White Noise : critique d'une apocalypse familiale sur Netflix
Après The Meyerowitz Stories et Marriage Story, Noah Baumbach continue sa fructueuse collaboration avec Netflix avec un troisième long-métrage pour la plateforme (mais le treizième de sa carrière) : l'ambitieux White Noise. Une adaptation du roman éponyme du génie de la littérature américaine Don DeLillo (intitulé Bruit de fond en français) menée par son fidèle duo d'acteurs Adam Driver-Greta Gerwig.
bruit de fond
"Transposer l’œuvre d’un autre permet de se décentrer et de se sentir autorisé à explorer des pistes qu’on n’emprunterait pas dans le cadre d’un projet personnel". Voilà ce qu'aurait dit Brian de Palma à Noah Baumbach, probablement lors de leurs échanges pour le documentaire De Palma. Et c'est vrai qu'exception faite de While We're Young (adaptant une pièce de théâtre), Noah Baumbach a toujours écrit des scénarios originaux.
Plus encore, il a toujours montré une admiration sans faille pour les récits de familles dysfonctionnelles, entre Les Berkman se séparent, The Meyerowitz Stories ou même Marriage Story, s'enfermant finalement dans un cadre assez classique pour suivre leurs trajectoires au quotidien. Et justement, après le succès de Marriage Story, Baumbach était légèrement perdu, incapable de savoir quoi écrire et comment se relancer avec quelque chose de nouveau. C'est à ce moment-là que les mots de son ami De Palma lui seraient revenus en tête et qu'il aurait soudainement décidé d'adapter White Noise de Don DeLillo, livre qu'il chérit depuis son adolescence.
Sur le papier, White Noise raconte une énième histoire de famille, ici recomposée, tentant de régler ses conflits intérieurs et d'affronter les doux (et douloureux) mystères de la vie. Rien de spécialement étonnant donc, à première vue, pour un cinéaste en pleine crise de la cinquantaine tentant désespérement de se renouveler. Et pourtant, voir Baumbach s'attaquer au White Noise de Don DeLillo est probablement ce qui pouvait arriver de mieux à sa carrière.
En effet, avec sa complexité thématique et son côté très littéraire (dans le sens le plus strict du terme), le roman visionnaire de DeDillo est considéré comme inadaptable d'autant qu'il brasse une multitude de genres. Un immense challenge pour Baumbach qui lui permet cela dit de livrer, incontestablement, son long-métrage le plus ambitieux, singulier et barré avec White Noise, même si loin d'être le plus réussi.
noah boombach
Ainsi, dès son ouverture, avec un montage de plusieurs accidents de voiture de films américains plus spectaculaires les uns que les autres, suivi par le mouvement ample de sa caméra flottant au-dessus de l'université de College-on-the-Hill sur une musique aventureuse de Danny Elfmann (rien que ça), Noah Baumbach annonce la couleur. Son film ne sera pas aussi plan-plan que ses précédents métrages et va, au contraire, se démener pour nous faire décoller de notre siège. À ce niveau, la promesse sera plus que tenue sur les 2h16 de film, le spectateur (novice du roman de DeDillo) plongeant dans un grand tourbillon d'événements complètement loufoques et imprévisibles.
Déjà parce qu'il suit en particulier un professeur cinquantenaire, Jack Gladney (Adam Driver), pionnier des études hitlériennes, domaine qui présage du ton cartoonesque de l'ensemble. Très vite, l'accent satirique de DeDillo est parfaitement assimilé par le cinéaste qui, dans un premier temps, va surtout surfer sur la comédie pour placer ses pions. Entre l'énergie familiale, les discussions de couples sur la sexualité (Greta Gerwig est superbe), les soirées devant la télé... White Noise commence comme une grande comédie de famille, drôle et colorée.
Puis, une catastrophe survient. Le film avait débuté par un simili-hommage au cinéma et Noah Baumbach décide donc de livrer sa lettre d'amour au medium en s'amusant lui-même à mettre en scène son propre carambolage mémorable entre un train et un camion-citerne. Et alors tout explose, tout s'enflamme. Baumbach filme un nuage toxique comme une invasion extraterrestre et soudainement, la comédie burlesque se mue en film post-apocalyptique sur fond d'aventure spielbergienne (le sublime passage de la voiture radeau), remaniant les enjeux intimes de ses personnages.
En quelques plans, Noah Baumbach réinvente tout son cinéma et dévoile comment "au-delà de la violence, on peut trouver un merveilleux foisonnement d'innocence et de joie", comme l'affirmait le professeur incarné par Don Cheadle dans l'introduction. Pendant un instant, Noah Baumbach transmet ainsi son enthousiasme créatif, le plaisir qu'il prend à bouleverser ses propres codes pour mieux transmuer et sortir de sa dépression nerveuse. À tel point que le dernier tiers de White Noise basculera carrément dans le polar pastichant le cinéma de Brian de Palma, venant boucler la boucle de cette renaissance artistique.
casualties of life
Un sursaut cinématographique charmant qui ne va toutefois pas permettre à Baumbach de surmonter tous les obstacles. Car même s'il jongle habilement entre la comédie, l'aventure, la science-fiction et le thriller pour offrir un récit extrêmement audacieux dans White Noise, le cinéaste s'emmêle régulièrement les pinceaux. "N'obligez pas le récit à respecter un plan", affirme un personnage en milieu de métrage. Or, White Noise repose justement sur une structure un peu trop balisée pour son propre bien.
S'il déroute avec ses événements inattendus, White Noise s'enferme paradoxalement dans un récit en trois parties bien distinctes suivant un peu trop à la lettre le bouquin de DeLillo. S'appuyant sur le roman, l'étude de la condition humaine est brillante et déconcertante, notamment grâce à son triple découpage : d'abord une fascination de la mort manipulée par la fiction, puis une confrontation avec la réalité de la mort révélant un décalage de perception, avant enfin une répercussion de cette réalité sur la vision initiale de la mort et donc une incidence sur la perspective de vie.
Il en naît même des scènes assurément marquantes, qu'il s'agisse d'une confession déchirante dans un lit, d'une fouille nocturne fiévreuse, d'un passage aussi burlesque que glauque dans un motel ou d'une plongée quasi-surréaliste dans une église.
Le consumérisme est bien présent à l'origine du tout
Toutefois, hormis cette démonstration sur la crainte de la mort et la vulnérabilité humaine, le propos s'embrouille, voire s'évapore, au milieu de la frénésie ambiante, de ce bruit de fond incessant. En s'attaquant à la fois au consumérisme, à la religion, à l'hystérie collective, à la guerre, à la morale ou au danger de la désinformation, le tout dans un chaos perpétuel, Noah Baumbach finit par parler de tout sans jamais rien développer en profondeur. Survolant tous les sujets à vitesse grand V, White Noise mue sa belle réflexion philosophique sur le monde (d'hier et d'aujourd'hui d'ailleurs) en simples observations théoriques dont on ne sait quoi faire.
Dans ce bordel (organisé), difficile ainsi de démêler le sérieux de l'ironique, l'important de l'anodin, la confusion prenant tristement le dessus sur la cohérence. Cela n'empêche évidemment pas White Noise d'être une oeuvre galvanisante, très contemporaine (le parallèle évident avec le Covid) et bien trop souvent séduisante visuellement et narrativement (voire lumineuse) pour convoquer l'ennui. D'ailleurs, vu sa densité, y revenir lui fera sans doute gagner en affection. Mais en attendant, on est en droit de regretter que le bonbon acidulé promis au départ laisse surtout un léger goût amer en bouche à l'arrivée.
White Noise est disponible sur Netflix depuis le 30 décembre 2022 en France
Lecteurs
(2.4)04/03/2023 à 23:08
Le film White Noise est un chef d'oeuvre. Le "bruit blanc", en acoustique, contient toutes les fréquences audibles avec la même intensité, de manière parfaitement uniforme. Cette métaphore pour notre société saturée d'informations est développée avec génie dans White Noise, film à voir et revoir pour découvrir ce que le réalisateur a réussi à "cacher" sous le "white noise"
15/01/2023 à 13:42
Pour moi les côtés "cartoonesque" et satirique du roman sont justement complétement occultés par des ajouts sordides de mauvais goût. Quant au rythme, il patine, tantôt trop rapide tantôt trop lent, les acteurs ne pouvant pas grand chose pour rattraper le fourre-tout qu'est ce film... (j'en parle plus longuement sur Pamolico, blog de critiques : https://pamolico.wordpress.com/2023/01/15/white-noise-noah-baumbach/)
06/01/2023 à 07:47
Retour aux années 80 avec fracas, immersion dans l'univers des enseignants tourmentés et des allumés new âge. Des enfants surdoués avec un couple recomposé, fragile et attendrissant. Un bon film, pour ceux qui ont envi de le voir mais qui doivent être prévenu avant qu'il n'est pas pour tout le monde. Les fans d'Adam Driver seront royalement servis.
05/01/2023 à 18:08
Moins chiant que "Frances Ha" mais tout aussi bavard et maniéré que "Marriage story". Note to self: contourner le cinéma de Noah Baumbach.
04/01/2023 à 17:41
film exceptionnellement nul j pense que ce fut une erreur de realiser un tel navet désoler met ses un film a chier point barre nul nul nul quand au critique il devait etre droguer ou alcoolisé pour donner de tel note nul un zéro pointe basta
04/01/2023 à 16:18
Dialogues abscons, film qui ne décolle jamais, enfin si on croit... puis ça retombe... Et ça part sur un adultère mais toujours avec des dialogues irréalistes... bref, j'ai pas tenu jusqu'à la fin. Mais bon, encensé par Télérama et Ecran Large.
02/01/2023 à 21:58
Un gros Bof !! J'ai eu beaucoup de mal a aller jusqu'au bout malgré quelques jolies séquences. Un film qui ne raconte pas grand chose et qui va dans tous les sens avec des discussions entre les personnages parfois trop absurde et sans intérêt. La partie avec le nuage toxique est la plus intéressante mais on se demande ce que ça vient faire là au final. Très bon casting et Adam Driver encore une fois excellent, sont les vrais points forts du film.
02/01/2023 à 09:49
On essaie d'y croire un moment puis au bout d'une heure on commence par lâcher prise… pour décrocher totalement bien avant la fin.
01/01/2023 à 13:09
Pour moi, c'est un gros navets, incompréhensible; bourré de clichés pseudo intellectuels, boursouflé. Le mauvais Woody Allen que j'ai vu !! Au bout d'une 1/2 heure, j'ai lâché prise
01/01/2023 à 11:59
Franchement très déçu par ce film qui ne raconte rien.
2h30 de vide intersidéral. Ca part dans tous les sens sans rien raconter. Le consumérisme résumé à des scènes en supermarché, c'est vraiment léger comme critique. Il faut arrêter avec la branlette intellectuelle. C'est bruyant, brouillon... en résumé c'est désespérément nul.