Space Sweepers : critique du space opera Netflix

Mathieu Jaborska | 5 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Mathieu Jaborska | 5 février 2021 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En manque de blockbuster boursoufflé et dopé au CGI baveux ? Netflix profite de l'absence de concurrence des salles pour distribuer à l'internationale un space opera cyberpunk de presque deux heures vingt. Space Sweepers, qu'on doit à Jo Sung-hee et une équipe de créateurs d'effets spéciaux largement influencée par les cadors du genre, semble à première vue pensé pour nous faire péter la rétine. Et il ne faillit presque pas à la tâche.

Space opératique

Une bande de casse-cous au passé trouble et à la morale élastique survit en vendant les épaves qui polluent l'orbite terrestre. Mais au détour de leurs pérégrinations, ils tombent sur une petite fille et se rendent compte qu'il s'agit d'un androïde recherché par les autorités et garni par un groupe terroriste d'une bombe dévastatrice. Un pitch plutôt passe-partout, du moins plutôt passe-partout à l'époque où les seuls blockbusters n'étaient pas des séries ou des exclusivités Disney+.

Car Space Sweepers est un blockbuster complètement décomplexé, assumant volontiers la débauche de VFX qui s'y niche et le schématisme de son intrigue. Le film multiplie les archétypes s'épanouissant la plupart du temps dans le cinéma américain, des hors-la-loi au grand coeur et au petit porte-monnaie qui se découvrent une humanité au contact d'un adorable marmot au patron gentil,-mais-en-fait-il-veut-détruire-le-monde. Sans jamais endormir son spectateur grâce à quelques rebondissements classiques, mais bien dosés, il préfère se concentrer sur son traitement du space-opera, genre bien vivant depuis le retour de Star Wars et Les Gardiens de la Galaxie.

D'où la réussite de l'univers convoqué, aux forts relents cyberpunk. D'ailleurs, le tout premier plan cite ouvertement le Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve et sa photographie mémorable en dévoilant une Terre déglinguée jusqu'au dernier lopin de terrain. Les humains n'y vivant pas subsistent difficilement dans le champ de ruine déployé autour de la planète ou se dorent la pilule dans un Eden temporaire fabriqué par une multinationale digne héritière de la start-up nation. Bref, c'est Elysium sans le discours social lourdingue.

 

photoSweep left

 

Space cowboys

Le long-métrage prend bien soin de ce monde décrépi, où les tableaux de bord ressemblent à des micro-villes clignotantes et les vaisseaux à des déchèteries supersoniques. La direction artistique est donc reine, surtout quand la narration lui octroie les pleins pouvoirs, comme dans la scène de la boite de nuit, dont l'exubérance ravira les esthètes du pixel et les mélomanes du dubstep.

L'univers déployé, ainsi que l'absence agréable d'obligations mercantiles (pas de franchise en vue, mon capitaine) autorise aussi l'accomplissement d'un fantasme américain très rarement atteint : une vision d'un vrai melting-pot humain, où toutes les langues se croisent et interagissent entre elles grâce à des traducteurs presque implantés directement dans l'oreille de la population. S'y mêlent des Russes, des Allemands, des Coréens, des Espagnols, des Français (ou des Belges, qui sait ?) et toutes les nationalités que notre oreille experte n'a pas su identifier, dans un joyeux cocktail linguistique à la fois utopique et dystopique.

Le terreau parfait pour une galerie de personnages réussis. C'est le nerf de la guerre dans ce genre de productions, où l'omniprésence des effets spéciaux nécessite des points de repère tangibles. Mission accomplie, moins grâce à quelques sous-intrigues personnelles parfois un peu bancales qu'à un casting royalSong Joong-ki se fait d'ailleurs un peu manger par ses acolytes campés par Jin Sun-kyu (vu dans Le Bon, la Brute et le Cinglé et The Outlaws), Kim Tae-Ri, dont le charisme découvert dans Mademoiselle n'a pas faibli, mais aussi un Richard Armitage improbable, déguisé en Mark Zuckerberg mutant. 

 

photoAh oui, il y a un robot, et il n'est miraculeusement jamais relou

 

Space junk

Toutefois, la vraie force de l'univers développé par Space Sweepers reste de capitaliser à fond sur l'idée d'un espace souillé par nos déchets, retournant en même temps à son avantage les contradictions du space-opera classique. Comme dans Star Wars, Star Trek et compagnie, tout le monde évolue dans des structures technologiques spectaculaires. Sauf qu'ici, les héros sont ceux qui nettoient derrière, littéralement des balayeurs de l'espace. Résolu à rester dans l'ombre des méga-productions américaines (le climax se déroule sur une étoile noire miniature), le film du même nom s'attèle à questionner leurs restes.

C'est la raison pour laquelle les premières minutes fonctionnent autant. La découverte de ces bas-fonds économiquement instables et menacés en permanence par les déchets orbitaux passionne, et promet le meilleur pour ces deux heures d'aventure. Malheureusement, c'est aussi là la limite de la production, qui met certes en scène un cadre passionnant généré par des CGI de qualité, mais qui s'empêche de l'exploiter pour de véritables instants de bravoure spatiaux, lesquels se concentrent au tout début et à la toute fin.

 

Photo Kim Tae-RiOn sort les flingues... un peu tard

 

Au milieu, l'intrigue et la réalisation éludent les situations mouvementées, un comble pour un blockbuster revendiquant aussi violemment son statut de divertissement. La moindre poursuite se dégonfle, la moindre baston se rabougrit, au grand dam de l'amateur d'action intersidérale. Ce n'est pourtant pas comme si Jo Sung-hee était incapable de faire s'envoler sa caméra. Les séquences de poursuite qui encadrent son film, bien que très brouillon sur les bords, prouvent le contraire.

La richesse de l'univers déployé et de certains plans s'amusant de l'absence de gravité n'a donc d'égal que la frustration qu'elle peut provoquer. On reste cependant à l'affut d'autres films du genre sur la plateforme. Quoi qu'on en dise, la SVoD pourrait être l'arme qui pourfendrait l'hégémonie américaine sur le terrain de la diffusion des blockbusters. Destruction Finale et Space Sweepers ont prouvé récemment que le cinéma coréen populaire avait son mot à dire. Netflix a largement les moyens de prêcher sa bonne parole.

Space Sweepers est disponible sur Netflix depuis le 5 février 2021 en France

 

Affiche

Résumé

Les premières minutes de Space Sweepers promettent beaucoup. C'est peut-être le principal défaut d'un film moins généreux que prévu, mais dont la richesse de l'univers surprend agréablement.

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Lecteurs

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commentaires
Opale
08/02/2021 à 09:48

Visuellement assez classe, ça se laisse bien regarder, un peu trop bordélique mais franchement ce film n'a pas a rougir par rapport aux grosses (grasses) machines hollywoodiennes.

Prouttom
08/02/2021 à 07:02

Un mélange du manga planètes et de l animé cowboy bebop et c est là son principal défaut. Quitte à les pomper autant les adapter. Ça se laisse regarder mais il y a un manque criant de moyen/ temps dans les rendus des effets spéciaux.

Johann
06/02/2021 à 22:07

Irregardable...
La moindre scène d'action (ou même de dialogue) cri le manque flagrant de maitrise de l'espace 3D. On ne sait pas où regarder et le montage, complètement chaotique, n'aide absolument pas...

Dommage, pour une fois qu'on avait quelque chose d'un peu différent à se mettre sous la dent.

Kyle Reese
06/02/2021 à 12:10

Assez en phase avec les autres commentaires et la critique. Sympa dans l'ensemble, beaucoup de références, j'avais l'impression de voir un oav manga en live façon Cow Boy bibop ou un jeux vidéo, un joyeux bordel plutôt généreux qui prend son temps, j'ai adoré le robot Burbs et ses sorties spatiale avec chevauchés sur la coque du vaisseau (vraiment une idée fun). Les autres persos sont assez cool et oui ça lorgne pas mal chez Les Gardiens de la galaxie que j'aime beaucoup. Gros clin d'oeil à Blade Runner au tout début, visuellement et avec le son. Niveau visuel, décor, photo, sfx c'est top, c'est très coloré avec de belles idées et change de l'ambiance froide et terne de bcq de production de sf. La mise en scène par contre est parfois bancale et les scènes de fight effectivement très frustrantes comme dit dans la critique, le plus gros bémol avec la narration. Pas un grand film mais une sorte de bonbon multi-colore qui pique avec plein de truc chimique dedans. Avec plus de rigueur dans la narration et la mise en scène, ainsi qu'une motivation plus claire du méchant, le film aurait pu devenir bien meilleur. Ca reste sympa à suivre pour ceux en manque de space opéra tout de même et s'il y a une suite je regarderai avec plaisir. Ah et le coté Melting pot avec toutes ces langues est vraiment bien vue dans le contexte du film, en plus c'est pas bête du tout coté ciblage avec Netflix diffusant ses programmes quasiment partout sur la planète.

RTFilms
06/02/2021 à 11:58

Je viens de regarder le film, et c’est une réaction à chaud! Je lis des commentaires négatifs à propos du film que je trouve assez « triste », la Corée n’a pas la même perception du cinéma que nous et ont un talent indéniable pour rendre des scènes sérieuses improbables, donnant un aspect attachant en très peu de temps aux personnages .

En terme de FX, rien n’a redire c’est un chef d’œuvre bien qu’il n’y est rien de très « nouveau » dans le genre ça reste très beau et agréable à regarder, les combats sont efficaces bien qu’assez courts à ma déception personnelle.

Le schéma narratif est en mélange de plusieurs histoires assez bien simplifiées et intégrées qui ne prennent pas la place du sujet principal et le méchant est juste «  méchant », on en apprend pas assez en revanche.

C’est un film qui se laisse regarder et qui arrive à vous captiver ! Si vous regardez ce film par découverte ne soyez pas obtus et laissez vous porter par le film ! C’est une autre culture cinématographique, ne l’a comparons pas au cinéma occidental.

En revanche ce qui m’a perturbé, les voix qui se mélangent assez souvent entre FR US et ES on s’y perds un peu !

En dehors de ça, quel film n’a pas de faux raccord ? Il faut bien synthétiser de manière à tenir un rythme, pour le coup le défi est relevé.

Andarioch1
06/02/2021 à 11:01

Très sympa niveau casting, direction artistique et même réalisation. Par contre sur le couple narration/ montage c'est du grand n'importe quoi. Dommage

Kelso
06/02/2021 à 01:51

Je viens de le regarder et mon avis c'est que tout ça est très confus, que ce soit le scénario ou les scènes d'actions, on regarde c'est plaisant mais comme tout est confus on ne suit que d'un oeil. Pourtant comme vous dites ça partait bien mais en fin de compte rien de bien nouveau, c'est fortement influencé par les Gardiens de la galaxie qui eux mêmes étaient fortement influencés par Serenity, d'ailleurs j'ai trouvé beaucoup de points communs avec Serenity (qui reste à ce jour le meilleur film du genre) dans ce film. Mais à part ça le film reste sympa mais vraiment sans plus, il y a quelques séquences vraiment trop simplifiées et trop illogiques enfin je sais pas trop comment expliquer mais par exemple, la scène où un personnage sauve la fillette avec une sorte de liane style tarzan et la scène d'après ils sont dans la vaisseau, pourquoi? comment? on sait pas, ou alors la scène ou ce même personnage est suspendu dans le vide et coupe la main de la méchante, logiquement il serait parti dans le vide avec mais la scène juste après il ouvre la porte en lançant la main et sort un blague, ok mais c'est juste absurde, et ça casse complètement l'immersion, enfin pour moi, à croire qu'ils n'ont pas osé sacrifier un des personnages principaux, ce qui est étonnant d'une production coréenne, qui dans les thrillers sont souvent surprenants. Pour terminé, ce film est pour moi une déception, la bande annonce envoyait du lourd, mais c'est confus, les scène d'actions ne sont pas très claires, et le scénario non plus (en gros il y a un méchant, il est très méchant mais on sait pas pourquoi, un peu comme l'orangina rouge quoi, mais pourquoi est-il si méchant?).

Franchement
06/02/2021 à 01:31

je viens de finir de le regarder et il y a un bon moment que je n'avais pas vu un space opera aussi fun. Le plus surprenant, ce sont les effets spéciaux, la générosité dans les détails des vaisseaux, des objets, des décors, des armures, etc. On dirait que le film a coûté 10 fois plus cher que son budget réel. Ce qui nuit un peu à l'histoire ce sont les poursuites et les batailles spatiales qui sont un peu brouillone et difficile à suivre.
Bien qu'on soit dans un univers déprimé au bord de l'effondrement, c'est très coloré. Et le jeu des acteurs est plus internationale que dans un film coréen habituel. Je pense que c'est parce que le film ne se destine pas qu'au marché intérieur.
C'est un film qui a des défauts mais c'est nettement au-dessus des blockbusters américains moches à base de pâtée de cgis qu'on voit habituellement.

zetagundam
05/02/2021 à 22:32

Si le film n'est pas trop plombé par les "tares" habituelles du cinéma Coréen à savoir une critique sociale et/ou quelques séquences de sentimentalisme ou larmoyantes mal placées, même si j'ai quelques doutes pour les larmes avec la présence de l'androïde "petite fille", il y a sûrement moyen de passer un bon moment devant le film

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