Dog : critique qui a du chien sur Amazon

Axelle Vacher | 23 juillet 2022
Axelle Vacher | 23 juillet 2022

Inspiré du documentaire War Dogs : A Soldier's Best Friend, dont Channing Tatum était le producteur exécutif aux côtés de son partenaire de longue date, Reid Carolin, Dog fait le récit de Jackson Briggs, un ancien ranger de l'armée américaine souffrant de stress post-traumatique jugé inapte au combat. Interdit de mission à cause de son état de santé, son supérieur lui propose un marché : en échange d'une recommandation à un poste, Briggs devra conduire Lulu, une chienne de guerre devenue instable suite à la mort de son maître, aux funérailles de ce dernier en Arizona. Réalisé par Channing Tatum et Reid Carolin en duo, le film débarque sur Amazon Prime Video en France, et on a voulu savoir s'il avait du chien ou s'il était pas wouf !

Un road trip destination nulle part

Le titre du métrage, Dog, brille par une sobriété qui laisse la porte ouverte à de multiples attentes et perspectives narratives. Qui est ce chien, que fait-il, de quoi retournera l'intrigue ? S'agira-t-il d'une comédie ? D'une tragédie ? D'une comédie dramatique ? D'un buddy-movie ? D'un road-movie ? Cette ambiguïté de départ est à l'image du métrage, qui semble lui-même ne pas réellement savoir dans quel registre s'inscrire, ni, plus simplement, où exactement mener son histoire.

Dog se répond pourtant d'un postulat de départ très simple. Dès le premier quart d'heure, le spectateur sait tout ce qu'il y a savoir de Jackson Briggs, le protagoniste interprété par Channing Tatum, et devine assez aisément une bonne partie du récit en amont. Il n'y a par exemple aucun doute à avoir quant à l'évolution globale de la relation entre le ranger et le chien : selon un schéma narratif bien connu, les deux personnages initialement hostiles l'un envers l'autre, seront amenés à s'apprivoiser mutuellement et ressortir grandis de cette expérience. Certes, il ne s'agit pas nécessairement là d'un choix narratif très subtil de la part des deux réalisateurs, mais après tout, tous les films n'ont pas la prétention de désirer l'être.

  

Dog : photo, Channing TatumPas franchement le meilleur ami de l'Homme, la bestiole

 

D'une certaine façon, être en mesure de prévoir les grandes lignes des trois actes d'un métrage peut même, quelquefois, s'avérer judicieux, et laisser au spectateur le loisir de se concentrer sur les multiples péripéties que seront amenés à rencontrer le personnage et son acolyte canidé. Mais là encore, il semblerait que Dog ne sache pas réellement sur quelle patte danser. Trop peu de partis pris sont ainsi engagés par le scénario de Carolin, et les quelques fois où le récit semble enfin s'engager franchement dans une tournure narrative, ou tonale, le métrage prend brusquement une direction différente.

Au-delà de déstabiliser le spectateur, et d'affaiblir l'expérience même du visionnage, ce manque d'identité dont souffre le métrage l'enjoint malheureusement à collectionner les clichés afin de donner quelques couleurs à son intrigue. Le scénario se conçoit donc selon une série de rencontres épisodiques qui s'enchaînent platement, et n'ont manifestement d'autre but que celui de retarder l'arrivée de Briggs au cimetière où son ancien compagnon d'armes doit être enterré.

De fait, ne sachant pas quel film Dog prétend être, il est difficile de savoir comment regarder le métrage, comment interpréter certaines séquences, certains discours (on se demande par exemple ce qu'il faut retirer du segment où la chienne s'attaque brusquement à un médecin arabe, sous prétexte que son habit traditionnel lui rappelle les talibans contre lesquels elle s'est battue au Moyen-Orient), ou encore, comment réellement appréhender cet improbable duo.

 

Dog : photoUn toutou qui plaira aux conservateurs comme aux libéraux

 

who's a good girl ?

Le métrage rattrape néanmoins assez bien ses faiblesses, grâce, notamment, au charisme infaillible de son acteur de tête, et à l'alchimie évidente que ce dernier partage avec les trois canidés qui interprètent Lulu. Fidèle à lui-même, Channing Tatum prête ses traits à un tas de muscles écervelé et drôle malgré lui qui parvient toutefois à toucher le spectateur au moyen de quelques scènes spécifiquement pensées pour tirer sur sa corde sensible.

La performance n'est somme toute pas très éloignée de certains de ses rôles précédents, tels que ceux de 21 Jump Street ou White House Down. L'acteur est conscient de ses points forts et de ses limites, et ce premier passage derrière la caméra lui permet justement de donner la part belle à ses capacités, quitte à parfois friser la mégalomanie. Il ne s'agit toutefois pas de lui jeter la pierre : dans un quasi seul en scène – puisque l'autre personnage principal ne dispose pas réellement du champ lexical le plus développé – Tatum parvient à livrer son monologue (ainsi qu'une interprétation hilarante du Lion est mort ce soir) avec une adresse qu'il s'agit de lui reconnaître.

 

Dog : photo, Channing TatumCarte postale

 

Ses interactions avec la chienne sont d'autant plus appréciables que cette dernière n'est pas anthropomorphisée à l'excès, comme cela peut parfois être le cas avec les films figurant des protagonistes canins. Dans l'un des rares partis pris narratifs et cinématographiques du métrage, Dog semble au contraire prendre grand soin de ne pas aliéner l'animalité de Lulu, et ne lui prête de fait pas trop de réactions humanisées, que ce soit par le dressage, le scénario, ou le montage. Par cette distinction bien établie entre l'homme et l'animal, le métrage n'a pas besoin d'appuyer davantage sur ce qui sépare les deux personnages, et met donc aisément en exergue ce qui finira, à terme, par les rapprocher.

 

Dog : photo, Channing TatumMeilleure co-star.

 

un film à rendre dingo

Assez rapidement, des parallèles sont mis en lumière entre Briggs et Lulu. Tous deux sont d'anciens rangers démis de leurs fonctions, et subséquemment privés de leur présupposée raison d'être. D'un côté, le personnage de Tatum est contraint de s'habituer tant bien que mal à la perspective d'une vie civile désargentée et sans autre perspective d'avenir que celle de servir des sandwichs à des clients désagréables. De l'autre, la chienne, qui a été entrainée depuis sa naissance à suivre les soldats sur le terrain et servir de mâchoire de renfort, attend sans le savoir l'euthanasie qui lui est inévitablement réservée à l'issue des funérailles de feu son maître.

Dépourvus de valeur aux yeux du corps militaire, et par extension, de repères, les deux personnages accusent donc le même mal. Néanmoins, les lourdes séquelles psychologiques dont souffrent l'homme et le canidé ne font pas nécessairement l'objet du même traitement. En effet, là où les causes et les conséquences du stress post-traumatique de Lulu sont amplement développées, celles de Briggs demeurent toutefois bien plus floues. Faut-il concevoir les tenants et aboutissants du trouble de la chienne comme une métaphore afin de définir celui de l'homme, ou s'agit-il plutôt de souligner la supériorité humaine, et plus spécifiquement, celle des soldats, à endurer tous les maux ?

 

Dog : photo, Channing TatumTatum et toutou

 

La distinction est regrettable, surtout pour un métrage ayant pour vocation d'adresser les aléas du stress post-traumatique dont souffrent régulièrement les militaires. D'une certaine façon, la façon dont le scénario de Carolin manque de proprement explorer les raisons du trouble dont souffre Briggs est assez représentative de ce que le scénariste et Tatum semblaient pourtant souhaiter dénoncer initialement. Toutefois, si le métrage ne se répond pas d'un discours pro-armée, voire, pro-guerre, Dog pourrait en revanche être considéré comme un film pro-soldat, avec toutes les zones grises et moralement ambiguës que cela sous-entend. 

Cette inclinaison passe cependant bien rapidement au second plan, jusqu'à devenir une toile de fond, au pire désagréable, au mieux tout à fait inutile. Ainsi, le métrage ne met jamais tant l'accent sur les motivations qui poussent le personnage de Tatum à si ardemment désirer repasser l'uniforme (mais là encore, on rappelle que Dog manque cruellement d'enjeux et de direction), et mise plutôt sur le potentiel humoristique de la situation que partagent Briggs et Lulu. La réalisation sans ambages du duo Tatum-Carolin donne ainsi lieu a de multiples gags visuels qui, à eux seuls, valent peut-être le détour. 

En résulte une expérience étrange, pour le moins indescriptible, qui, en dépit de son arrière-goût d'incertitude, s'avère suffisamment agréable pour que l'on s'y attarde. Le final plein de bons sentiments était bien entendu à prévoir, mais il arrachera malgré tout sa petite larme au spectateur le plus aguerri, et peut-être qu'au fond, il ne fallait pas nécessairement en attendre bien plus. 

Dog est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 22 juillet 2022 en France

 

Dog : Affiche officielle

Résumé

Souffrant d'un cruel manque de direction, d'identité et d'enjeux de la part de son duo de cinéaste, Dog se laisse malgré tout regarder comme le divertissement sans prétention qu'il est, et parvient même à figurer quelques surprises agréables en cours de route.

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commentaires
Lost Dog...
24/07/2022 à 10:38

Ce n'est pas un Grand film,
Ni un mauvais...
Je l'ai préféré à Lost City, qui lui, était une purge à regarder.

Moa
23/07/2022 à 23:57

Film très agréable qui joue sur ses points forts comme indiqué dans l'article.

Pour l'auteure de cette critique, les troubles neurologiques, l'inadaptation sociale, le refus d'accepter sa situation (parce que clairement, au début du film il ne compte faire faire des sandwichs toute sa vie) et l'alcoolisme ne sont pas suffisamment clairs comme conséquences de son SPT ?

Concernant l'orientation "politique" du film, il est compliqué de juger d'un coté "pro-guerre" puisque le film repose sur les éléments "à échelle humaine" et non sur les motivations/conséquences à grande échelle de la guerre. On a par contre évidement le coté "pro-soldat", en insistant sur leur besoin d'aide au retour des opérations spéciales. Et assez étonnant, la diversité des réactions parfois loin des clichés.

Zarbiland
23/07/2022 à 19:13

Vu avec Madame, ça passe.

JR
23/07/2022 à 12:29

Parfait pour ce soir effectivement.

Pat Patrouille
23/07/2022 à 11:04

Sympa et familiale

Flash
23/07/2022 à 10:28

Ça m’a l’air d’être un bon petit film pour un samedi soir.

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