Le Contracteur : critique qui s'en prend plein la tronche sur Amazon

Mathieu Victor-Pujebet | 7 avril 2022 - MAJ : 07/04/2022 17:13
Mathieu Victor-Pujebet | 7 avril 2022 - MAJ : 07/04/2022 17:13

Après avoir réalisé un épisode de Ray Donovan et de WestworldTarik Saleh, le cinéaste du Caire confidentiel, est de retour au long-métrage avec Le Contracteur. On y suit un ancien militaire (Chris Pine) qui décide de faire équipe avec un ancien frère d'armes (Ben Foster) pour une mystérieuse mission au service d'une organisation paramilitaire (dirigée par Kiefer Sutherland). Mais forcément, rien ne se déroule comme prévu et Chris Pine se retrouve seul et en danger. Si le film est actuellement exploité aux États-Unis simultanément au cinéma et sur Paramount+, c'est sur Amazon Prime Video que l'on peut le retrouver en France.

mission : contractor

Un pitch qui n'est pas sans rappeler le premier long-métrage Mission : Impossible et bien d'autres films où un protagoniste est dupé par ses supérieurs et se voit obligé de faire augmenter le taux de mortalité mondial durant tout le reste du récit. Sur le papier, Le Contracteur ne s'illustre pas par sa grande originalité. Le gentil héros américain James quitte l'armée et s'en va s'occuper de sa douce famille... avant de reprendre du service pour tenter de la sauver - non pas d'un méchant terroriste, mais de sévères dettes.

L'identité de l'antagoniste se dessine assez vite et le déroulé de l'action est rarement bousculé par de violents retournements. Bref, Le Contracteur va d'un point A à un point B. Mais tout au long d'une première partie avare en action, les enjeux plus personnels et sensibles des personnages se dessinent. Le difficile retour de Chris Pine au bercail conjugué à l'inquiétude de Ben Foster pour son enfant handicapé donne du corps aux protagonistes principaux.

 

The Contractor : photo, Chris Pine"Je vous veux dans mon équipe !"

 

Des motifs qui ne servent pas de gadget à un récit en pilote automatique. Le scénario de J.P. Davis insiste d'ailleurs étonnamment sur la rage de la famille du scientifique et sur le bref échange entre Chris Pine avec un de ses agresseurs dans un sale état à la suite d'une course poursuite. En s'intéressant aux ressentis de personnages semi-tertiaires, dommages collatéraux des évènements de l'intrigue, le long-métrage réalisé par Tarik Saleh dépasse le simple actioner bourrin qui enchaîne les péripéties inconséquentes et les poncifs scénaristiques.

La bifurcation vers une seconde partie plus musclée en est alors d'autant plus engageante, Le Contracteur s'armant d'un joli savoir-faire technique lors de ses séquences d'action. La précision du montage et l'âpreté du découpage se conjuguent alors en s'efforçant de trouver un juste milieu entre une crudité palpable et une brutalité à peine spectacularisée. Dans ses enjeux et sa mise en scène, Le Contracteur fait tout son possible pour être palpable et humain.

 

Photo Chris PineChris Pine au bout de sa vie

 

the thin red pine

Le long-métrage essaie donc de ne pas succomber aux clichés, voire mieux, de jouer avec. Dans ses 15 premières minutes, cet ancien militaire - qui, comme tous les héros américains, fait des footings - retrouve sa famille et passe du temps auprès d'elle. La courte focale aérienne de la caméra de Tarik Saleh suit les protagonistes jusque dans la piscine municipale où le père apprend à son fils à nager, un drapeau américain au-dessus de leurs têtes.

Cette vision fantasmée et volontairement accentuée de la famille américaine s'effrite par la suite lorsque le scénario de J.P. Davis dévoile la violence derrière le drapeau. Une violence sociale dans un premier temps, avec l'abandon d'anciens soldats sans couverture financière, mais aussi psychologique vu les marques, physiques ou non, laissées par le patriotisme exacerbé du père de Chris Pine sur son garçon.

 

The Contractor : photo, Chris PineUn héros plus fragile qu'il n'y parait

 

Un corps qui n'est d'ailleurs pas ménagé durant le film. Entre sa blessure au genou - antérieure au récit - et les sacrés coups que reçoit James : la chair du héros est malmenée, le personnage ne ressortant pas du film sautillant, gai et joyeux. Chris Pine est ici fragile et n'hésite pas à se laisser aller à des élans d'animosités face à ses adversaires, notamment lors de la même séquence de course-poursuite qui se finit dans les égouts.

La violence surgit d'ailleurs régulièrement de façon abrupte dans le récit, jouant avec intelligence sur l'équilibre des temps morts pour faire jaillir à tout moment un conflit sanglant. Que ce soit la bifurcation déjà présente dans la bande-annonce qui débouche sur la chasse de Chris Pine ou bien la conclusion de la pause en compagnie d'Eddie Marsan : la violence dissimulée explose sans prévenir dans le long-métrage, déployant une intranquillité constante assez stimulante.

 

Photo Kiefer SutherlandQue devient le héros américain en 2022 ?

 

make america great again

La figure du classique héros américain est donc malmenée dans Le Contracteur, J.P. Davis et Tarik Saleh préférant mettre en scène un personnage humain et vacillant, plutôt qu'un bulldozer irréprochable moralement. Dans cette idée de retravailler le sauveur à l'américaine, l'acteur Kiefer Sutherland - dont la renommée est très centrée autour de son personnage d'agent antiterroriste dans la série 24 heures chrono - interprète ici le grand manipulateur du récit.

Une façon de jouer avec cette image d'ancien héros qui ferait à présent corps avec le système, sa manipulation et sa violence. Des années après A History of ViolenceBlue Velvet ou encore Triple frontière, Tarik Saleh et J.P. Davis découvrent donc que la douceur du rêve américain n'est qu'illusion, que le capitalisme individualise et qu'il ne faut pas trop embêter les Américains. Un discours pas bien novateur en tant que tel, mais appuyé avec honnêteté par l'attention portée à la galerie de personnages traversant le film.

Avec son Chris Pine piégé, seul et recherché, Le Contracteur progresse vers un troisième tiers vengeur et désespéré, qui n'est pas sans rappeler les films du grand cinéaste américain Sam Peckinpah (La Horde sauvage, Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia). Si Tarik Saleh et J.P. Davis ne vont pas jusqu'à une conclusion aussi sombre que celles d'un des maîtres du Nouvel Hollywood, ils explorent tout de même avec Le Contracteur une amère gravité assez rare pour un actioner de ce type.

Le Contracteur est disponible sur Amazon Prime Video depuis le 4 avril 2022 en France.

 

affiche officielle

Résumé

Derrière son récit un peu basique et ses enjeux élémentaires, Le Contracteur est un actioner plutôt très efficace qui questionne constamment ses poncifs d'écriture et son héritage cinématographique. Tarik Saleh et J.P. Davis ne réinventent pas l'action à l'américaine, mais livrent un thriller tenu et une étude amère sur ce qu'il reste du héros à l'américaine.

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Lecteurs

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commentaires
Ozymandias
30/08/2022 à 22:19

Plutôt pas mal effectivement, des scènes d'action percutantes malgré un scénario classique.

Birdy en noir
09/04/2022 à 01:26

Film vu 20x en quelques années, mais cet herzatz de Bourne/Tyler Rake/MI1 parvient à trouver son identité dans le spleen de ses personnages, conscients de la vacuité de leur combat.
Chris Pine ne démérite pas, ses yeux bleus collent avec l'idée qu'on se fait du héros américain déchu : beau même crado, malicieux même usé, touchant même après 10 morts innocentes en préambule à son mea-culpa.

Bref ça se voit, en attendant le prochain.

The insider38
08/04/2022 à 17:34

Très bon moment ce contractor, je comprends clairement pas pourquoi ça sort pas en salle, alor que la purge black light de Neeson A droit aux honneurs de la salle

Vivalorthographe
08/04/2022 à 16:21

Cher Amazon Prime
Contracteur au lieu de contractant ... Vraiment ?!
Je sais, localiser est un métier qui nécessite un peu de budget.
Autant pour la réalisation et le scénario, tu peux torcher des bousins avec ton bel algorithme à bas coût, autant pour la traduction il faudra mettre la main in the pocket.

Hugo Flamingo
08/04/2022 à 15:18

La mise en scène est quand même hyper maîtrisée, ultra sobre mais dinguement efficace ; tout comme le montage, et les ellipses très malignes (d'un scénario trop classique).

BFF
08/04/2022 à 10:49

"et se voit obligé de faire augmenter le taux de mortalité mondial durant tout le reste du récit."

Jerry, excellent !

Aquarium
08/04/2022 à 09:36

Bon film mais frustrant, la faute à un scénario pas à la hauteur du traitement humain. J'ai bien aimé le rythme du film. Malgré quelques incohérences le film se tient jusqu'à la scène avec Virgil Marsan, par contre le dernier 1/4 heure c'est la foire à la saucisse.
Je trouve que dans la critique vous avez oublié un point important qui n'est pas vraiment un spoil vu que c'est les 1ères minutes, CP joue un ranger qui est sur toutes les lignes de front à risquer sa vie où ca chauffe pas mal. Il est viré comme un mal propre sans retraite ni sécu. Après sa grave blessure et malgré sa rééducation il avait encore des traces des médocs qu'il prenait, l'injustice totale.

RobinDesBois
08/04/2022 à 02:24

J'ai trouvé ça pas mal du tout également. Thriller de très bonne facture, on ne voit pas le temps passer. Chris Pine toujours aussi charismatique et c'est sympa de le retrouver avec Ben Foster après l'excellent Comancheria. Et oui le film ne verse pas du tout dans le patriotisme.

Par contre la critique spoil un peu trop (même si tout est assez prévisible), je suis content d'avoir vu le film avant.

Kyle Reese
08/04/2022 à 01:05

Bien aimé. Chris Pine est très crédible. L'histoire est simple mais prenante.
C'est très carré, sans artifice, les scènes d'actions sont réalistes et efficaces sans chercher le spectaculaire. Une bonne ambiance, assez grave.

@Robert Grobousin

Je ne vois pas en quoi ça sent le patriotisme ... bien au contraire.

Rakis
07/04/2022 à 22:42

Me donne envie tout ça !

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