Warriors of Future : critique d'une sale plante sur Netflix

Lino Cassinat | 6 décembre 2022 - MAJ : 06/12/2022 16:26
Lino Cassinat | 6 décembre 2022 - MAJ : 06/12/2022 16:26

Chaque année le monde du cinéma connaît son plus ou moins gros phénomène venu de Hong-Kong, et malheureusement celui de 2022 est placé sous le signe de l'échec. Il s'agit cette année de Warriors of Future (notez la syntaxe approximative de la traduction) réalisé par Ng Yuen-fai mais en réalité projet piloté à 100% par son acteur principal-producteur-distributeur et même post producteur (!) Louis Koo et sa société One Cool Film. Gros budget (56 millions de dollars), grosses ambitions, gros box-office en Chine (100 millions de dollars)... et gros échec artistique sur Netflix en France.

ONE COULE FILM

Louis Koo a l'air d'être un sacré personnage aux ambitions claires : implanter le genre SF dans le cinéma de Hong-Kong. Il aurait même un plan sur trente ans pour le faire. Pas de surprise donc à le retrouver à peu près partout dans ce Warriors of Future, un gros bébé qu'il a conçu lui-même pour ainsi dire de A à Z. Bien qu'il n'en soit ni le réalisateur ni le scénariste, il en est le producteur-distributeur, la star, le financeur. Et, par conséquent, le véritable auteur de cet objet envisagé comme un coup de massue à la James Cameron sur un cinéma local : cher (le budget est plus élevé que celui de The Wandering Earth), bardé d'effets spéciaux (1900 plans en CGI) et bien ancré dans son genre. 

Tellement que Louis Koo, peut-être trop content de pouvoir tout explorer, nous envoie d'emblée tous les topoï qui vont bien. On retrouve pêle-mêle une météorite, l'humanité sous dôme à cause de la pollution, une plante tueuse nommée Pandora (coucou James Cameron), des robots, une vilaine société appelée Skynet (coucou James Cameron) des humains augmentés, une petite fille trouvée sous des décombres avec sa peluche et même le rasta cinglé du futur avec des dents en or qui s'appelle Putois.

 

Warriors of Future : photoBébé veut du sale, Halo Halo Halo ?

 

Un beau bordel qui prend à peine le temps de la cohérence, mais il faut bien accorder un mérite à Warriors of Future, le film est généreux et bouffe aux meilleurs râteliers. On pense à Neon Genesis Evangelion, Ghost in the Shell, District 9Starship Troopers et tant d'autres encore. Mais Warriors of Future s'apparente moins à un foisonnant kaléidoscope qu'à une sorte de magma informe qui ne reprend que la surface de ses influences, dont il s'inspire de tel ou tel élément uniquement dans le but de mettre en valeur ses héros et ses décors.

N'est pas James Cameron (complètement au hasard) qui veut, et Warriors of Future échoue complètement – pour ne pas dire qu'il n'essaye même pas – à raconter quoi que ce soit, se contente de passer en revue tous les clichés comme un best-of du genre. Le film aligne gimmick sur gimmick (flashbacks, fausse mort, trahison de la hiérarchie, sacrifices, bestioles en CGI...), et mise tout sur le spectacle pour nous envoyer la purée à la place d'un récit réduit à un simple marchepied.

 

Warriors of Future : photoC'est l'histoire de trois héros qui sauvent le monde

 

ci-gît : aïe

Le problème, c'est qu'en plus d'être extrêmement générique et confus, Warriors of Future n'est ni particulièrement amusant, ni particulièrement spectaculaire. C'est même plutôt l'inverse, sur 1h40 de film, il doit bien y avoir une heure molle de surplace interminable après une bancale opération aérienne dramatique et avant une dernière demi-heure qui lâche enfin les chevaux. Mais c'est trop peu, trop tard, et malgré une prenante course-poursuite sur une autoroute dévastée mâtinée d'un gros plan-séquence bien troussé (quoique désespérément à la mode), Warriors of Future n'impressionne guère – surtout si vous avez encore Matrix Reloaded en tête.

C'est un peu le fardeau maudit de toutes les productions de ce type : pour s'en sortir et se démarquer, a fortiori dans une case aussi codifiée et pourchassée que la SF, il n'y a que le travail créatif qui peut aider. Il faut des idées quand on n’a pas de pétrole, ou pour citer Jeremy Irons dans Margin Call : être plus intelligent, plus rapide ou tricher. Mais Warriors of Future n'est ni District 9 ou The Raid, et préfère compenser par la surenchère bling-bling de CGI. C'est un choix, à la rigueur. Sauf que, pour reprendre les mots de Louis Koo lui-même : "En Asie, nous avons un problème de connaissances par rapport aux technologies nécessaires pour faire ce type de film". On confirme.

 

Warriors of Future : photoUne image à envoyer au Corridor Crew

 

Sans critiquer la note d'intention de Warriors of Future (qu'on sent authentiquement passionnée) ni le travail acharné de toute une équipe technique, on est obligés de constater que Warriors of Future est laid, renforçant au passage la sensation que le paquet n'a pas été mis sur le bon département. Certaines animations ne sont pas peaufinées, les incrustations se voient comme le nez au milieu de la figure, on nous assomme de faux ralentis surgissant de la tombe des années caméscope, il y a des plans réutilisés plusieurs fois et on croirait même parfois voir des saccades comme sur une cinématique de jeu vidéo buguée (et on a testé sur plusieurs écrans/ sources/connexions internet pour être sûrs).

 

Warriors of Future : photoLa direction artistique impersonnelle ne fait rien non plus pour démarquer le film

 

GUERRIERS DU FUTUR DE L'IMPArFAIT

Tout cela fait beaucoup (trop) pour un film dont la note d'intention (au demeurant louable) implique d'emporter son spectateur dans un tourbillon de prouesses technologiques. On ne peut pas blâmer celui qui essaye, mais on ne peut pas non plus fermer les yeux s'il échoue. Il s'agirait d'un blockbuster hollywoodien, nul doute d'ailleurs que la planète entière lui serait tombée dessus.

Malheureusement, être David contre Goliath n'est pas une excuse. Le cachet de l'image est tellement plastique qu'il rappelle plus le passé de Final Fantasy : Les Créatures de l'esprit que le futur d'Avatar : La Voie de l'eau, et qu'on se demande si Warriors of Future n'aurait pas gagné à être un film en animation 3D à la Final Fantasy VII : Advent Children. D'autant que les jeux vidéo sont une source d'inspiration absolument criante ici, en témoigne le nombre de plans en vues FPS.

 

Warriors of Future : photoLa prochaine fois on se met en 3D ?

 

Se raccrocher aux personnages pour sauver le film s'avèrera rapidement être une vaine entreprise. Bien engoncé dans leurs archétypes et à peine caractérisé, aucun d'entre eux ne parvient à s'extraire d'une quelconque manière du cahier des charges pour crever l'écran. La faute, en premier lieu, à des dialogues à la limite de l'imbuvable. Toutefois, il est à noter que la direction du casting est aussi complètement ailleurs, et le tout donne toujours l'impression de regarder des adultes jouer comme s'ils étaient dans un anime. On reste heureux cela dit de constater que Louis Koo a l'humilité de partager très également le temps de présence et d'iconisation avec ses camarades.

L'egotrip est bien évité, preuve supplémentaire qu'il y a une indéniable sincérité dans l'aventure de cet auteur omnipotent. Mais que reste-t-il de Warriors of Future une fois le générique de fin lancé et l'annonce d'une suite sur la Lune dans une scène post-générique ? L'impression amère d'un terrible gâchis, principalement dû à un manque flagrant de direction... de Louis Koo lui-même. Warriors of Future donne le sentiment que le film existe par simple envie de faire la SF, parce que faire de la SF c'est cool. Alors, ça l'est, mais un public a aussi besoin d'énergie créatrice pour être emporté, et en l'état, Warriors of Future a juste l'allure d'une grosse bande démo un peu foirée pour rouler des mécaniques.

Warriors of Future est disponible sur Netflix depuis le 2 décembre 2022

 

Warriors of Future : Affiche officielle

 

Résumé

Seul l'avenir dira si Warriors of Future provoquera bien un avènement de la science-fiction dans le cinéma de Hong-Kong. Mais pour ce qui est du versant artistique, la révolution n'est pas pour demain : peu inspiré, Warriors of Future est bien trop générique et brouillon pour cela. Time and Tide de Tsui Hark peut dormir tranquille et on recommandera même bien plus chaudement The Wandering Earth.

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commentaires
Musashi1970
07/12/2022 à 16:47

@Lougnar: Tu as tout à fait raison je me suis trompé, ...
Mais je comprends mieux pourquoi je suis déçu, les films de SF chinois j'ai du mal à apprécier.
Il est loin le temps où Hong-Kong produisaient des petites pépites incroyables....
Je suis plus ciné et séries coréennes depuis quelques années (avant que ca deviennent à la mode quand même)
Mais en tout cas celui-là, il m'a bien déçu ....

CéVi
07/12/2022 à 16:03

Vu en V.O..
C'est moi ou y avait pas mal de post-synchro ?

Nicoflap
07/12/2022 à 14:15

Ouaip film bien pourri.

On dirait les films pour Syfy, effets spéciaux en mieux qd même. Mais le niveau et le cote caricatural est le meme

Lougnar
06/12/2022 à 20:59

@Musashi1970 : Ce n'est pas un film coréen mais chinois (hongkongais).
Avant c'étaient les films chinois qui étaient bien et qui marchaient à l'international. Maintenant ce sont plus les films coréen !

Musashi1970
06/12/2022 à 20:22

Vraiment déçu par ce film coréen qui m'avait habitué à mieux.
Ça ressasse les clichés, les caricatures et les airs connus pour un scénario indigeste malgré quelques scènes d'actions pas mal, on s'ennuie et on s'en fout...

Alex styles 77
06/12/2022 à 19:46

Perso j'ai apprécié le film pour ce qu'il est, à savoir une bonne grosse série b de luxe. Bien fun et jouissif en terme d'action, perso je recommande. Dommage que le traitement de l'image soit si dégueulasse et pas à la hauteur des FX qui font le taf.

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