Opération Fortune : Ruse de Guerre - critique pas si futée sur Amazon

MISSION : IMPROBABLE

L'histoire commence comme une mauvaise blague : un chef débonnaire des services secrets britanniques (Cary Elwes) rassemble une équipe composée d'un espion violent et fringant du nom d'Orson Fortune (Jason Statham), d'une brillante experte en informatique (Aubrey Plaza) et d'un agent spécialisé dans des domaines qui vont du maniement des armes à feu au rap (Bugzy Malone) pour retrouver un dispositif ultra-secret et extrêmement dangereux volé par des gangsters ukrainiens.

Pour mettre la main sur cette mystérieuse technologie, Fortune et sa bande doivent infiltrer le repère de Greg Simmonds (Hugh Grant), un marchand d'armes richissime et excentrique servant d'intermédiaire dans la vente de l'objet. Pour l'approcher, ils font alors appel à un célèbre acteur de cinéma d'action que le milliardaire adore, mais qui n'a rien d'un agent secret, Danny Francesco (Josh Hartnett).

Les quatre fantastiques, ou presque

À partir de ce scénario rocambolesque, co-écrit avec Ivan Atkinson et Marn Davies (avec qui il avait déjà collaboré sur The Gentlemen et Un homme en colère), Guy Ritchie se réapproprie le film d'espionnage, après avoir plus ou moins bien réussi l'exercice avec Agents très spéciaux : Code U.N.C.L.E.. Et Opération Fortune : Ruse de Guerre essaie clairement de retrouver ce même charme chic et décontracté derrière son histoire réchauffée entre James Bond et Mission : Impossible.

De l'équipe d'agents secrets dont chaque membre a une compétence particulière en passant par les décors luxueux et le méchant délicieusement mégalomane, le réalisateur reprend tous les codes du film d'espionnage pour s'amuser à les copier ou à les détourner avec cette désinvolture et cet humour qui font son cinéma. Mais, pour parfaire l'imitation, le film emprunte aussi ses combats à la saga Jason Bourne, son flegme britannique à Kingsman, son ambiance chic et décomplexée à Ocean's Eleven, et accumule les références et les citations jusqu'à ressembler à un collage raté de tous les genres qu'il invoque.

Un jeudi comme les autres

LA BÊTISE DANS LA PEAU

Opération Fortune : Ruse de Guerre, avec son histoire famélique et prévisible au possible, voudrait être un plaisir immédiat, une comédie d'espionnage qui ne se prend pas au sérieux et qui pourrait, pourquoi pas, donner lieu à une nouvelle franchise face au prochain 007 et aux cascades toujours plus ahurissantes de Tom Cruise. Seulement, le film ne fait aucun effort pour essayer de rendre ses personnages intéressants et ne sait pas quel rythme ou quel ton adopter pour assumer son côté décomplexé.

Les voyages en jets privés, les smokings et les rebondissements se succèdent jusqu'à saturation. Les dialogues et les gags tombent à plat pour la plupart, et le film devient très bavard et ennuyeux dès qu'il essaie de faire interagir ses personnages ou de montrer autre chose que Jason Statham qui tabasse des types aux quatre coins du globe.

Malgré la volonté évidente de Guy Ritchie de jouer constamment avec la narration ou l'esthétique du film d'espionnage, le résultat manque cruellement de légèreté. Le film ne trouve jamais l'équilibre entre clin d'oeil et parodie, hommage et surenchère, blockbuster et série B, ce qui le rend poussif et absurde, voire carrément lourd par moment.

Il faudra rendre ses néons à John Wick

Pourtant, dès la scène d'ouverture, le film dégage immédiatement cette atmosphère cool propre à son auteur. Guy Ritchie sait apporter de l'énergie et du dynamisme au genre en détournant intelligemment le passage obligé de la présentation des équipes grâce à un montage nerveux et quelques répliques bien envoyées.

Comme sur The Gentlemen et Un homme en colère, le réalisateur abandonne ses effets de styles caractéristiques et ses facéties formalistes pour une mise en scène plus sobre et plus directe, mais qui se révèle beaucoup moins percutante en l'occurrence. Que ce soit lors d'une scène de dialogue, d'un combat en pleine rue ou pendant l'explosion d'un missile en arrière-plan, le film est incapable de générer la moindre tension ou la moindre excitation.

Les scènes d'actions, même les plus impressionnantes, sont trop courtes et trop conventionnelles pour être aussi plaisantes qu'elles le devraient, quand elles ne sont pas massacrées par le montage et les effets spéciaux numériques. Et au final, alors qu'il promettait d'être un divertissement drolatique et léger, Opération Fortune : Ruse de Guerre est un film long et insignifiant, dont la seule originalité repose sur l'accumulation de clichés.

Bugzy Malone, qui se demande aussi ce qu'il est en train de faire

AU SERVICE SECRET DU LOL

Cependant, Guy Ritchie peut compter sur sa propre équipe d'élite pour empêcher Opération Fortune : Ruse de Guerre de sombrer dans la fadeur et la lourdeur. Jason Statham ne fait que distribuer des coups en prenant son air le plus agacé, mais son jeu correspond parfaitement à ce personnage de James Bond énervé qui traite sa claustrophobie en vidant des bouteilles de vin hors de prix (probablement la seule caractérisation que lui donne le film).

Josh Hartnett se délecte à jouer le rôle méta de l'acteur bête et lâche, et aurait pu être encore meilleur si son personnage ne se résumait pas seulement à une simple parodie de Brad Pitt et Tom Cruise. Mais les deux stars du casting, celles qui ont apparemment compris la mission qu'elles devaient accomplir dans le film et qui apportent une impulsion comique chaque fois qu'elles sont à l'écran, sont incontestablement Hugh Grant et Aubrey Plaza.

Le premier force son accent londonien dans ses costumes ridicules et pousse l'exubérance de son personnage avec un plaisir qui transparaît continuellement. Aubrey Plaza, comme souvent, donne l'impression de jouer Aubrey Plaza qui se serait retrouvé dans un mauvais film d'espionnage et qui passerait son temps à lâcher des répliques sarcastiques ou incongrues dès qu'elle en a l'occasion.

Ça n'a pas l'air, mais il est content là

Et c'est peut-être ce qui se cache derrière cette comédie d'espionnage essayant désespérément d'être drôle sans trop l'être : une moquerie, un bras d'honneur que Guy Ritchie adresserait à l'industrie hollywoodienne et à un cinéma d'action toujours plus sérieux et plus grandiloquent, mais qui repose presque toujours sur la même formule. Le film, produit par Miramax, met en scène un producteur impliqué dans un scandale sexuel et qui ressemble clairement à Harvey Weinstein. Au fil du récit, l'acteur égocentrique incarné par Josh Hartnett se rend ainsi compte que son plus grand rôle n'est autre que lui-même quand il se retrouve à jouer la comédie auprès de Greg Simmonds au cours de la mission. 

Peut-être qu'à travers ce film, Guy Ritchie s'interroge sur l'avenir du cinéma d'action et sur le sien dans ce système où il navigue aussi bien entre petits projets originaux (The Gentlemen) et superproductions populaires et fonctionnelles (Aladdin), Opération Fortune : Ruse de Guerre se situant pile dans l'entre-deux. En fin de compte, peut-être que toute cette histoire n'est bel et bien qu'une mauvaise blague.

Opération Fortune : Ruse de Guerre est disponible depuis le 7 avril 2023 sur Amazon Prime Video