une Zone à Défendre ne tombe pas dans de telles épaisseurs, et évite (au moins en surface) l’exploitation facile et profane d’une actualité grave.

 

Une zone à défendre : photo, François Civil, Lyna KhoudriShakes-pire

 

Si le film est raconté du point de vue de Greg et se veut pédagogique dans l’exposition des revendications et du quotidien des zadistes, et que la supérieure de l’agent infiltré est présentée comme l’antagoniste sans cœur, rien n’est manichéen. Parfois, les manifestants sont un peu malpolis, et parfois, les CRS sont un peu gentils. C’est souvent un peu risible, mais au moins, on sent la volonté de légitimer la position politique des zadistes et de remettre en question la violence des répressions (malgré la scène où une troupe de CRS bat en retraite devant le jet d’un caillou plutôt que de charger, et qu’on y croit moyen).

Alors, oui, Lyna Khoudri et ses amis manifestants se trouvent à mi-chemin entre la caricature de terminale L (comme le fut la personne qui écrit ces lignes) et le personnage de Laura Felpin dans Le Flambeau. Et oui, François Civil est l’archétype du gentil flic qui ne sait plus pourquoi il est là (il a manifestement attendu de grimper tous les échelons avant de se poser des questions sur ses motivations). Il n’y a rien de subtil et rien de brillant dans tout ça, mais disons que ça pourrait être pire. Le plus gros problème, c’est le reste.

 

Une zone à défendre : photo, François CivilRat des champs

 

pas si manif-ique

Pour les retrouvailles des D’Artagnan et Constance de Bonacieux de Martin Bourboulon, on pouvait espérer un peu plus d’alchimie et de complicité. Malheureusement, François Civil et Lyna Khoudri peinent à produire autre chose que de l’agacement tant leur interprétation est entravée par des dialogues maladroits et un montage aride.

Difficile de jouer correctement des répliques aussi lourdement explicatives, rédigées comme une dissertation de bon élève, d’autant plus lorsque le montage ne dynamise jamais les dialogues et les rend mous et artificiels plutôt que réalistes et naturels.

 

Une zone à défendre : photo, Lyna KhoudriLa vie en rouge

 

Par ailleurs, la mise en scène et la photographie se font un peu trop oublier au point d’être relativement inexistantes. L'idée est sans doute d’obtenir un rendu réaliste, peut-être même naturaliste, mais le résultat s’apparente simplement à celui d’un téléfilm sans ambition. Dommage, car qui sait si, avec de bons dialogues et une direction artistique aboutie, Une Zone à Défendre aurait réussi son tour de passe-passe ?

Seulement voilà, pour avoir le mérite de ne pas tomber dans les pires écueils cités en début d’article, le film traite son histoire casse-gueule avec une naïveté et une simplicité inadéquates au sujet. Sage petit manuel de “comment changer le point de vue d’un homme blanc privilégié qui mansplain sa meuf sur la manière dont élever un gosse”, le film se réserve prudemment trop d’angles morts pour être crédible dans son intention et dans son message.

 

Une zone à défendre : photo, Lyna Khoudri, François CivilLe bébé surprise

 

floppy ending

D’ailleurs, parlons-en, de son message. Car là où l’histoire commence comme le parcours de rédemption d’un policier qui ne se rendait pas compte du mal qu’il pouvait faire en s’infiltrant parmi les militants pacifistes, le film change son fusil d'épaule dans son dernier tiers. À force de ne pas vouloir être manichéen, le récit se veut de plus en plus critique et caricatural sur le quotidien des zadistes, jusqu’à remettre en question la légitimité ou la solidité de l’engagement de Myriam.

Pourtant, ce peut être un sujet passionnant, la manière dont une militante s’éloigne de plus en plus de son groupe et pourquoi. Mais ici, on a l’impression que le message final est : personne n’est fait pour cette vie et le rêve véritable est de fonder une famille (et que famille et zadisme ne sont pas compatibles). Un message qui et éclipse toute trace de discours engagé.

 

Une zone à défendre : photo, François CivilPère et Flic

 

Mention spéciale à la toute dernière séquence (sans en spoiler la teneur), où une personne déclare à des enfants que “cet arbre ne serait pas là si on ne s’était pas battus pour lui” (ou quelque chose dans le genre). Cette réplique terriblement niaise, isolée de tout contexte et de tout discours, résume parfaitement le ton “le gauchisme pour les nuls” du film.

Dans son relativisme maladroit, Une Zone à Défendre invente, après le “torture porn” et le “catho porn” des films d’horreur, le “manif porn” pour les fameux apolitiques qui ont envie de recouvrir d’un vernis bon enfant tout ce qui ressemble trop à de la colère.

Une Zone à Défendre est disponible sur Disney+ depuis le 7 juillet 2023

 

Une zone à défendre : Affiche officielle

Résumé

Si le film évite les écueils des postures caricaturales et de l'histoire d'amour trop naïve, l'ensemble se casse la figure tant par l'interprétation laborieuse que par son point de vue hésitant et sa direction artistique inexistante. L'impression d'assister à un film pédagogique pour les enfants sur les combats politiques du moment, mais qui ne les maîtrise pas suffisamment.

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Lecteurs

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commentaires
Ethan
14/07/2023 à 00:27

Un film gauchiste, c'est pas un hasard si ça passe sur Disney plus. Il y a le couple aux origines différentes, les zadistes, le couple homo. Perso ça me pose problème. Cela dit il y a du suspens, de l'action, de l'amour. Sur la répression où la france serait obligé d'agir vis à vis de l'Europe et de l'Allemagne c'est subjectif. Il y a du vrai mais les zad sont illégales. Sur les armes des zadiste dans le film ça reste gentil par rapport à la réalité : absence de mortiers d'artifice.

Kel
10/07/2023 à 01:01

Vous êtes tellement coincés du cu!. Ce film est bien au delà de vos notes et critiques de frustré de la vie. Si vous êtes capable de dénigrer un film comme celui-là, j’aimerais énormément donné une critique à votre existence

JoeB
07/07/2023 à 17:45

En fait pour Écran Large si la morale est de gauche c'est un film engagé, si elle flirte avec la droite ça ne l'est plus (voire un film réac).

OMG
07/07/2023 à 17:37

Le meilleur épisode de Totaly Spies Ever ! Merci à Disney pour ce moment de magie qui meurt permet de remplir leur quota de film en langue française

The insider38
07/07/2023 à 17:23

Comme c est étonnant..

Jojo
07/07/2023 à 13:21

D'Artagnan et Constance chez les Zadistes !


07/07/2023 à 12:32

Disney +
François Civil
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