Ghosted : critique dangereusement nulle sur Apple TV+
Sur la base d’un concept a priori amusant (un amoureux transi découvre que son crush est une super-espionne), Ghosted a tout pour être une rom-com d’action qui inverse gentiment les clichés de genre du cinéma d’espionnage. En lieu et place, Dexter Fletcher (Rocketman) signe un téléfilm d’une mollesse sans nom sur Apple TV+, qui ne parvient même pas à mettre en valeur ses deux acteurs principaux : Ana de Armas et Chris Evans.
Ana De(s)armée
Si l’ascension du streaming a précipité une chose, ce n’est pas la mort des cinémas, mais celle du star-system. Difficile de trouver un point de départ à ce changement de paradigme, même s’il semble évident que la franchisation à l’extrême des blockbusters hollywoodiens n’a pas été sans conséquence. Les acteurs populaires le sont moins par leur nom que par leur effacement derrière un personnage de fiction itéré de film en film, notamment dans le domaine des super-héros.
Résultat, les “nouvelles” stars peinent, en dehors de ces rouleaux-compresseurs confortables, à être un argument de poids pour pousser les spectateurs à prendre leur voiture et à s’installer dans un multiplexe. L’avantage de la SVoD, c’est que l’effort à fournir est bien moindre, et qu’une production Netflix, Amazon ou Apple a tout intérêt à afficher Dwayne Johnson, Ryan Reynolds et autres Chris Pratt sur sa page d'accueil pour appâter le chaland indécis dans son canapé.
Un portable qui sonne moins depuis Avengers : Endgame
Tout ce beau monde apprend donc à se refaire une santé (financière) dans cette usine de “contenus” (ce mot horrible), quand bien même chaque nouveau projet, plus coûteux que le précédent, se donne des airs de téléfilm indigent. Voilà ce qui frappe en premier lieu dans Ghosted : la platitude extrême de sa mise en scène et de sa photographie, énième assemblage de champs-contrechamps ronflants et de plans américains mortifères où tout est toujours trop éclairé, histoire de ne jamais inciter le spectateur à déchiffrer la suite d’images qu’on lui propose.
On pourrait bien évidemment tirer sur l’ambulance en précisant que les scènes d’action relèvent de la pure aberration en matière de placement de caméra et de montage, mais le reste du film est plus intéressant encore dans le je-m'en-foutisme. Qu’il montre des personnages vagabonder dans une pièce vide ou qu’il façonne un face-à-face tendu autour d’une table ronde, Ghosted crache au visage de la notion de scénographie comme – un film de – Maïwenn. À filmer chaque acteur de manière isolée comme la plus flemmarde des telenovelas, le spectateur se retrouve perdu même face à la plus simple des interactions, qui brisent sans vergogne la règle des 180 degrés et l’amour-propre de leurs créateurs. Dans le genre, une prouesse.
"Oh non, c'est Ryan Reynolds qui veut faire une pub pour sa marque de gin. Fuyons !"
Mourir sans attendre
Mais pourquoi Dexter Fletcher, le réalisateur du sympathique Rocketman, est allé s’embarquer dans une galère pareille ? Tellement effacé dans l’exercice qu’on jurerait qu’il a été remplacé par une IA, le cinéaste ne se donne jamais l’opportunité de s’amuser avec le concept alléchant du long-métrage, où un homme un peu trop romantique se retrouve à devenir la “demoiselle en détresse” face à sa petite amie espionne.
Certes, la démarche n’a pas d’autre ambition que de mêler comédie romantique et film d’action, mais l’inversion du rapport des genres pouvait donner lieu à un détournement habile de codes éculés. Malheureusement, il aurait fallu pour cela confier l’écriture à des scénaristes plus talentueux que les serpillères auto-satisfaites Rhett Reese et Paul Wernick, habitués aux high-concepts laissés à l’état d’embryon sous des couches de blagues (Deadpool, Six Underground, Zombieland).
Ce qu'on a envie de faire à notre écran
Comme leurs autres méfaits, Ghosted agace à force de rester à la surface de son sujet, surtout lorsqu’il se moque de ses clichetons les plus neuneus sans jamais les bousculer pour autant (son méchant français à l’accent caricatural, pitié). Un rendez-vous manqué criminel au vu de son postulat, qui ne s’attaque jamais à la misogynie inhérente au cinéma d’espionnage, ou aux comportements amoureux quelque peu toxiques de ses personnages, qu’il cache rapidement sous le tapis. Tout est gentillet, diablement inoffensif, si bien que le film ne réussit même pas le minimum syndical de sa promesse : rendre glamour son duo central, composé d’Ana de Armas et de Chris Evans.
L’alchimie entre les deux comédiens n’a pas à être remise en doute, mais la caméra ne fait pas le moindre effort pour essayer de capter cette énergie. Pourquoi s’embêter, puisque Ghosted profite de cette “mort des stars” évoquée plus tôt ? Le projet n’existe que pour son intertextualité et sa connexion fainéante à d’autres films, comme si De Armas prolongeait son rôle de James Bond girl dans Mourir peut attendre, et qu’Evans s’amusait à incarner l’antithèse de Captain America.
Étaient-ils au même endroit lors de cette photo ? Le doute persiste
On ne fait plus face à des histoires, et encore moins à des personnages, mais à des crossovers sans queue ni tête, bien trop heureux de combler le vide avec des suites de caméos poussifs de Ryan Reynolds (décidément toujours dans les bons coups) ou de comédiens issus de Marvel. Ghosted aurait pu être un vrai et bon film d’acteurs – soit la base d’une bonne comédie romantique – mais il préfère n’être qu’un énième foutage de gueule de plateforme, aussi dénué d’âme que son casting venu récupérer son chèque.
Ghosted est disponible sur Apple TV+ depuis le 21 avril 2023
Lecteurs
(3.6)24/04/2023 à 15:37
J'adore Chris et Ana, qu'elle tristesse de les voir dans ce pauvre "truc"
24/04/2023 à 03:11
Film digne effectivement d'une plate forme streaming et non pas d'une sortie cine. Le meilleur moment reste les cameos d'Anthony Mackie, John Cho et Sebastian Stan. Celui de Reynolds n'apporte aucun ressort comique.
23/04/2023 à 22:20
@Blacksaturn, ce n’est pas parce qu’un film est populaire qu’il ne doit pas être exigeant dans sa mise en scène, ses dialogues, sa lumière, son jeu de caméra…
Et un film populaire c’est aussi du cinéma d’auteur, la categorisation ne vient pas que du budget.
23/04/2023 à 13:37
Comme Hemsworth, Evans, sorti de Marvel, c est la loose
23/04/2023 à 11:12
@ Thierry A.
En quoi un film qui aurait été bon dans les années 80 ne le serait plus aujourd’hui ?
Personnellement, j’ai vu des films dans les années 80 qui me plaisent encore aujourd’hui. Je dirais même que de façon générale, mes goûts ne dépendent pas de l’année de production.
23/04/2023 à 09:59
@ Aquarius : je te rejoins totalement. Certains articles me font penser à du Télérama : verbeux, se donnant une contenance plutôt que de nous expliquer les contenus sur lesquels ils sont censés nous éclairer.
23/04/2023 à 09:22
J'ai bien aimé ce film. Un bon divertissement. De l'humour. J'ai passé un moment agréable.
Pas de sang qui coule à flot. Pas de tête explosée en gros plan.
Il faut connaître le but de ce film (bon divertissement ou blockbuster, etc.) et de le juger par rapport à ce but (mission accompli ou non) et surtout pas comparer ce film avec un autre qu'on aime bien ou avec un film qui 'cartonne'.
22/04/2023 à 22:38
No mais ! rien que l'affiche on dirait une telenovelas .
22/04/2023 à 19:54
insignifiant.
22/04/2023 à 16:15
Dommage que 2 aussi talentueux acteurs/rices continuent de faire ce genre de films qui n'apportent rien. Du talent gâché.