Ruby, l'ado Kraken : critique en eaux troubles

Déborah Lechner | 27 juin 2023 - MAJ : 27/06/2023 19:43
Déborah Lechner | 27 juin 2023 - MAJ : 27/06/2023 19:43

Étant donné le renouveau esthétique amorcé l'année dernière par Les Bad Guys et l'emballement (mérité) autour du Chat Potté 2 : la Dernière QuêteDreamWorks semblait avoir trouvé une nouvelle impulsion, artistique et économique, après la fin de la trilogie Dragons et plusieurs échecs au box-office. Mais ce regain d'énergie n'était certainement que passager, le nouveau Ruby, l'ado Kraken se rangeant du côté des productions les plus anecdotiques du studio. 

ALERTE BLEUE 

Même si Ruby, l'ado Kraken veut développer un nouvel imaginaire autour des krakens et des sirènes en nageant à contre-courant de nombreuses productions grand public (de La Petite Sirène à Pirates des Caraïbes), le scénario de Pam Brady a de fâcheux airs de déjà-vu. En dressant un parallèle entre le passage à l'âge adulte et la métamorphose physique dans un récit initiatique et émancipateur, le nouveau long-métrage de Kirk De Micco (Les Croods, Vivo) et Faryn Pearl rappelle inévitablement la myriade d'autres films d'animation ayant traité ce sujet empirique, notamment le récent Alerte Rouge de Pixar.

Comme dans le film de Domee Shi, il s'agit de suivre une adolescente super douée à l'école, mais mal dans sa peau, qui traine avec sa bande d'amis marginaux, découvre que les femmes de sa famille (elle comprise) peuvent se transformer en créatures guerrières et doit donc trouver sa propre voie pour embrasser sa véritable nature. 

 

Ruby, l'ado Kraken : photoRuby, l'ado Kraken du titre

 

Et comme Mei dans Alerte Rouge, Ruby veut aller à une soirée très importante pour elle, mais doit composer avec une mère surprotectrice, un père un peu dépassé par la situation et une grand-mère particulièrement autoritaire, tout ça en vue d'un combat de simili-Kaiju réconciliateur. 

Il suffit donc de remplacer le concert de boys band par un bal de promo, les pandas roux par des krakens et le logo de Pixar par celui de Dreamworks pour arriver à Ruby, l'ado Kraken. Avec son histoire de jeune fille introvertie, d'amour interespèces et de famille kraken qui vit incognito à la surface, on pourrait aussi rapprocher l'intrigue de celle de Twilight, mais loin de nous l'idée d'être (aussi) moqueurs.

 

Ruby, l'ado Kraken : photoEn plus elle brille comme Edward Cullen

 

poissons hors de l'eau 

Le fait de dérouler une histoire déjà racontée cent fois n'est cependant pas le véritable problème du film. Ironiquement, il s'agit plutôt de son manque de profondeur et de subtilité. En opposant un personnage féminin impopulaire qui ne correspond à aucune norme physique et une autre fille populaire qui colle au contraire à tous les standards de beauté, le film voulait vraisemblablement pointer du doigt les injonctions faites aux femmes, la fausseté des apparences, les idéaux inatteignables (notamment ceux véhiculés dans les films d'animation Disney) et les nombreux complexes qui peuvent en découler. 

De fait, Ruby a pris l'habitude de cacher son corps, de le comparer à ceux des autres et de le détester à cause de sa différence. Littéralement et métaphoriquement, elle panique à l'idée de grandir. Mais le scénario ne cherche pas à enrichir ou creuser son propos au-delà de cette simple analogie, et balaie trop rapidement les doutes et tourments de sa protagoniste pour plonger dans un conflit intergénérationnel décousu. Là encore, la mythologie, et plus particulièrement la rivalité entre les gentils krakens et les méchantes sirènes, manque d'ampleur, aussi bien visuellement que narrativement. 

 

Ruby, l'ado Kraken : photo"Ariel, la marque de lessive ?"

 

Après la sempiternelle voix off en introduction qui pose les bases de l'univers, le film ne présente qu'une seule sirène, ne laisse jamais entrevoir leur royaume ou leur mode de vie, et ne consacre qu'une seule courte scène au peuple kraken qui est vraisemblablement en voie d'extinction vu le petit comité qu'il forme. L'océan qui entoure Oceanside semble donc bien vide par rapport à la promesse de découvrir tout un monde sous-marin secret.

Le plus attrayant reste donc le character design fantaisiste des krakens, qui ont le mérite de se distinguer et de ne pas ressembler à n'importe quels pieuvres, poulpes ou calamars. De son côté, l'animation joue intelligemment avec la souplesse des personnages invertébrés pour créer une dynamique cartoonesque et mieux refléter leur état d'esprit (comme quand Ruby s'enroule sur elle-même parce qu'elle est gênée).

 

Ruby, l'ado Kraken : photoKraken et Barbie

MAMAN Bobards

À partir du moment où Ruby décide d'assumer pleinement et trop rapidement son identité pour s'opposer aux ordres de sa mère, le film défile en vitesse accélérée, laissant sur le côté la bande d'amis qui avait pourtant une bonne énergie et un bon potentiel comique, tout comme le futur petit-ami aussi solide qu'un escargot sans coquille. Après un entrainement torché en quelques scènes, une dispute un peu trop sage pour être émouvante, la recherche d'un MacGuffin aussi peu inspiré que le titre et une évidence avancée comme un twist, le film entame un troisième acte qui se voulait épique et homérique, mais se contente de quelques éclaboussures.

Par conséquent, les relations et les noeuds entre les personnages manquent eux aussi de gravité et de développement. Les sentiments et les rancoeurs de la mère de Ruby sont résumés en trois répliques et ne prennent jamais le temps d'éclore (alors que la nécessité de s'exprimer et de ne pas refouler ses sentiments est un des principaux messages du film).

 

Ruby, l'ado Kraken : photoUn personnage trop et pas assez en même temps

 

Le caractère soi-disant dictatorial de la reine Kraken est quant à lui assagi pour la rendre malgré tout sympathique aux yeux du public et permettre facilement la rédemption, ce qui brouille la compréhension des enjeux. En conséquence, la confrontation finale ne porte pas des enjeux aussi lourds que voulu et les réconciliations et prises de conscience sont trop mécaniques, sans réelle progression, pour sonner juste. Et ce n'est pas le reste de la famille qui peut apporter un peu de chaleur à l'ensemble étant donné la sous-caractérisation apparemment héréditaire de tous ses membres. Même la mascotte ne tient pas ses obligations comiques. 

C'est donc loin des Shrek et Dragons mentionnés sur l'affiche que le film rejoint les productions les plus oubliables du catalogue Dreamworks, quelque part entre Turbo et Captain Superslip.

Ruby, l'ado Kraken sort en salles ce 28 juin 2023.

 

Ruby, l'ado Kraken : photo

Résumé

Rudy, l'ado Kraken avait un fort potentiel émotionnel en dépit d'une intrigue et d'un concept un peu trop formaté sur la monstruosité et la découverte de soi. Même s'il n'est pas honteux et trouvera certainement son public, il rappelle aussi que les bonnes intentions ne garantissent pas la réussite d'un film.

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commentaires
Elchoupinibre
14/11/2023 à 23:08

Merci pour la qualité de la critique ... triste pour le studio ...d'un autre côté quand ça commence par "par les créateurs de ...." je trouve que ça sens le besoins de légitimité; ça ne vas effectivement pas booster mon envi de le voir, mais bon on sais jamais sur un malentendu ... enfin tant qu'a faire du recyclage d'histoire d'Ado autant reprendre du DARIA. oui j'aime que ça soit plus cynique!

Le Rêveur
23/08/2023 à 15:52

le film d'animation ruby l'ado kraken est l'un des film les plus que fantastique et incroyable de l'année, les mise en scène sont toute épique avec un déroulement de l'histoire plus qu'incroyable.
avec la voix off qui expliquer qu'au départ que les krakens n'était non des méchant mais plutôt des protecteurs cela a rendu le début de l'histoire juste incroyable .
le film a une grande qualité et est fascinant avec une music bien choisie a chaque situation.
ce film est pour l'un des meilleurs de toute ma carrière j'espère que se film sera la vedette de l'année et que dans un futur proche elle émerveillera encore les jeunes et les adultes de se fabuleux film.
j'espère qu'il est une suite avec des nouvelles rencontre époustouflante et un récit d'histoire encore bien meilleur .

Merci d'avoir lu(e)
Cordialement le Rêveur

Joe Staline
28/06/2023 à 09:56

Réaction de ma gamine quand elle a vu la bande annonce: c'est très moche. Ils ne savent plus dessiner ou quoi ?
What else ?

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