All Eyes Off Me : critique qui aime la fessée

Mathieu Victor-Pujebet | 8 juin 2022 - MAJ : 08/06/2022 15:03
Mathieu Victor-Pujebet | 8 juin 2022 - MAJ : 08/06/2022 15:03

En 2016, sortait People That Are Not Me, drame sur les errances sexuelles d'une jeune femme à la suite d'une brutale rupture avec un garçon. Six ans plus tard, la réalisatrice (et actrice) Hadas ben Aroya, retrouve l'intimité de cette jeunesse israélienne pour un second long-métrage, All Eyes Off Me, où les destins de Danny (Hadar Katz), Max (Leib Levin) et Dror (Yoav Hayt) se croisent autour du personnage d'Avishag (Elisheva Weil).

All Eyes on me

De jeunes adultes que la cinéaste s'échine à souvent filmer au plus près, multipliant les gros plans et les caméras épaule, notamment lors d'un deuxième chapitre plus charnel où les corps se frôlent et se touchent. Une façon simple, mais efficace d'accompagner les personnages en épousant leurs mouvements. Un sens de la captation qui se conjugue à un découpage et un montage qui laissent souvent respirer les cadres dans de longs plans qui se succèdent les uns aux autres.

Un refus du surdécoupage qui permet de laisser une belle place aux acteurs et à l'émotion de leur personnage. Deux protagonistes qui chantent et dansent du début à la fin d'une chanson, de longues confessions entre amants et même une scène de sexe filmée sur la longueur : Hadas ben Aroya n'hésite pas à étirer son action et la durée de ses plans pour coller d'autant plus au rythme de ses personnages.

 

All Eyes Off Me : photo, Elisheva WeilKechiche peut aller se rhabiller...

 

Par ailleurs, en les laissant s'exprimer librement et en les montrant (littéralement) à nu, l'écriture et la mise en scène de la cinéaste donnent la possibilité à All Eyes Off Me d'atteindre un niveau assez rare de sensibilité. Le long-métrage plonge alors le spectateur, sans filtre, dans le quotidien de ces jeunes, sans blâmer leur rapport à la sexualité ou à la drogue, ni en le spectacularisant à la Projet X.

Pas de complaisance ni de voyeurisme dans All Eyes Off Me, l'omniprésence des dialogues et le découpage étiré permettant également de ne pas céder à l'hystérie du teen movie à la sauce MTV. Hadas ben Aroya préfère filmer ses personnages avec tendresse et acuité, les écoutant au lieu de les juger, ou de les donner artificiellement en spectacle. Une précieuse proximité, alors même que tous les jeunes adultes du film renferment un mal-être et une opacité qui les coupent du monde.

 

All Eyes Off Me : photo, Elisheva Weil... et Gaspar Noé aussi !

 

Mauvais sang

Que ce soit à travers les longs plans qui suivent Danny lors d'une fête en début de film, ou bien les cadres fixes qui captent l'isolation d'Avishag dans sa troisième partie, la jeunesse d'All Eyes Off Me est peinte comme désenchantée, la joie des paillettes et la chaleur des corps ne parvenant pas à étouffer un malaise palpable.

Cette mélancolie est habitée avec sensibilité et force par la prestance des interprètes d'Avishag et Danny, Elisheva Weil et Hadar Katz, dont la finesse de jeu retranscrit à merveille l'insondable tristesse de leur personnage. Jamais surexpliquée par les dialogues du film, cette amertume des protagonistes se manifeste à travers la fragilité contenue des comédiens qui camouflent derrière des répliques anodines un spleen omniprésent.

 

All Eyes Off Me : photo, Elisheva WeilVirgin Suicides

 

Le scénario et la mise en scène de Hadas ben Aroya s'attellent alors à se focaliser sur ces détails qui disent tout des personnages, accordant plus d'emphase à une larme qui coule devant une chanteuse d'émission télé qu'aux 17 appels manqués de son copain sur le téléphone d'Avishag. La dramatisation asséchée d'All Eyes Off Me renforce ainsi l'acuité de la peinture des émotions des personnages.

Une mélancolie assez joliment résumée dans la métaphore inaugurale du film, celle du papillon blessé, bloqué sur un muret, qui peine à s'envoler. Une figure de style claire et limpide qui illustre avec pureté le malaise de cette jeunesse cassée, qui ne sait pas vraiment où aller.

 

All Eyes Off Me : photo, Elisheva WeilLes intranquilles

 

Two Lovers

Des anges perdus entre leurs désirs et leurs acquis, qui peinent à se satisfaire de leurs relations. C'est le cas du personnage d'Avishag, elle qui se laisse d'abord aller à la fougue de la jeunesse de Max, avant de s'essayer à la sagesse de Dror. Plus qu'une hésitation sentimentale ou une expérimentation sexuelle, la fuite de la protagoniste témoigne surtout d'une insaisissable intranquillité, aussi inexplicable qu'imprévisible. Un inconfort qui pousse l'héroïne à s'éloigner du cadre fixe et normé proposé par la société en essayant de développer une relation intime avec un homme mûr.

De la même façon, la narration même d'All Eyes Off Me se refuse à suivre la structure balisée du teen-movie classique. Pas réellement d'archétype identifié, ni de motif mécanique, le scénario de Hadas ben Aroya s'amuse au contraire à bifurquer plusieurs fois, suivant le personnage de Danny à une soirée, puis l'histoire d'amour maladroite entre Max et Avishag, avant de s'isoler dans la maison de Dror en même temps que la protagoniste principale.

L'instabilité des personnages est digérée dans l'architecture même du long-métrage, glissant le spectateur dans la peau de ces âmes perdues qui ne savent pas où aller. Une intranquillité captée avec une rare sensibilité, mais aussi un talent fou pour rendre palpable un mal-être profond et indéfinissable.

 

affiche officielle

Résumé

Sexe, drogue et musique... derrière son programme faussement adolescent MTV, All Eyes Off Me épouse le regard inquiet d'une jeunesse intranquille. Hadas ben Aroya signe un second long-métrage tout en finesse, captant avec tendresse et acuité l'intimité et l'incertitude d'une certaine jeunesse israélienne.

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commentaires
Corine17
18/06/2022 à 13:21

C'est le film porno du we ? Le projet X

Kyle Reese
08/06/2022 à 16:08

"All Eyes Off Me : critique qui aime la fessée"

Ok, mais on veut savoir pourquoi, et qui ?

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