Violet Evergarden, le film : critique qui fera pleurer les chaumières sur Netflix

Matthias Mertz | 28 novembre 2021
Matthias Mertz | 28 novembre 2021

D'abord sous la forme d'un light novel, puis d'une adaptation par Kyoto Animation, Violet Evergarden continue à convaincre. Après un premier spin-off, la série trouve finalement sa conclusion avec Violet Evergarden, le film. Violet continue ainsi d'officier en tant que doll et d'essayer d'oublier le Major Gilbert sur Netflix, avec un scénario de Kana Akatsuki et des dessins d'Akiko Takase.

Blue eyes of the broken doll

Violet Evergarden est le nom d’une "doll", une femme qui exerce un métier proche du scribe. Elle est ainsi chargée de retranscrire les émotions des clients de la compagnie de poste dans des lettres souvent destinées à leurs proches. Son travail s’inscrit régulièrement dans un registre familial ou privé, parfois géopolitique. Il est en outre courant qu'elle rédige des lettres qui seront lues à titre posthume, après la mort de leur commanditaire.

La profession de Violet est pourtant contre-intuitive, dans la mesure où la jeune femme est devenue stoïque à la suite d'un parcours de vie chaotique. Vendue par un marchand d'esclaves, elle rejoint le Major Gilbert, cadre dans l'armée, qui lui apprendra la lecture et l'écriture avant de la faire participer sous ses ordres à une guerre où elle perdra ses deux bras, quand lui n'y survivra pas.

 

Violet Evergarden, le film : photoIl est temps d'en apprendre un peu plus sur le Major Gilbert

 

Le deuil de Violet est l'un des grands enjeux de la série, cette dernière rencontrant dans le cadre de son travail d'autres personnages dont certains sont parfois également endeuillés. Ces rencontres ont aussi pour but de lui permettre de comprendre les derniers mots qu'elle a reçus de la part du Major lorsque celui-ci agonisait, "Je t'aime".

Si le long-métrage Violet Evergarden est la suite directe de sa série animée, il intègre à sa narration de nombreux flashbacks qui permettent au spectateur de comprendre ses tenants et ses aboutissants sans difficulté.

Les aficionados de la série ne devraient pas les trouver redondants, étant aussi l’un des piliers de la charge émotionnelle de la série. Cette dernière retraçait ainsi les débuts de Violet en tant que doll et explicitait plus longuement le passif de se relation avec le Major Gilbert. Désormais, Violet est une doll accomplie, pour ne pas dire la meilleure de sa compagnie.

 

Violet Evergarden, le film : photoViolet Evergarden parvient à montrer tout le folklore d'un village au début 20e siècle

 

Le film récupère en outre de son matériau d’origine l'une des raisons de sa renommée : la qualité d’animation et la direction artistique propre aux productions du Studio Kyoto. Le design des personnages est sobre et efficace (si on apprécie les coiffures à la Ramona Flowers), à l'image de celui présent dans la série animée. Leurs proportions sont justes et élégantes, et les gueules cassées de la guerre n’ont jamais paru si réelles malgré leurs corps mutilés.

Le travail des doublages est subtil et adapté à son ton mélodramatique tout en retenue (Yui Ishikawa parvient à donner à Violet une présence très juste), mais c’est surtout dans les costumes et les décors que la fiction se démarque largement. Le récit puise dans des inspirations steampunk avec ses villes en pleine révolution industrielle, et la fiction nous transporte dans de nombreux paysages différents très réussis.

 

Violet Evergarden, le film : photo2h20 c'est long, mais quand il y a tant de belles choses à voir...

 

Qu’elle nous amène dans un phare brumeux, un village côtier ou sur le champ de bataille, l’immersion est totale et très plaisante. L'ambiance folklorique de voyage d'un personnage psychologiquement abîmé et au corps composé de prothèses rappellera d'ailleurs l'ambiance de Full Metal Alchemist, standard du genre.

Les costumes ont bénéficié d’une attention notable. L’ambiance du 20e siècle est reproduite avec soin et on ne doute jamais de la cohérence de la diégèse du film. Si certaines fictions se sont essayées à reproduire les dynamiques sociales du passé (par exemple pour y décrire des samurais pas encore obsolètes à l'ère des armes à feu) elles parviennent rarement à éviter les incohérences ou les anachronismes. Violet Evergarden parvient au contraire à représenter correctement des personnages appartenant au passé.

 

Violet Evergarden, le film : photoEn parlant de direction artistique, voilà de la colorimétrie qui déchire

Purple rain

La musique est elle aussi d’une très bonne facture, toutefois, elle souffre de son caractère répétitif. Ou plutôt, elle souffre du caractère linéaire et monochrome de son long-métrage qui ne quitte que très peu le ton mélodramatique. La puissance d’un thème dans une bande-son est aussi sa capacité à compléter la palette d'émotions présentes dans le film. Toutefois, lorsque la bande-son est quasi entièrement versée dans le mélodrame, cette dernière ne parvient plus qu’à être un ensemble homogène de thèmes servant son dessein mélodramatique, diminuant de fait sa portée.

Ce reproche du mélodrame constant est en fait caractéristique du film dans sa globalité, qui se refuse à alterner les tons. L’un des ressorts les plus utilisés dans l’animation pour provoquer l’émotion consiste à casser le rythme, à briser une ambiance joyeuse avec un évènement tragique, ou au contraire à ponctuer un drame de respirations comiques. De fait, le contraste entre ces deux ambiances amplifie leur puissance. Dans Le Tombeau des Lucioles, le caractère léger et gaffeur des deux enfants était un ressort comique qui amplifiait la violence du caractère tragique de la guerre qui les surplombait.

 

Violet Evergarden, le film : photoLa transmission d'émotions impossibles à partager de vive voix est abordée avec brio

 

Sauf que Violet Evergarden ne parvient pas ou presque à donner un autre ton que celui du mélodrame. Et quand tout est mélodramatique, plus rien ne l’est. C’est d’autant plus vrai lorsque le drame est entretenu par des personnages qui pourraient le désamorcer s’ils parvenaient à communiquer et sortir de leur mutisme.

Dans le cas du Tombeau des Lucioles, les enfants sont victimes des ravages de la guerre, et on ne peut qu’être triste de leur sort dans la mesure où ils en sont tout autant spectateurs que nous. Ici, le mélodrame constant et entretenu tape parfois à côté, résultant un agacement certain face à des personnages qui pourraient se parler, se pardonner, se comprendre et enfin être heureux.

Agacement entretenu par le fait que Violet Evergarden est un (très) long long-métrage. 2h20 (générique compris) est une durée très ambitieuse qui incombe à l’œuvre d’avoir de bons arguments pour retenir le spectateur. Malheureusement, son scénario calme (pour ne pas dire mollasson) ne parvient pas à retenir l’attention durant cette durée astronomique. En résulte un ventre mou passé la première demi-heure qui persiste jusqu’au dernier tiers du film. Le visionnage en devient alors éprouvant, et ce malgré la tentative de sauvetage orchestrée par la direction artistique qui magnifie l'ensemble.

 

Violet Evergarden, le film : photoPlus mélodramatique qu'Angel Beats et Clannad réunis

 

One-trick pony

Un twist vient toutefois rebattre les cartes et remettre en cause un élément fondateur de la diégèse du film, interrompant une longueur avec laquelle le scénario semble se débattre et durant laquelle Violet flâne d’une tâche de doll à une autre. Toutefois, sa résolution est très prévisible, et le spectateur un minimum averti en verra l’intensité désamorcée.

Violet Evergarden est ce qu’on appelle un "glass cannon" dans l’univers des jeux vidéo. Un canon de verre, c’est un personnage entièrement tourné vers l’offensive et capable d’infliger des dégâts lourds, mais toutefois incapable de se protéger. C’est ce qu’est le film, un mélodrame qui va immédiatement convaincre les amateurs du genre et laisser refroidis les autres face à son manque de versatilité.

Sauf que même si le long-métrage semble redondant et trop monochrome, il parvient quand même à décocher quelques flèches là où il faut. Sa force émotionnelle est si puissante que ses nombreuses tentatives pour faire décrocher une larme ne peuvent pas toutes se solder par un échec.

 

Violet Evergarden, le film : photoUne fiction qui met en scène l'obsolescence de son récit

 

Et c’est particulièrement vrai dans certaines sous-intrigues qui sont mineures à l’échelle de l’ensemble et qui pourtant fonctionnent. La première raconte le destin d’un enfant loquace faisant appel à Violet pour laisser des messages posthumes à sa famille une fois que la maladie l'aura terrassé. L’autre englobe le film et conte l’histoire d’une jeune fille curieuse de connaître la vie de cette doll appartenant désormais au passé, et ayant rédigé des lettres pour sa grand-mère défunte.

Et cette sous-intrigue traitée légèrement, bien qu’elle forme le cadre du récit, aurait pu être mieux mise en avant, a fortiori pour enrichir la narration. Par exemple, la jeune fille pose le constat très juste que les doll sont presque une relique du passé durant leur période d’activité face à l’avènement du téléphone. De la même façon, la mémoire de la guerre est omniprésente dans le métrage sans jamais que ne soit posé son rapport à la suite.

Violet Evergarden, le film est disponible en France sur Netflix depuis le 19 novembre 2021

 

Violet Evergarden - le film : Affiche officielle

Résumé

Violet Evergarden est une visite dans un musée. Magnifique et prenante, mais la beauté du matériau d'origine ne parvient pas à étouffer l'impression que c'est trop long, et parfois trop niais. À réserver aux aficionados de la série et aux amateurs de mélodrames qui, eux, seront ravis.

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Lecteurs

(4.5)

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commentaires
Nimijeutron
30/11/2021 à 01:43

Le film est de même qualité que la série et malheureusement le côté mélo en a soulé plus d'un sa doit être du même acabit de mon point de vue je vais reprendre le cas du tombeau des lucioles le film est excellent et je comprends pourquoi il est reconnu comme chef d'oeuvre cependant la sauce n'a pas pris avec moi car là où le mélodrame de violet evergarden séries et films m'ont toucher celui du tombeau des lucioles ma dépossédé de positivisme pendant un partie du film mais même si je ne l'ai pas aimer je reconnais c'est qualité qui son meilleur que violet evergarden en sont temps et de loin

Marius
29/11/2021 à 13:29

Je ne partage pas votre avis. Le film s'insère dans la ligne directrice de la série et apporte, selon moi, ce qui manquais. Une conclusion, une réponse, au personnage de violet. Je n'ai pas trouvé le film spécialement long. Bien qu'en effet un peu prévisible, la fin m'a quand même surpris sur certains aspects notamment développement de personnage. Le ton léger manquant du film se retrouve à mon sens dans la série ce qui pris à part de celle ci fait évidemment lourd mais réalise un ensemble plutôt harmonieux

Clint
28/11/2021 à 18:24

Violet Evergarden reste pour moi le meilleurs anine que j'ai vu. Le thème me parle trop et me touche vraiment.

Oui c'est long mais je voulais une telle durée qui est pour moi méritée pour que nous puissions tous dire au revoir à cette série, vraiment finir ce qu'elle avait à nous dire.

Les dernières minutes sont longues mais pour moi vraiment nécessaire.

Et puis m*rde C'EST BEAU P*TAIN!

Ulrich
28/11/2021 à 18:06

Ce n'est pas le Major Gilbert qui la fait participer à cette guerre, c'est son grand frère. Elle était déjà doué pour tuer. Gilbert veut juste la protéger en la prenant avec lui. Il essaye de l'éduquer mais elle est tue sans hésitation et avec tel sang froid que cela le perturbe de ne pas arriver à lui donner une autre vie. Gilbert va disparaître dans les explosions et elle y perdra ses bras. C'est la base du film. Sinon le film clôt parfaitement cette série exceptionnelle.

Aquarium
28/11/2021 à 16:03

Plutôt d'accord avec votre critique, le film est visuellement sublime et la BO somptueuse, mais tout fan de la série (de l'univers) que je suis. Le film est bcp trop fan-service, prévisible, le scénario brosse trop le spectateur dans le sens du poil mais fait preuve d'aucune audace.

shaun
28/11/2021 à 13:11

Permettez moi de ne pas partager votre critique. J'ai tout simplement adorer ce "long-métrage" Musique et générique compris. Tous les goûts sont dans la nature. Et j'attends avec impatience sa sortie en DVD un french dès le mois de mars prochain. Et je trouve vraiment le temps long, croyez-moi !

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