Furie : critique qui va te squatter le cerveau

Simon Riaux | 31 octobre 2019 - MAJ : 04/10/2022 11:36
Simon Riaux | 31 octobre 2019 - MAJ : 04/10/2022 11:36

Après Territoires, on se demandait à quelle sauce allait nous dévorer Olivier Abbou. Ce qu'on peut vous dire, c'est qu'il en a concocté une très relevée, où un trio d'acteur s'amuse à repasser les angoisses françaises à la moulinette d'un cinéma hardcore, capable de marier les exigences du cinéma d'auteur et la hargne de la série B à l'ancienne. Bienvenue dans le furieux Furie.

SATAN L'HABITE

Paul et sa famille reviennent de vacances. Ils découvrent que la babysitteuse de leur enfant et son compagnon à qui ils ont loué leur domicile durant l’été, se sont installés chez eux et ont entamé des démarches pour donner à leur squat l’apparence de la légalité. Entre démarches judiciaires, guerre psychologique piège administratif, Paul perd progressivement pied. Si le point de départ de Furie est prometteur de tensions bien corsées, il n‘est pas, sur le papier, synonyme d’horreur atmosphérique ou de délire organique. Et c’est pourtant précisément la direction que prend Olivier Abbou.

Pour son nouveau long-métrage, le metteur en scène déploie ainsi une myriade d’influences, qu’il distille non pas à coup de citations, mais pour souligner, voire décupler, les différentes stases psychologiques de ses héros. Car Paul n’est pas seulement un homme dont le quotidien est petit à petit désagrégé par une soudaine angoisse identitaire (la disparition de son domicile le renvoyant à toutes ses failles et contradictions), c’est aussi une véritable grenade existentielle, qui a patiemment ignoré toutes les interrogations qui le minaient.

 

 

Ainsi, à chaque fois que surgit un nouvel écueil (jugement défavorable, présence envahissante d’un quidam exagérément viril aux alentours de son épouse…), la caméra et la direction artistique donnent chair au piège qui se noue sur les protagonistes, en proposant de violentes ruptures de ton. Initié sur un ton froid, à l’aide de lents plans, favorisant les compositions d’ensemble, Furie évoque d’abord un écho maîtrisé de la cruauté d’un Haneke. Puis, alors qu’entre en scène une batterie de personnages secondaires totalement azimutés, on bascule soudain chez Gaspar Noé ou Tobe Hooper, lors d’un climax infernal, où explosent violence et symboles, avec un goût pour la monstruosité cinégénique devenue trop rare à l’écran.

 

photoQuand on part en vacances, sans écouter Michel Fugain

 

FRENCH FRAYEUR

Désireux de marier des influences aussi fortes que Massacre à la tronçonneuse ou Orange mécaniqueFurie n’est pas pour autant une création sous perfusion, si désireuse de se biberonner le cinéma américain des 70s qu’elle ne pourrait pas se pencher sur sa culture natale. En effet, le film d’Olivier Abbou a également cela de passionnant qu’il s’impose comme une pure prod hexagonale, capable de commenter bien des questionnements et passions mauvaises qui animent nos concitoyens.

Ainsi, le labyrinthe administratif digne des 12 travaux d'Astérix parlera forcément à tous les Français, d’autant plus que le cinéaste capte totalement le sentiment déréalisant qui l’accompagne, au fur et à mesure que le clan de Paul se voit encouragé à abandonner ses droits, plutôt que d’être broyée par la machine jurisprudentielle.

 

photoJoies du déménagement

 

De même, il enregistre avec malice les injonctions contradictoires (ou vécues comme telles) faites à certains hommes, tenus d’être des super-civilisés gardant toujours leur clame, autant que des montagnes de virilité prêtes à défendre leur territoire. Un paradoxe que Paul vit forcément dans sa chair, cet enfant d’immigré étant sans cesse renvoyé à son identité et aux clichés que charrient ses interlocuteurs.

On regrettera que les dialogues du film, qui va toujours à l’essentiel et se garde d’être trop bavard, soient souvent trop écrits, ou abattent les enjeux psychologiques, dramaturgiques, à la manière d’un joueur de poker jouant trop vite une bonne main. Mais cette faiblesse d’écriture souligne aussi en creux la qualité de l’interprétation. Physiquement investis, poussant chaque scène dans ses retranchements, Adama Niane, Stéphane Caillard et Paul Hamy apportent à l’ensemble ce qu’il faut de chair et de trouble, jusqu’à la sanglante explosion de rage qui conclura leur danse désespérée.

 

Affiche

Résumé

Olivier Abbou revient en force, grâce à ce thriller qui explore les névroses du mâle français, tout en questionnant un système qui transforme les individus en victime, et les victimes en prédateurs. Ludique, cinéphile et cruel, Furie est une belle proposition de cinéma de genre hexagonal.

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commentaires
Fox
04/10/2022 à 09:56

En même temps, pas qu'Arte soit avare en prise de risques. Mais s'ils avaient diffusé le film d'Abbou un lundi soir en prime time... ç'aurait été gonflé !
Vu au cinéma à sa sortie : si je salue la volonté de traiter de manière pas trop idiote certains sujets de société, le jeu des acteurs était tellement catastrophique qu'il m'a été impossible de rentrer dedans ne serait-ce qu'une seconde.
Dommage.

Mushy
04/10/2022 à 09:33

Me suis fait avoir . J'étais curieux de voir " Furie " et j'ai vu le début de " Furie " de " 1978 " mdr
Le pire , c'est que je suis resté devant le film pendant 30 min en me disant qu'il y avait un " hic " sans savoir qu'il y avait un autre film du même nom.

Tek
03/10/2022 à 22:47

Ça m'énerve de ouf quand vous faites des trucs comme ça parce que je passe mon temps à vous défendre sur les RS et IRL, et là vous passez pour des gros tocards littéralement pas foutu de prendre 30 secondes pour vérifier quel est le film diffusé à la TV (en l'occurrence, ce soir c'était le DePalma).

Autant vos critiques, articles et dossiers je les dévore y compris quand je n'abonde pas dans votre sens, mais là c'est pas sérieux et c'est vraiment très pénible.

Je vous dis ça sans condescendance et en toute amitié : Reprenez-vous svp.

Hank Hulé
03/10/2022 à 22:30

Une petite critique de la Reine des Neiges pour la mort de la Reine ?

Dernièrepluie
03/10/2022 à 21:55

Oui Brian De Palma

Hank Hulé
03/10/2022 à 21:47

Roh la biulette ! Virez mii le stagiaire

444
03/10/2022 à 20:55

Sauf que c'est le film de Brian de Palma ce soir...

Pistolero
03/10/2022 à 20:39

@Ray Peterson c’est ce qu’il me semble également

ni3o
03/10/2022 à 20:36

C'est certainement très bien mais c'est le Furie de Brian de Palma qui passe sur arte ce soir. Faut vérifié votre télé Z!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Ray Peterson
03/10/2022 à 19:45

Z'êtes sûr que c'est pas plutôt le De Palma ? (Qui est tout à fait recommandable itou)

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