L'année du requin : critique du Dents de la mer français

Mathieu Jaborska | 31 mai 2023 - MAJ : 01/06/2023 13:59
Mathieu Jaborska | 31 mai 2023 - MAJ : 01/06/2023 13:59

Des quelques grosses productions hollywoodiennes aux multiples séries B, voire Z qui se déversent chaque mois de l'été sur les services de VOD, la sharksploitation se porte bien. Mais il n'y avait bien que les frères Boukherma, déjà réalisateurs du très bon Teddy, pour la mélanger avec la comédie franchouillarde et inviter un squale sur les plages du sud-ouest. Le résultat, L'année du requin, mené par le trio Marina Foïs-Kad Merad-Jean-Pascal Zadi, est à peu près aussi improbable qu'audacieux.

Passion requin

Pour qui a déjà vu Teddy, la démarche des frangins derrière la caméra n'est pas si étonnante. Les autres, en revanche, risquent de sérieusement halluciner. Vendu plus ou moins comme une comédie estivale, le film alterne gags potaches... et authentiques séquences de shark movies, d'où l'audace nécessaire à son accompagnement dans presque 500 salles ! Croyez-le ou non, L'année du requin est très clairement un Dents de la mer (l'ombre de Spielberg plane) du terroir. Un postulat pour le moins inédit.

Dans Teddy donc, les Boukherma importaient le mythe du loup-garou dans la France rurale, avec une grosse touche de Carrie au bal du diable en prime. Un mélange des genres frondeur, qui empruntait beaucoup au cinéma de Bruno Dumont et à sa description des populations délaissées par les grosses productions parisiennes. L'intérêt résidant moins dans le grand spectacle et les transformations canines (suggérées, en raison d'évidentes limites budgétaires) que dans la fusion entre la trajectoire semée d'embuches du jeune paria joué par Anthony Bajon, l'ambiance très particulière du cadre pyrénéen et les codes du film de genre américain.

 

L'année du requin : Photo Marina Foïs, Jean-Pascal Zadi, Christine GautierLes Martin Brody, Matt Hooper et Quint de La Pointe

 

À la vision de L'année du requin, il devient évident que cet équilibre précaire provient tout simplement des deux passions du duo de metteurs en scène : le cinoche populaire et les régions françaises. Moins modeste que son prédécesseur, cette nouvelle entrée dans leur filmographie n'est autre qu'un gigantesque agrégateur de leurs envies, toutes sincères. Le générique se termine d'ailleurs en remerciant les requins, sans lesquels il n'y aurait pas de film de... requin.

Sauf que dans Teddy, l'inéluctabilité de la métamorphose et l'humilité des moyens de production suffisaient à resserrer les enjeux. Le carcan emprunté à Jaws, au contraire, éparpille les ruptures de ton façon puzzle, enchainant à un rythme effréné des saynètes qu'on croirait échappées d'un bon épisode de Camping paradis (si tant soit peu que ça existe) et d'authentiques séquences typiques du genre, dont un climax étonnamment solide sur le plan technique, sans vraiment les relier entre elles. Le tout est forcément fascinant, en dépit d'une tendance à l'éparpillement qui renforce encore son étrangeté.

 

L'année du requin : Photo Marina FoïsUne bonne odeur de vacances (et de glaces qui fondent trop vite)

 

Everything everywhere

Marina Foïs, Jean-Pascal Zadi et Christine Gauthier (découverte dans Teddy, justement) jouent donc les gendarmes côtiers chargés de s'occuper du gros poisson, sous la pression des saisonniers et des vacanciers. Et ce n'est pas tout ! À la fois comédie assumée, radiographie des moeurs de la région, film de flippe, quête personnelle et même satire politique, L'année du requin profite de sa nature hybride pour bouffer un peu à tous les râteliers, au gré des envies de ses auteurs.

Résultat : le film est bourré de scènes comiques aléatoires, de références à la pandémie et d'idées de toutes sortes, alignées les unes après les autres. Certaines d'entre elles font mouche, comme le personnage incarné par Kad Merad – dont la présence prouve une fois de plus l'incongruité de l'entreprise –, particulièrement touchant dans la peau d'un mari bien content de profiter enfin un peu de sa vie de couple. D'autres beaucoup moins, comme cette parodie de l'heure des pros (ou de toute autre émission tenue par des pseudo-éditorialistes), qui s'invite de manière impromptue dès que les protagonistes font un tour en voiture.

 

L'année du requin : Photo Kad MeradLes plus belles chemises à fleurs du métier

 

Bref, L'année du requin ne sait pas vraiment dans quelles eaux nager et affirme sa singularité en perdant son spectateur. Plus qu'une courageuse superposition de genres diamétralement opposés, il devient une compilation désordonnée et kamikaze d'hommages exaltés et d'ambitions multiples. Sans surprise, ses comédiens s'y amusent comme des petits fous, à commencer par Marina Foïs et Jean-Pascal Zadi. Et on se surprend à sourire face aux partis-pris qui défilent pêle-mêle à l'écran, l'emploi du morceau La kiffance de Naps comme running gag, par exemple.

Car si le film se plante souvent, il faut le reconnaître, son enthousiasme candide l'emporte, et rassure sur la capacité des jeunes cinéastes français à faire sauter les digues entre les genres, même si cela implique d'allégrement les inonder. Et rien que pour ça, on souhaite le meilleur à cet improbable film de requin estival, ainsi qu'à ses réalisateurs. Vivement qu'ils s'attaquent au Kaiju Eiga.

 

L'année du requin : affiche

Résumé

Hybride foutraque qui doit tout à la passion de ses auteurs, mais ne sait pas sur quel aileron nager, ce film de requin made in France est assurément le divertissement le plus bizarroïde de l'été. Pour le meilleur ou pour le pire, à vous de juger !

Autre avis Geoffrey Crété
Film de requin trop comique et comédie de requin trop sérieuse, L'Année du requin avance avec une audace kamikaze. Difficile de savoir quoi faire de ce film, et comprendre à qui il s'adresse, mais le pari est tellement fou et étrange que c'est presque fascinant.
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Lecteurs

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commentaires
Zata
14/08/2023 à 23:22

Une vraie perte de temps

Jerome13004
01/06/2023 à 17:40

Je n'ai pas été emballé par ce mix entre les dents de la mer, et les charlots (ok c'est un peu dur), ni le rythme, ni les dialogues, ni les acteurs ne semblent fonctionner ensemble, comme si précisément ce non choix entre comédie assumée, et film d'horreur avait conduit ce long métrage dans une ornière dont il peine à se sortir tout le long de sa durée.

Pc
01/06/2023 à 12:15

Et bien moi j ai bien aimé. J aime beaucoup l idée d avoir fait un film hybride en mélangeant les genres. Même La voix off un peu étrange, au jeu décalé volontaire (ou non ) ne m a pas déplu. Voilou.

Fantomas
01/06/2023 à 08:42

J’ai souvent constaté qu’avec ces films « hommage/référence à… » (Super 8, The dead don’t die…) je me retrouvais à voir un film moyen voir mauvais comme c’est le cas avec L’année du requin.
La mise en scène est absente ; Les acteurs n’ont aucun jeu et semblent être sous Xanax. Les dialogues n’ont aucun intérêt et se limitent à trois mots par ligne et le rythme du montage est soporifique.
On navigue entre deux eaux, le cul entre deux sièges face à une histoire qui n’est ni comique, ni dramatique et nullement captivante.
Une vraie perte de temps.

bob
27/03/2023 à 17:29

Une bouse intersidéral et fainéante, dialogues extrêmement mauvais et filmé avec les pieds. Des acteurs Français venu renouveler leur alloc.

Doudou1815
12/12/2022 à 17:10

Sincèrement, il ne s’agit en aucun cas d’une comédie. Ne pas emmener les enfants…. Scènes traumatisantes…… du temps de perdu devant ce film ….

toine75
17/08/2022 à 00:10

ce film est avant tout une déclaration d'amour au film d'horreur réalisé par spielberg en 75,et il en reprend meme certains plans,au carage pres
pour le reste,on est plus pres du carnage que du bon film,mais la bonne volonté des acteurs ,aussi faux jouent ils(mention exceptionnelle a jean pascal zadi,nullissime)fait qu'on veut savoir comment ils vont s'en sortir a la fin(on peut pas dire autant de toutes les coédiees francaises actuelles...menteur et la tres tres grande classe pour ne pas les citer)
..

Dario 2 Palma
11/08/2022 à 17:20

Le meilleur film de requin réalisé par un français reste et de loin "Les dents de la mer: 2ème partie"!
Suite honorable au classique de Spielberg, le film a une réalisation un Scope assez amples, une très bonne musique de John Williams, la prestation convaincante le charisme de Roy Scheider et quelques scènes d'attaque du requin efficaces...enfin bref tout ce qui manque à "L''année du requin"!!

Marc
10/08/2022 à 23:38

@KumaKawai

Le meilleur film français j'en doute vu la nullité des productions depuis Janvier 2022.
Le film se veux entre la comédie et le film de requin c'est un mélange curieux qui prend l'eau . Au début du film une voix off insupportable pourquoi Marina Fois fait la gueule c'est caricatural. la scène dans la cage la lutte avec le requin enfin il se passe quelques chose. A la Pointe il se passe rien comme le Cinéma Français depuis quelques mois. Ce film je le conseil pas , allez voir le meilleur film de requin Les dents de la Mer.

KumaKawai
10/08/2022 à 02:50

Franchement surpris par les retours sur le film, je trouve personnellement qu'il s'agit d'un des meilleurs films français de l'année et qu'il arrive à la fois à être impressionnant esthétiquement et prenant lors de certains moments de tension bien qu'il subisse de légère baisse de rythme dû au mélange des genres.

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