The French Dispatch : critique du Wes Anderson de trop
The French Dispatch est ce soir à 21h10 sur Canal+.
Trois ans après L'île aux chiens et sept ans après The Grand Budapest Hotel - considéré par beaucoup comme son chef-d'oeuvre - Wes Anderson revient à l'affiche avec The French Dispatch, sa proposition la plus radicale, mais pas forcément la meilleure. Si on s'attendait à ce que le cinéaste atteigne les sommets de son art avec son nouveau film, on sera certainement ravi par son inventivité folle, mais on échappera difficilement à la déception qui s'en suit.
La dixième merveille du cinéma
Voix-off de narrateur, toile de fond rétro, plans fixes, symétrie parfaite, déplacements latéraux et verticaux avec la caméra, maquettes, teintes jaunes et autres couleurs pastel, tout ça en moins de deux minutes... Pas de doute, Wes Anderson est de retour, et surtout en forme. Avec son dixième film, The French Dispatch, le cinéaste s'est complètement lâché, ses précédents ouvrages (qu'on ne déprécie pas pour autant) paraissant presque dans la retenue en comparaison.
Mais au-delà de condenser tous les gimmicks esthétiques de son cinéma en un seul long-métrage, le réalisateur les a tous exaltés dans une démarche jusqu'au-boutiste qui force l'admiration. Wes Anderson joue autant que possible avec la plastique de son film, offrant un spectacle visuel sublime, mais surtout des idées de mises en scène et de direction artistique plus inventives et ambitieuses les unes que les autres (théâtre filmé, passages en noir et blanc, séquence animée, faux diaporamas). Difficile de lâcher des yeux cette nouvelle pièce d'orfèvrerie, toujours plus pointilleuse, excentrique et surprenante.
Faire du beau avec du moche, cet autre super pouvoir de Wes Anderson
Le réalisateur a également exacerbé son approche très littéraire du cinéma, que ce soit par la présence de livres, pages de journaux ou une quelconque forme d'écriture visible à l'écran, son nouveau monde miniature imaginaire d'Ennui-sur-Blasé pensé sur le modèle de Paris ou encore son scénario segmenté, dont les différentes parties sont encore explicitement annoncées.
Le découpage du récit n'est cependant pas calqué sur le chapitrage des romans, mais sur l'idée d'un journal qu'on feuillèterait pour s'attarder sur certaines rubriques : voyage (balade dans les coins insalubres de la ville), art (le portrait d'un psychopathe et génie du pinceau), politique (réimagination de mai 68), gastronomie (un dîner qui vire en enquête policière) et nécrologie.
The French Dispatch s'articule donc autour de trois récits anthologiques, illustrant chacun les articles de rédacteurs stars de la gazette éponyme inspirée du New Yorker, poussant encore plus loin le concept de mise en abyme qui parcourt la filmographie d'Anderson. Trop loin, peut-être. Les longues tirades, les digressions des narrateurs, les précisions écrites, les remises en contextes et autres verbiages pompeux, font facilement perdre le déroulé des événements, tandis que le fil rouge du film - la mort du fondateur et directeur de publication du journal - n'a finalement que peu ou pas d'importance dans cette mosaïque dense et confuse.
LA MALADIE D'AMOUR
Même si son nouveau film aborde par-ci, par-là les thématiques qui lui sont chères - l'amour, l'amitié, la famille, l'accomplissement de soi -, le film manque cruellement de chaleur et d'âme. Que ce soit avec Rushmore, La famille Tenenbaum, La vie aquatique, Moonrise Kingdom ou encore The Grand Budapest Hotel, l'esthétique sophistiquée et maniérée du cinéaste s'est toujours couplée à une sensibilité et une certaine tendresse pour contrebalancer le jeu apathique des acteurs, le comportement plus détaché des personnages et la structure rigide du scénario.
On retrouve bien les codes de la comédie grinçante et burlesque d'Anderson : des répliques acides, un commentaire social plus léger et railleur que politique, un humour noir, un ton décalé et des situations cartoonesques. En revanche, le scénario consacre bien trop peu de temps à ses différents personnages, presque tous anecdotiques, pour les rendre intéressants ou attirer notre empathie et sympathie, aussi talentueux soit le casting.
Leur relation méritait clairement plus d'attention et de temps
Les quelques démonstrations d'émotivité sont, elles aussi, bien trop brèves et ponctuelles pour créer une atmosphère ou dégager un quelconque propos de fond. On comprend bien la lettre d'amour au cinéma français et au journalisme old school, dont la mort est symbolisée par celle du rédacteur en chef et du numéro d'adieu du journal, mais même l'hommage est trop froid et mécanique, préférant aligner les références intellectuelles que de nous faire ressentir la nostalgie qu'il voulait dégager.
Pire encore, The French Dispatch apparaît comme une preuve que l'univers cinématographique qu'a façonné Wes Anderson se replie sur lui-même plus qu'il ne s'étend, comme si ces nouveaux personnages et ceux des autres longs-métrages étaient interchangeables. Pour s'attarder sur l'anthologie le plus inégale des trois, la Lucinda Krementz de Frances McDormand - malgré tout très bien interprétée - finit par être un mauvais décalque de la Eleanor Zissou qu'a joué Anjelica Huston, de même pour le Zeffirelli de Timothée Chalamet dans lequel on peut reconnaître le Max Fisher de Jason Schwartzman.
Se pose alors cette désagréable question : Wes Anderson vient-il d'atteindre le sommet, et par conséquent les limites de son art ? Une chose est sûre, The French Dispatch ne devrait pas réconcilier le réalisateur et ses détracteurs, mais devrait satisfaire sans mal ceux qui venaient surtout s'en mettre plein les yeux. En espérant que son prochain film, Asteroid City, retrouvera la délicatesse et les bons sentiments qui participaient aussi (et surtout ?) à la beauté de son cinéma.
Lecteurs
(2.5)14/07/2022 à 14:00
Je suis entièrement d'accord : un bijou de détails, un chef d’œuvre esthétique, une toile en perpétuelle réinvention mais un manque de tendresse et un tempo bien trop rapide... (j'en parle plus longuement ici : https://pamolico.wordpress.com/2022/07/14/the-french-dispatch-wes-anderson/)
29/06/2022 à 07:41
Carrément Mr Anderson !
Pour ma part, je le classe entre Soldier et l'île aux chiens !
28/06/2022 à 22:34
J'ai adoré!! Un réalisateur qui a du style! Ses films sont vraiment à part. Un Mr Hulot de notre époque. Quelle inventivité incroyable.
28/06/2022 à 21:20
Je suis déçu car WS Anderson m'avait habitué à des films pop corn et des effets spéciaux pyrotechniques sur des franchises comme Monstres Hunters et les 6 Mousquetaires ... dommage qu'il soit tombé si bas ! ;)
05/03/2022 à 22:30
Vu à l’instant, film plastique lent magnifique mais aussitôt oublié.
05/11/2021 à 09:35
en effet, une salle qui s'endort, ronfle doucement, personnes qui partent pendant la projection.
un joli Ennui...
02/11/2021 à 06:25
Au secours !!!
J'ai dormi !!!
Mon Dieu que c'était pénible !!!
Tant de talents d'acteurs pour cette daube ???
01/11/2021 à 15:54
Entièrement d'accord avec la critique. Clairement pas son meilleur film. Sans savoir pourquoi, je me suis un peu ennuyé. Pourtant tout était là, mais ça n'a pas pris.
Ca reste un Wes Anderson et en celà, un film bien meilleur et plaisant que 95% de la programmation habituelle.
29/10/2021 à 06:56
Wes Anderson est un directeur artistique, pas un realisateur. Wes Anderson, c'est une boisson trop sucre avec aucun nutriment a l'interieur.
29/10/2021 à 01:13
Horrible